En vol

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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

vendredi 11 mars 2022

GRATITUDE ENVERS LES ACCUEILLANTS


Image empruntée sur ce site


L'époque est rude, violente, angoissante. La guerre qui sévit si près de notre pays réveille, pour les plus âgés d'entre nous, et même pour leurs enfants, des souvenirs ou des expériences traumatisantes que l'on pensait enfouis à jamais. 

Les bombes qui tombent sur les maisons, les écoles, les hôpitaux, les victimes civiles, les petits enfants qui fuient en tenant la main de leur maman – les pères étant occupés à résister à l'ennemi –, tout cela est insupportable, comme c'est le cas, il faut le dire, de tous les conflits armés des dernières décennies. 

Cependant, nous notons avec émotion l'accueil spontané et généreux de villages français (sans parler bien entendu de celui des pays limitrophes de l'Ukraine) dont les habitants se mobilisent pour loger, nourrir, aider les réfugiés. Ils partagent leurs maisons, donnent des vêtements, aident les enfants à aller à l'école. Ils ne se contentent pas de trouver des appartements vides à leur prêter, non : cela serait trop difficile à vivre pour ces Ukrainiens, dans un pays dont ils ne connaissent ni la langue, ni les usages. Ces Français préfèrent prendre en charge les réfugiés déboussolés, en leur tenant la main, minute après minute. C'est le cas dans plusieurs régions de France, et c'est magnifique de voir cela se produire. On peut lire sur ce site l'ampleur des mesures prises par notre pays à ce sujet, et ici comment aider financièrement à l'accueil des réfugiés. 

C'est là que je prends conscience des progrès que le monde a fait (nonobstant la persistance de comportements guerriers, hélas universels) en matière de solidarité. 

Les habitants d'Ukraine fuient leur pays pour ne pas mourir. À la fin des années 30, et juste après la terrible Nuit de Cristal – qui a vu périr des centaines de Juifs, femmes, enfants et vieillards, tandis que des milliers d'hommes étaient emprisonnés dans des camps tel que l'infâme Dachau, tout près de la riante ville bavaroise de Munich –, qui s'est ému du sort de ces victimes ? Quel pays a accepté de les accueillir, de les héberger, pour les protéger d'un dictateur, lui-même si semblable à celui qui bombarde aujourd'hui l'Ukraine ? À part l'Angleterre, qui organisa le Kindertransport et sauva ainsi 10 000 enfants suite à un élan mémorable de solidarité, quel ville ou village français a proposé d'héberger les Juifs allemands et autrichiens ? Quelques-uns, heureusement, me direz-vous, aujourd'hui honorés comme faisant partie du réseau des Villes et Villages des Justes de France. Mais ceux-là ont réagi pendant l'Occupation allemande de notre pays. Avant, au moment où seul l'exode pouvait sauver des familles, il ne se passa pas grand-chose. Pire, la conférence d'Évian, en 1938, déboucha sur un niet collectif à cet égard. Seule la petite république dominicaine accepta de recevoir cent mille réfugiés... contre rétribution. 

Et aussi Shanghai, en Chine, où un bon nombre de Juifs allemands et autrichiens purent se réfugier dans un ghetto sordide. Je l'ai évoqué, assez longuement, dans mon roman "La Retricoteuse", grâce au témoignage que m'avait donné à ce sujet une de mes cousines américaines qui y avait passé sept années... 

Aujourd'hui, le monde connaît l'essentiel de ce qui s'est passé pendant la période nazie, et l'existence des camps d'extermination. Toutefois, un nombre important de nos contemporains ignorent encore ce qui se passa en Ukraine, à Babi Yar, en 1942, sans que quiconque s'en offusque, ou en soit même informé. Un silence qui a perduré trop longtemps, et qui a été brisé grâce, notamment, au travail du Père Desbois. Il a nommé cette série de massacres "La Shoah par balles". 

Je vous laisse le soin d'en lire le récit ici. Ou même de regarder ceci en images, sur YouTube, c'est très clair. NB : il aura tout de même fallu attendre 80 ans avant qu'un mémorial y soit érigé... 

Vous me direz, quelle est ici la place de la gratitude ? 


Image empruntée sur le site de l'Express


Cette carte répond pour moi à cette question : les noms qui y figurent, tellement familiers à mes oreilles, sont pour nombre d'entre eux associés aux lieux de naissance ou de vie  de mes aïeux. Ceux-ci ont eu le flair de s'en échapper, il y a bien plus d'un siècle. Je les en remercie chaque jour, à voix haute, depuis longtemps. 

Je suis également pleine de gratitude envers notre monde actuel, où les moyens de communication sont d'une efficacité redoutable, où nous sommes informés en direct de tout ce qui se passe à des milliers de kilomètres de chez nous, où notre compassion peut être suivie d'effets en un clic, grâce au miracle de la technologie, inventée et développée par nos frères et soeurs, les humains. 

Savoir et pouvoir utiliser internet, disposer d'un téléphone portable, voilà qui rend la vie (un peu, à peine) plus supportable pour les familles écartelées par cette guerre. 

Que les réseaux dits sociaux, pourtant tellement vilipendés, se mobilisent afin de nourrir, vêtir, éduquer des enfants, c'est remarquable, et admirable. Que la solidarité se manifeste avec autant de célérité, est tout aussi réconfortant. 

Gratitude, donc, envers tous ceux et celles qui font ainsi preuve d'une vraie humanité en ces temps tourmentés – pardonnez le pléonasme. 

Et que la paix revienne, vite, très vite, afin que l'on en exprime encore davantage que dans ce petit billet. 


La colombe de la paix, une lithographie de Pablo Picasso
que j'ai eu le bonheur d'admirer dès mon enfance 





 

3 commentaires:

  1. Merci pour ce messge qui remet les pendules à heure et pas seulement, et ausi pour la solidarité active qui s'est engagée en France

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  2. Merci, Cathie.

    Nos amis—les grands-parents, la fille, le petit-fils de trois ans—ont pu enfin quitter Kiev, le papa du petit étant resté pour défendre le pays, et ils sont arrivés en Hongrie après un trajet épuisant de 36 heures. Aux dernières nouvelles, l’enfant souffrait encore de diarrhée…

    Bien sûr, nous les avons priés de venir loger chez nous, mais la jeune femme veut rester près de la frontière afin de ne pas trop s’éloigner de son mari.
    J’ai passé une semaine chez ces amis en janvier 2008 et on m’a fait bien visiter la ville. Vers la fin du séjour, on passe par une grande rue avec, d’un côté, des bâtiments, de l’autre, une pente boisée. Au fond de la pente, le ravin, Babi Yar.

    Pour le moment, tout me réduit au silence, mais je comprends trop bien tes dernières réflexions sur la bonne fortune de tes aïeux (et des miens).

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  3. C'est dû aux massacre de Babi Yar que les tournesols 🌻 m'importunent!
    Merci pour ton écrit qui est, comme toujours, bien apprécié.

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