En vol

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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

vendredi 25 novembre 2011

LA RETRICOTEUSE SUR JEWPOP !




Juste un petit PS en ce début de weekend, pour jouer au ping-pong avec un de mes blogs favoris, Jewpop, qui a chroniqué ici LA RETRICOTEUSE. Que dire de plus, sinon " Gratitude !" - comme on dirait ailleurs "Total respect!" - Merci, et longue vie à Jewpop !

jeudi 24 novembre 2011

MES SOUS ET MOI

Sujet tabou, les sous.

Alors ne comptez pas sur moi pour vous raconter ce qui (se) passe sur mon compte en banque, ni vous dire que je suis fauchée à force de banquer pour la nation, ni non plus, pour dévoiler mes écus en public. Non, non, cela ne se fait pas. En revanche, je pense avoir le droit de dire que je suis réconciliée avec la gestion quotidienne de mes petits sous depuis que j’ai trouvé, il y a quelques années, la banque qui me convient, et surtout la conseillère financière qui va avec.

Avant, je galérais, je ne savais jamais où j’en étais, il me fallait crayon, papier, et calculette, griffonner pendant des heures, tout ça pour finir par frémir devant un découvert, qui, en fait, n’existait pas… Après, il y a eu internet, et un service quasi gratuit qui m’ont permis de gérer mes finances en me prenant pour Rothschild. Bon, j’exagère un peu, c’est vrai, et l’état de mon compte n’a rien à voir, et de loin, avec celui d’un trader de la City… Je n’en dis pas plus et reviens à la charmante personne avec qui je communique volontiers de temps à autre, par email ou par téléphone, car ma banque, il faut que je le précise, se trouve à cinq cents kilomètres de mon domicile.

Voilà quelqu’un qui a mes intérêts à cœur. Elle me surveille (ou plutôt mes euros), comme du lait sur le feu, mais pas trop souvent, une ou deux fois par an, avec sollicitude, sans me forcer la main, mais en me conseillant, comme doit le faire … une conseillère financière, au fond. Je n’avais pas l’habitude. Les autres, avant elle, dans une autre banque, ne m’envoyaient que des courriers minables, ou me faisaient appeler par un préposé au téléphone qui insistait pour parler de mon argent à mon mari et confondait notre nom avec celui d’une marque de biscuits*. Pas utile, et vexant.

Elle, elle a compris que je suis une grande inquiète. Elle me rassure, donc, et me sort de tous les mauvais pas. Si jamais ma carte bancaire a fait l’objet d’un début d’une tentative de fraude, paf, je reçois un message dans les cinq minutes, et me voilà sauvée du débit furieux d’un malveillant localisé à l’autre bout de la planète.

Ma nouvelle carte arrive-t-elle aux guichets de la banque, laquelle, je le rappelle, n’est pas tout près ? Eh bien, un petit mail, et hop, la voilà envoyée le jour-même, il ne me reste plus qu’à l’étrenner – ça je sais faire.

Grâce à elle, j’ai obtenu un forfait téléphonique d’enfer qui me permet d’enquiquiner mes enfants tant que je veux, et un badge pour circuler sur les autoroutes sans payer, enfin pas tout de suite, et quand c’est débité, j’ai oublié où je suis allée. Indolore.

Et même, si, par le plus grand des hasards, je laisse trop de picaillons dormir sur mon livret A, vite fait, elle m’appelle, et me trouve le plan B qui leur permettra de faire des petits, pour je meure la plus riche du cimetière. Cool, non ? OK, ça n’urge pas ; d’ici là, on sera devenues les meilleures amies du monde, et j’aurai sûrement tout dépensé, ou distribué. J’ai des enfants, au fait, je le répète.

C’est sûr, au début, on était un peu distante l’une avec l’autre, on ne se connaissait pas. Je ne savais pas si je devais l’appeler Madame B. ou Mademoiselle B. alors j’écrivais à l’américaine : Ms B. Elle n’avait pas l’air de s’en formaliser. Mais elle gardait une forme de distance professionnelle - normal, elle ne savait pas qu’elle avait affaire à une farfelue de la relation, ou peut-être que si, et qu’elle se méfiait. Elle n’avait pas tort.

Et puis, un jour, nous nous sommes rencontrées. En faisant preuve de beaucoup de patience, elle a réussi à me faire comprendre quelques petits trucs de base, à moi qui sais à peine compter. Et nous nous sommes congratulées. Maintenant, j’ai appris qu’elle s’est mariée, alors je peux lui dire Madame, mais qui sait, un de ces jours on s’appellera par nos prénoms, à l’américaine pour de bon ?

Alors, les quatre francs six sous que je ne dilapide pas, parce que, et c’est là le secret de mon bas de laine, je dépense tous ceux de mon cher et tendre, (qui ne connaît même pas le nom du conseiller financier de sa banque de proximité, parce que celui-ci se moque bien de savoir ce qu’il en fait), je sais qu’ils sont bien gardés.

Je n’ai pas besoin de spots à la télé pour me convaincre que d’autres banques sont meilleures, ou moins bonnes, que la mienne, et je ne ferai pas non plus de pub en donnant son nom, mais j’avoue que, de ne pas avoir de souci avec sa banquière, c’est presque mieux que de ne pas avoir de découvert sur son compte en banque. Même si, en général, les deux choses sont liées.

Mais je ne vais quand même pas tout gâcher. Une banque à qui parler ? L’humain, l’humain je vous le dis, il n’y a que ça qui compte !


* LU. Pour les initiés.

jeudi 17 novembre 2011

THE GLASS ROOM


This is the title of a book by Simon Mawer that was published in 2009, but which I have only recently come across, thanks to a friend’s recommendation. And I should really thank him here for the gift of those many hours of enthralment. Merci Michel!

The title, as the author himself explains in the afterword, is a translation of the German “Glassraum”. Raum meaning much more than just room: it refers to space, to all types of space. And indeed, it is space, transparent, airy space that Simon Mawer places at the core of his novel however numerous and interesting its heroes and heroines may be.

All of them indeed seduce the reader of a page-turner that you will only relinquish out of vital necessity, and that, once finished, urges you to tell everyone about – if only to share your pleasure.

So, the novel is all about a fabulous house, the mind-child of a very gifted avant-garde architect, and it is set in a brand-new country (at the time): CZECHOSLOVAKIA. The building is order-made, in the thirties, by a very wealthy couple, the Landauers. He is an industrialist, a car manufacturer. He is also Jewish. His wife, Liesel, is a gentile. They are going to have two children, Ottilie and Martin, and in view of the approaching storm, the reader is quick to understand that doom will soon befall them, as all the people around them.

However, right away, it is the house that strikes you, the reader, as the epicentre of all the emotions that cross the novel. You are a witness to its conception, its birth and its baptism. You attend the parties thrown in its honour. And later, you have to bear with its corruption, its decadence, and eventually, wonder at its rebirth. And, one by one, intrigues, desires, treasons, partings and reunions take place in the phenomenal Glass Room that is the heart of the abode. Its two hundred and thirty four square meters are split by an unbelievable onyx partition. All is glass and light, the inside and the outside being parted by a huge glass panel that disappears magically by the switch of a finger. The frontier between inside and outside, this is what Simon Mawer tackles, in this novel, and not only from an architectural point of view.

The characters are all moving, diverse as they may be. The reader is fascinated by each of them: from the lowest to the most powerful one, they are all multifaceted. Simon Mawer instils incredible life into them. He did well to specify in an author’s note that they are the figments of his imagination, or one might have believed them to be real. The historical background, however, rings truer than life.

But, I shall insist, it is the house, or the place, that fascinates the reader, even more than the characters. It reminded me of Tara, in Gone with the Wind. Since I read, long ago, about the world-famous plantation, no novel has evoked for me in such a strong manner the importance a place can take in a family’s life. Likewise, The Glass House may well be handed from a defeated owner to a conqueror, from a loser to a victor, be the victim of assaults as humiliating as those inflicted upon the people around it, it resists.

It is therefore this magical place that ties all the characters together. It holds them inside its womb, it releases them, it watches them (through the eye of its ominous, fiddly caretaker); it gathers them back, it fashions the way they look upon the rest of the world, and their memories, and of course their multitudinous love stories.

Simon Mawer (and I had never read anything by him before) goes straight to the point, to the miracle of love that reunites beyond the turmoil of life’s events those who should never have been parted. In this novel, when someone is lost on the way (literally-speaking), just as in real life, the question is asked; “How to find him, or her, again?”

Chapter after chapter, the spellbound reader tries to grasp the clues. But, just as in real life, the loss is sometimes irreparable; the cracked glass can’t be fixed. As for the broken heart, it can only be mended, for a brief, precious time, by the infinite emotion that the reading of some novels will provide.

THE GLASS ROOM, Simon Mawer, 2009

ISBN 978-0-349-12132-1


THE GLASS ROOM



THE GLASS ROOM est le titre anglais d’un livre qui n’a pas encore été traduit en français, mais qui le sera en 2012, si j’en crois le site de l’auteur, Simon Mawer. Il devrait être traduit sous le titre « Le palais de verre » - et, donc, je prends les devants, pour que vous en guettiez la parution en mai prochain, aux Éditions du Cherche Midi.

Le titre anglais lui-même ne rend pas toutes les subtilités du mot allemand « raum » qui signifie, je crois, à la fois pièce et espace. Surtout espace. Et c’est cet espace transparent si prégnant dont Simon Mawer fait le vrai héros de son roman. Héros, ou héroïnes, ses personnages sont pourtant nombreux à séduire le lecteur dans ce livre de quatre cents pages, qu’on ne lâche que par nécessité absolue, et qui, une fois achevé, vous donne envie d’en parler, pour partager le plaisir, et aussi remercier l’ami précieux qui vous l’a prêté. (Merci Michel !)

En quelques mots, il y est question d’une fabuleuse maison, conçue par un architecte avant-gardiste dans un pays alors tout neuf : la Tchécoslovaquie. Elle est construite sur commande, dans les années trente, par un couple très fortuné, les Landauer. Lui, Viktor, est un industriel : il fabrique des automobiles. Il est juif. Elle, Liesel, son épouse, vient d’une famille catholique. Ils vont avoir deux enfants, Ottilie et Martin, et, en raison de la tourmente à venir, on comprend vite que leur destin va basculer, comme celui de tous ceux qui gravitent autour d’eux.

Mais d’emblée, c’est la maison qui s’impose comme l’épicentre de toutes les émotions du roman. On assiste bien sûr à sa conception, à sa naissance. Puis à son baptême. Aux fêtes données en son honneur. Et plus tard, à sa corruption, à sa décadence, et à sa renaissance.

Et, tour à tour, intrigues, passions, trahisons, déchirements et retrouvailles se déroulent dans la pièce monumentale qui est le cœur de la demeure. Ses deux cent trente quatre mètres carrés sont partagés en deux par une immense cloison d’onyx. Tout n’y est qu’espace et lumière. L’extérieur et l’intérieur de l’espace ne sont, eux, séparés que par un phénoménal panneau de verre escamotable. La limite entre le dehors et le dedans, voilà ce qui intéresse Simon Mawer dans ce roman, et pas que d’un point de vue architectural.

Les personnages sont tous attachants dans leur diversité. Pris un à un, du plus puissant au plus humble, on est fasciné par leurs multiples facettes. Simon Mawer les rend vrais, réels, tangibles. Il lui faut bien préciser dans l’avant-propos qu’il s’agit d’une fiction, on a peine à le croire, tant ils sont faits de chair et de passion, de force et de faiblesse. L’arrière plan historique, lui aussi, est criant de vérité.

Mais, encore une fois, c’est la maison, le lieu, qui fascine encore plus que les personnages. Elle m’a fait penser au domaine évoqué dans ce fameux roman que certains ont sans doute lu (je ne parle pas de son adaptation cinématographique) : Autant en emporte le vent. Depuis l’évocation de Tara, je n’ai jamais rien lu qui soit aussi évocateur de l'ascendant que peut prendre une demeure sur ses habitants. Le lieu a beau passer de conquis à conquérant, de perdant à vainqueur, être victime d’assauts aussi humiliants que ceux que le peuple subit, il résiste.

C’est donc cet endroit magique qui relie tous les personnages, les enferme, les relâche, les observe (grâce à l’œil de son « concierge », homme-à-tout-faire équivoque et magouilleur), les récupère, façonne leur vision du monde, leurs souvenirs, et bien entendu, leurs amours polymorphes.

Simon Mawer, dont je n’avais jamais rien lu auparavant, touche ici à l’essentiel : au miracle de l’amour qui réunit, par delà les vicissitudes de la vie, ceux qui n’auraient jamais dû se quitter, au fond. Dans ce roman, quand on perd quelqu’un en route, (littéralement) c’est comme dans la vraie vie, on se pose la question : comment le ou la retrouver ? Chapitre après chapitre, le lecteur envoûté se raccroche à tous les indices. Mais, comme dans la vraie vie, la perte est parfois irrémédiable, ce verre cassé-là ne se répare pas. La brisure de nos cœurs ne peut être colmatée, un temps, que par l’émotion infinie que procure la lecture de certains romans.

THE GLASS ROOM, Simon Mawer, 2009

ISBN 978-0-349-12132-1


lundi 7 novembre 2011

POPPY DAY




If I should die, think only this of me /
That there’s some corner of a foreign field /
That is for ever England.

Si je meurs, ne m’attribuez que cette pensée /
Qu’il y a un coin de terre sur un champ étranger
/ Qui est l’Angleterre à jamais.

The Soldier de Rupert Brooke (1887-1915)

Chez nous, le 11 novembre est férié, mais si vous faisiez un "micro trottoir" le 8 ou le 9 de ce mois, je suis sûre que vous seriez étonné des réponses de bien des gens à la question :

"Que célèbre-t-on le 11 novembre ?"

À part les anciens combattants de tous poils, et les politiques bien rasés, peu d’entre nous prennent le temps de penser à ce que cette date représente. Le jour même, la télé en fait un marronnier, mais avant et après, silence radio.

Chez nos voisins britanniques, au Canada et aux États-Unis, on parle de "Poppy Day", ou de "Remembrance Day", et on ne fait pas qu’en parler.

Toute la semaine qui précède ce jour chacun porte, épinglé à la boutonnière, un coquelicot de papier. Dans le métro, les rues, les pubs, les parcs, sur les plateaux de télévision, les quais de gare… partout, partout, cette armée fleurie avance, en une compagnie compacte, pour rappeler à ceux qui n’ont pas encore acheté la fleur froissée, si rouge sang, que leur devoir est de le faire. Les sommes récoltées iront aux associations qui conservent le souvenir des tués de toutes les guerres, et aident les vétérans qui leur ont survécu. Certes, le gentil coquelicot évoque plus particulièrement les champs ensanglantés de la Première Guerre mondiale, ses affreuses tranchées, ses amputés, ses gazés, ses choqués, sa myriade de fantômes, et ses survivants affolés. Mais à ces cohortes de Poilus s’associe maintenant celles de tous les conflits meurtriers ultérieurs – et nous n’en manquons pas.

À l’origine de cette tradition, un poème, écrit par un médecin canadien du nom de John Mc Crae. Traduit sous le titre de "Au champ d’honneur" (en anglais "In Flanders Fields"), il rendait en effet honneur aux combattants, tout en les exhortant à continuer la lutte, pour la liberté.

Ce premier conflit mondial est aussi celui qui a le plus inspiré les poètes anglais qui l’ont vécu : Siegfried Sassoon, le pacifiste combattant, qui réussit l’exploit de combiner publiquement les deux positions, et de survivre, ou Wilfred Owen, qui a si bien décrit l’horreur de ces combats, les petites tricheries, l’aveuglement du monde civil, et l’absurdité de mourir à vingt ans et des poussières, fût-ce pour la patrie. Dans ce poème en particulier.

Bien que traumatisé, victime de "syndrome commotionnel", il retourna au front s’y faire tuer, une semaine avant cet armistice dont nous célébrons l’anniversaire le 11 novembre.

Les textes de ces poètes nous parlent, encore aujourd’hui.

En leur mémoire, mais je préfèrerais dire, en souvenir de leur belle jeunesse perdue, je souhaite que ce 11 novembre férié ne soit pas juste un jour passé à traîner les enfants à l’hypermarché (resté ouvert pour l’occasion), sans répondre à leurs questions, ni encore moins à les anticiper.

Personnellement, avant de partager un repas paisible avec des amis, j’allumerai une petite bougie pour éclairer l’avenir, en pensant à ces poètes de tous bords qui n’ont pas eu le temps de se nourrir de la beauté des coquelicots, parce que, trop tôt, bien trop, ce sont des pissenlits qu’ils ont mangés, par la racine.