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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

lundi 24 mai 2021

"LEÇONS D'INJUSTICE" ou "FIGLI DEL DESTINO"



Cela fait un moment que je n'ai rien publié sur ce blog... mais voilà que je reviens avec un billet que j'aurais volontiers confié à mon cher Jewpop, s'il ne s'était auto-éliminé des radars depuis quelque temps déjà. 

En effet, je viens de voir sur Netflix un documentaire que j'ai envie de vous faire découvrir, et qui, bien entendu, correspond à mon intérêt pour la période de l'Histoire qu'il relate. 

Il s'agit d'un film de 2019, intitulé en italien "Figli del Destino", curieusement traduit en anglais par "Forbidden School" et, de manière plus adéquate en français par "Leçons d'injustice"

Y sont retracés avec une grande justesse de ton et beaucoup de sensibilité, les parcours de quatre enfants ayant vécu (dès 1936) l'époque où les Fascistes italiens se sont mis, à leur tour, à pratiquer une politique violemment antisémite, calquée sur celle de leur allié nazi. 

On connaît moins bien l'histoire de la guerre vue du côté italien, sauf à avoir lu (ou vu) quelques œuvres essentielles s'y rapportant : "Si c'est un homme" de Primo Levi, bien entendu, ou "Le jardin des Fizzi-Contini", ou encore le dernier tome (bouleversant) de la plus récente trilogie de Louisa Young, intitulé "Devotion". 

Dans ce documentaire, quatre enfants, devenus des survivants d'un âge avancé, font part de leur expérience personnelle, de leurs émotions, de leur parcours si tragique et, surtout, de la manière exceptionnelle dont ils ont su se reconstruire, après...

Lea Levi, Liliana Segre, Guido Cava et Tullio Foà reviennent donc tour à tour sur ce qu'ils ont vécu quand ils étaient enfants, ou à peine adolescents. Et notamment sur le choc qu'a représenté pour eux l'interdiction soudaine, dès 1938, de fréquenter leur école – d'où le titre choisi en anglais. 



Auto-collant, 11 mars 1938
Source : wikipedia

L'une des petites filles en question, a en revanche été protégée, et sauvée, par les sœurs d'une école catholique. Cela nous rappelle l'action humaniste de Monseigneur Rémond, évêque de Nice, qui, avec l'aide du clergé de sa région, a sauvé tant d'enfants juifs entre 1943 et 1944. 

Avec une dignité et une précision exceptionnelles, chacun de ces témoins-survivants nous fait découvrir les fractures internes de son pays, et les conséquences qu'elles ont eues sur eux et sur leurs familles. Le témoignage si apaisé de la magnifique nonagénaire Liliana Segre, en particulier, m'a touché au cœur. 

Ce film nous rappelle les horreurs que les Fascistes fanatisés ont commises, mais aussi, comme ailleurs, l'aide qui a été apportée par des gens ordinaires : tel ce médecin qui soigna et sauva l'un de ces enfants juifs, alors que lui-même suivait le Duce...   

On y entend la souffrance de familles aisées, peu religieuses, voire non pratiquantes, très bien intégrées socialement, qui se sont soudain trouvées dépossédées de tout ce qui était leur quotidien. Comme ailleurs, me direz-vous ? Certes, mais les Juifs italiens pouvaient encore moins que ceux des autres pays croire à cette trahison : ils vivaient en paix avec leurs voisins sur ce sol depuis l'Empire romain, et même avant

Grâce  à ces témoignages, et à la technique maîtrisée du docu-fiction (qui introduit des acteurs pour illustrer la narration au passé),  on comprend mieux les ressorts de la tragédie qui s'abattit sur les Juifs italiens en 1943 – l'année où les Alliés débarquèrent en Sicile, mais où fut proclamée l'infâme République de Salò

(Et là, je me permets de vous renvoyer vers mon dernier roman, "Creuse la terre, creuse le temps", qui revient en détail sur cette longue libération de la botte italienne.)  

La chasse aux Juifs italiens s'intensifia dès lors, pour atteindre le nombre de 7750 déportés, dont très peu revinrent des camps de la mort. 

Parmi eux, il y avait 776 enfants. Seuls 25 ont survécu...

Les quatre survivants qui figurent dans ce documentaire sont filmés avec autant de délicatesse que d'intelligence. Les réalisateurs, Francesco Miccichè et Marco Spagnoli, ont su éviter la plupart des facilités et clichés souvent inhérents à ce genre de travail.  

Le résultat est à la fois instructif et touchant. Inhabituel aussi, car très positif, voire optimiste, dans son message ultime. Il serait donc vraiment judicieux de le faire découvrir à un public jeune. 

Ce documentaire n'est, hélas, disponible que sur Netflix,  mais si vous pouvez y avoir accès, n'hésitez pas à le placer parmi vos favoris : il le mérite, même si en parcourant la toile on ne voit que peu d'articles le concernant. 

Eh bien voilà, on dirait que j'y ai en partie remédié, non ?

À vos écrans, et à bientôt !

 

Plus d'infos, en italien, à lire ICI

L'image ci-dessous provient de ce même site.


Et ici, une interview de Liliana Segre. Nommée sénatrice à vie en Italie, elle subit encore aujourd'hui des attaques antisémites, et doit vivre sous protection policière... 






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