Mon amie Edith Ackermann nous a
quittés, à Cambridge, Massachusetts, ce 24 décembre 2016. Pour clore 2016, et au-delà de mon chagrin, je souhaite exprimer ici ma
profonde gratitude pour la grâce qu’a été le cadeau de son amitié.
Je me souviens…
…de
la fois où Edith Ackermann est arrivée dans ma classe, au lycée Capron de
Cannes, en lieu et place de sa sœur Eveline qui était avec moi pendant une
partie de l’année précédente. Entre-temps, en raison de problèmes familiaux, elles avaient dû passer un trimestre
en Suisse, pour revenir ensuite à Cannes… où on les a fait redoubler. Résultat :
Eveline s’est retrouvée dans la classe en dessous, et Edith dans la mienne, en
4ème. J’avais 13 ans, et elle 14. Ce n'était qu'un début.
Je
me souviens de la fois où elle a été distinguée entre toutes et complimentée
par notre professeur de dessin, André Champseix – qui se trouvait être aussi
mon beau-père. Edith était non seulement très douée en dessin mais en plus
dotée du même prénom que ma mère. Elle avait donc tout pour plaire !
Je
me souviens de la première fois où Edith m’a emmenée chez sa mère, qui habitait
tout près du lycée, mais qui, en mauvaise santé, et prise par son métier de
journaliste, avait inscrit ses filles à l’internat.
Il
y avait là plein de journaux que je ne lisais pas chez moi, qu’elle utilisait
pour son boulot (ou pour lesquels elle travaillait). Ils racontaient en images la
vie des gens célèbres. On passait des heures allongées par terre, à rigoler des
aventures des stars de l’époque, et à se moquer de leur coiffure.
Je
me souviens des fois où Edith venait chez moi le week-end, et comme nous étions
heureuses de cette parenthèse de liberté, car au lycée la discipline était
stricte, et les fous-rires souvent punis par des heures de colle.
Je
me souviens de notre complicité, car nous étions sans doute les seules de notre
classe à avoir des parents divorcés, dont la mère parlait plusieurs langues, et
dont les origines n’étaient pas méridionales.
Je
me souviens de la fois où elle m’a fait mourir de rire en cours de gym – une
activité à laquelle nous étions aussi rétives l’une que l’autre :
allongées sur un maigre tapis de sol, il fallait exécuter des abdominaux.
Soudain Edith s’est écriée : "Aïe ! Ça me fait mal au
soutien-gorge !"
Une
phrase qui m’est restée, toute ma vie de non-sportive.
Je
me souviens de la fois où on avait essayé de se faire excuser de ce même cours
de gym, pour cause "d'indisposition", et que la prof nous avait
demandé si nous étions comme les éléphantes, dont les règles sont, paraît-il,
interminables…
Je
me souviens de nos escapades sur la Croisette, quand nous aurions dû être en
cours : au moment du Festival de Cannes, il semblait plus important de
récolter des autographes que des bonnes notes.
Je
me souviens de la cour du lycée, que nous arpentions toutes les deux pendant
des heures en bavardant de sujets tels que : notre avenir, nos lectures,
nos futures amours, nos amies, nos ennemies, Picasso, et les mérites comparés
des chaussettes noires et des bas-nylon.
Je me souviens qu’Edith était grande et moi toute petite,
et qu’on nous surnommait « Doublepatte et Patachon ».
Je
me souviens de la carte qu’elle m’avait écrite en Angleterre, envoyée de Flims,
en Suisse (je la cite : « endroit
adoré où tombe la pluie éternelle ») où elle passait ses
vacances : elle me racontait avec humour ses sauts (héroïques) du haut du
plongeoir de 2 mètres, ses déboires amoureux, et sa hâte de retrouver les
copines à Cannes.
Je me souviens de notre année de Terminale, au lycée de garçons (le lycée Carnot), et de nos premières aventures amoureuses, que nous comparions volontiers car nos deux élus du moment portaient le même prénom !
Je me souviens de la dernière fois où je l’ai vue arriver chez ma mère, en voiture décapotable, accompagnée d’un jeune et beau garçon… Elle est ensuite partie étudier, d’abord à Innsbruck, en Autriche, en 1965-66, et puis à Genève et, prises par la vie, nous ne nous sommes plus jamais revues jusqu’en … 2006. Une vie, pendant laquelle chacune s'était demandé ce que l'autre était devenue.
Je me souviens de la dernière fois où je l’ai vue arriver chez ma mère, en voiture décapotable, accompagnée d’un jeune et beau garçon… Elle est ensuite partie étudier, d’abord à Innsbruck, en Autriche, en 1965-66, et puis à Genève et, prises par la vie, nous ne nous sommes plus jamais revues jusqu’en … 2006. Une vie, pendant laquelle chacune s'était demandé ce que l'autre était devenue.
Je
me souviens de la fois où j’ai googlé
son nom, en 2006, justement. Elle vivait et travaillait à Boston. Sous son CV impressionnant, j’ai vu son adresse
mail, et je lui ai tout de suite écrit : « Es-tu l’Edith Ackermann
qui était mon amie à Cannes dans les années 50-60 ? », et dans la minute j’ai eu sa réponse,
enthousiaste, émue… « Ouiiiii ! Revoyons-nous, raconte-moi, dis-moi
tout ! »
Je
me souviens de la fois, en 2007, où Edith est venue chez nous avec une jeune
amie à elle, et du plaisir qu’elle a pris à découvrir mes vieux albums de
photos.
Je
me souviens qu’elle a adopté mon mari et mes enfants et inversement – et je
n’oublie pas son soutien précieux, lors des accidents de notre vie.
Je
me souviens de la fois où Edith m’a dit que mon cheese-cake était le meilleur
du monde, et de sa gourmandise en général. Cerise sur le gâteau, elle m’a aussi
dit qu’elle adorait ce que j’écris.
Je
me souviens de la fois en 2010 où 80 anciennes du Lycée Capron se sont
retrouvées in situ, pour faire la fête,
et de son visage radieux face à chaque nouvelle arrivée.
Chacune portait un badge avec son nom et sa photo de l'époque
Pour lire l'article de juin 2010, cliquez sur le lien
de Nice-Matin, ici.
Je
me souviens de la fois où Yvonne, une de nos amies, nous a donné chez elle un "cours
de gnocchis " et je me souviens qu’on a (presque) toutes mis la main à la
pâte, même si Edith a préféré prendre des photos, manger la socca faite maison, et s’attaquer aux
gnocchis, une fois ceux-là cuits !
Je
me souviens de la fois en 2014 où on s’est toutes retrouvées pour déjeuner à
Saint-Laurent du Var, et qu’Edith avait suggéré d’organiser une grande fête
dans notre région pour les 70 ans de toutes les copines nées en 1946, et je me
souviens avoir espéré y être invitée, alors que je suis restée la benjamine de
la bande… et je me souviens que la fête n’a pas eu lieu.
Je me souviens qu’en août 2016 Edith est venue passer quelque temps à Cannes, beaucoup de temps chez nous, et une soirée exceptionnelle chez Yvonne, en compagnie des fidèles « Capronettes » Nicole, Georgette, Danièle… une parenthèse magique de légèreté, au cours de laquelle Edith a oublié qu’elle ne mangeait plus guère, ne digérait plus très bien – parce qu’elle se régalait, mais nous nous sommes surtout régalées de sa présence merveilleuse, si bienveillante. Une dernière fois.
Je me souviens que depuis ce fameux jour de 2006 nous n’avons cessé de correspondre de toutes les manières possibles, tantôt en français, tantôt en anglais, tantôt dans un mix des deux qui nous appartenait – mais au fond, on se comprenait sans même se parler.
Je
me souviens que nous nous sommes longuement revues à chacune de ses visites à
Cannes, et je me souviens de chacun de ses mails, et des merveilleux moments
passés avec elle à Nice et ailleurs, et des retrouvailles avec les copines, et je
me souviendrai toujours de l’impression qu’elle savait donner que chacune
d’entre nous était l’unique amie de son cœur, et c’était à chaque fois vrai, chacune
avait sa place entière, privilégiée, car l’amour qu’elle portait en elle était
incommensurable, indivisible, et inoubliable.
Je
me souviens d’elle maintenant, et m'en souviendrai à jamais.
Repose en paix, Edith, mon amie.
Deux endroits chers à son cœur :
Notre Méditerranée,
photographiée en sa compagnie
en janvier2015,
photographiée en sa compagnie
en janvier2015,
et
Walden Pond (Massachusetts. USA),
Walden Pond (Massachusetts. USA),
proche de chez elle, où elle allait nager en été...
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Si vous ne la connaissiez pas, et qu'à votre tour vous voulez la googler, n’hésitez pas, c’est ici. Et là. Admirez son parcours exceptionnel, même si sa modestie naturelle aurait réprouvé ce conseil d'amie.
merci Cathy .... super émouvant !!!
RépondreSupprimerJ'ai lu, avec émotion...
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