En vol

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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

lundi 7 novembre 2011

POPPY DAY




If I should die, think only this of me /
That there’s some corner of a foreign field /
That is for ever England.

Si je meurs, ne m’attribuez que cette pensée /
Qu’il y a un coin de terre sur un champ étranger
/ Qui est l’Angleterre à jamais.

The Soldier de Rupert Brooke (1887-1915)

Chez nous, le 11 novembre est férié, mais si vous faisiez un "micro trottoir" le 8 ou le 9 de ce mois, je suis sûre que vous seriez étonné des réponses de bien des gens à la question :

"Que célèbre-t-on le 11 novembre ?"

À part les anciens combattants de tous poils, et les politiques bien rasés, peu d’entre nous prennent le temps de penser à ce que cette date représente. Le jour même, la télé en fait un marronnier, mais avant et après, silence radio.

Chez nos voisins britanniques, au Canada et aux États-Unis, on parle de "Poppy Day", ou de "Remembrance Day", et on ne fait pas qu’en parler.

Toute la semaine qui précède ce jour chacun porte, épinglé à la boutonnière, un coquelicot de papier. Dans le métro, les rues, les pubs, les parcs, sur les plateaux de télévision, les quais de gare… partout, partout, cette armée fleurie avance, en une compagnie compacte, pour rappeler à ceux qui n’ont pas encore acheté la fleur froissée, si rouge sang, que leur devoir est de le faire. Les sommes récoltées iront aux associations qui conservent le souvenir des tués de toutes les guerres, et aident les vétérans qui leur ont survécu. Certes, le gentil coquelicot évoque plus particulièrement les champs ensanglantés de la Première Guerre mondiale, ses affreuses tranchées, ses amputés, ses gazés, ses choqués, sa myriade de fantômes, et ses survivants affolés. Mais à ces cohortes de Poilus s’associe maintenant celles de tous les conflits meurtriers ultérieurs – et nous n’en manquons pas.

À l’origine de cette tradition, un poème, écrit par un médecin canadien du nom de John Mc Crae. Traduit sous le titre de "Au champ d’honneur" (en anglais "In Flanders Fields"), il rendait en effet honneur aux combattants, tout en les exhortant à continuer la lutte, pour la liberté.

Ce premier conflit mondial est aussi celui qui a le plus inspiré les poètes anglais qui l’ont vécu : Siegfried Sassoon, le pacifiste combattant, qui réussit l’exploit de combiner publiquement les deux positions, et de survivre, ou Wilfred Owen, qui a si bien décrit l’horreur de ces combats, les petites tricheries, l’aveuglement du monde civil, et l’absurdité de mourir à vingt ans et des poussières, fût-ce pour la patrie. Dans ce poème en particulier.

Bien que traumatisé, victime de "syndrome commotionnel", il retourna au front s’y faire tuer, une semaine avant cet armistice dont nous célébrons l’anniversaire le 11 novembre.

Les textes de ces poètes nous parlent, encore aujourd’hui.

En leur mémoire, mais je préfèrerais dire, en souvenir de leur belle jeunesse perdue, je souhaite que ce 11 novembre férié ne soit pas juste un jour passé à traîner les enfants à l’hypermarché (resté ouvert pour l’occasion), sans répondre à leurs questions, ni encore moins à les anticiper.

Personnellement, avant de partager un repas paisible avec des amis, j’allumerai une petite bougie pour éclairer l’avenir, en pensant à ces poètes de tous bords qui n’ont pas eu le temps de se nourrir de la beauté des coquelicots, parce que, trop tôt, bien trop, ce sont des pissenlits qu’ils ont mangés, par la racine.

3 commentaires:

  1. Voir le blog WW2 dont le lien apparaît en bas à droite de celui-ci, pour un article semblable en anglais.

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  2. Jusqu'à une époque récente, en tant qu'observateur du souvenir dans plusieurs pays, je dirais le peuple français (les Belges et les Hollandais) ont rappelé l'époque des guerres de plus qu'en Grande-Bretagne et le Commonwealth. Certes, sur le continent, les conséquences de la guerre ont été rappelé tout au long de l'année.

    En Grande-Bretagne et le Commonwealth de la commémoration des victimes de guerre a été principalement autour du moment de l'Armistice (le 11 Novembre) et 'Dimanche du Souvenir' (en anglais 'Remembrance Sunday'). Certes, dans les écoles britanniques, les enfants ont longtemps été enseigné les valeurs de la poésie des poètes tels que la guerre de Rupert Brooke, Siegfried Sassoon et de Wilfred Owen.

    Mais, depuis le milieu des années 1990 les écoles britanniques ont plus utilisé la poésie de guerre, les événements de la guerre et ses conséquences dans la même manière que les écoles européennes. On aimerait à penser que les générations présentes et futures ne connaîtront jamais les horreurs du front occidental de la 1914 - 1918 la guerre ou l'Holocauste de la Seconde Guerre mondiale.

    En 2009, j'ai eu l'occasion de visiter le Musée Lieu de naissance du maréchal Ferdinand Foch à Tarbes (65). Maréchal Foch considéré comme le traité de Versailles (1919) de ne pas être la paix, mais simplement un armistice de 20 ans. Malheureusement, ce constat s'est avéré être vrai. Dans les années à venir il n'y aurait plus de couronnes de coquelicots placés devant les pierres tombales de jeunes gens qui allaient mourir dans une autre guerre.

    Laissez-nous apprendre et à mémoriser des poèmes de paix et de guerre et de porter le coquelicot en souvenir de ceux qui sont morts Laissez-nous apprendre et à mémoriser la poésie de guerre, qui dans le même temps est aussi la poésie de la paix, et laissez-nous portons le coquelicot en souvenir de ceux qui sont morts à la guerre, en particulier les deux guerres mondiales. Surtout, laissez-nous apprendre de cette poésie de ce qui s'est passé dans un temps qui n'est pas si longtemps.

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  3. Un poème français qui me fait penser à la pitié de la guerre est 'Familiale' de Jacques Prévert (1946).

    Je cite ce poème ci-dessous:

    'Familiale'

    La mère fait du tricot
    Le fils fait la guerre
    Elle trouve ça tout naturel la mère
    Et le père qu'est-ce qu'il fait le père ?
    Il fait des affaires
    Sa femme fait du tricot
    Son fils la guerre
    Lui des affaires
    Il trouve ça tout naturel le père
    Et le fils et le fils
    Qu'est-ce qu'il trouve le fils ?
    Il ne trouve rien absolument rien le fils
    Le fils sa mère fait du tricot son père fait des affaires lui la guerre
    Quand il aura fini la guerre
    Il fera des affaires avec son père
    La guerre continue la mère continue elle tricote
    Le père continue il fait des affaires
    Le fils est tué il ne continue plus
    Le père et la mère vont au cimetière
    Ils trouvent ça naturel le père et la mère
    La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires
    Les affaires la guerre le tricot la guerre
    Les affaires les affaires et les affaires
    La vie avec le cimetière.

    Jacques Prévert
    "Paroles", Éditions Gallimard (1949).
    ISBN 978-2-07-036762-7
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    Commentaire

    Le poème s'ouvre sur une vue intime de la vie familiale: 'La mère fait du tricot'. Y-a-t-il un plus réconfortant, image laide que la mère assise dans une chaise berceuse au coin du feu? Peut-être qu'elle est à tricoter des chaussettes en laine pour ses enfants?

    Pourtant, le poète se poursuit avec une autre image - celle du fils qui est allé à la guerre. Le père va à ses affaires quotidiennes - quel qu'il soit !

    Le fils se poursuit avec la guerre .... la mère continue avec son tricot .... le père continue avec ses affaires, son entreprise. Finalement, le fils est tué et il n'est plus loin à la guerre. Non, au contraire, le fils est allé au cimetière.

    Aussi, tout naturellement, le père et la mère vont au cimetière. Il est assez naturel pour eux de faire cela. On imagine les parents visiter leur fils mort à lui rendre hommage et de placer un bouquet de chrysanthèmes.

    La vie - c'est-à-dire la vie familiale - se poursuit au cimetière où le fils est allé. Pourtant, ce n'est pas l'image intime et accueillante de la vie familiale on a lu au début du poème. Plutôt, c'est la façon dont le poète qu'il laisse dans l'esprit du lecteur.

    Dans l'après-guerre, pendant les années quarante, le poète laisse au lecteur de considérer si c'est vraiment le cours naturel de la vie familiale. Normalement, ce sont les jeunes qui font le sacrifice ultime quand ils s'en vont à la guerre.

    À mon avis, 'Familiale' par Jacques Prévert est un poème qui donne au lecteur beaucoup à considérer au sujet de l'effet de la guerre sur la vie familiale.
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