(Pour JEAN MARAIS, un peu de patience...)
Cela commence avec ces pubs qui surgissent à côté de votre « timeline » sur facebook. Pour ceux qui ne sont pas au courant, j’explique : Facebook est gratuit, certes, mais fonctionne grâce aux publicités qui y sont systématiquement postées, et celles-ci, au contraire des affiches que chacun voit dans la rue, sont très bien ciblées… enfin, en général.
Cela commence avec ces pubs qui surgissent à côté de votre « timeline » sur facebook. Pour ceux qui ne sont pas au courant, j’explique : Facebook est gratuit, certes, mais fonctionne grâce aux publicités qui y sont systématiquement postées, et celles-ci, au contraire des affiches que chacun voit dans la rue, sont très bien ciblées… enfin, en général.
Si vous avez eu la bêtise
de communiquer votre véritable année de naissance (et même si elle reste un
secret pour tous les visiteurs autorisés à regarder votre « profil »)
– eh bien, vous êtes cuite. Cataloguée
dans les baby boomers, ou plutôt les mamy boomers.
Je m’en suis aperçue le
jour où j’ai commencé à remarquer des annonces pour des trucs très glamour,
comme « Convention obsèques, pensez-y dès maintenant ! » ou bien
« Comment perdre 10 ans en dix minutes » et « toutes vos rides
en un mois » … J’exagère à peine.
Une petite enquête auprès de mes (plus) jeunes copines m’a révélé qu’elles ne voyaient rien de semblable sur leur écran. Glurps.
OK c’est la vie,
hein, on ne peut pas être et avoir tété, comme me le répétait ma mère. On se
fera une raison, sans pour autant courir se faire lifter de tous les côtés.
Mais là où c’est devenu
insidieusement flagrant, si je puis dire, c’est quand à la télé ils se sont mis
à nous tirer dessus, à vue : Et que voilà une pub pour un monte-escalier,
qui soulagera vos genoux en capilotade ; une autre pour le produit miracle
qui vous fera oublier l’arthrose des mêmes genoux, et une dernière pour une entreprise qui
transformera votre baignoire tue-mémé en douche-si-raisonnablement-raisonnable,
cela en une journée, pour si peu cher, et surtout, surtout, sans aucun des
tracas qui tracassent tant les séniors.
Argh, j’ai lâché le mot.
Nous voilà la cible en or des chercheurs d’or. Je me le suis pris en plein dans
la tête ! Tout ça parce que j’ai eu la bêtise d’allumer la télé pendant
Télé-Matin, un jour de grasse mat’ exceptionnelle !
Le comble du comble, c’est
quand la pub se met à nous retourner comme des crêpes, avec un talent fou, et
un lourd clin d’œil à nos jeunes années.
Je donne un exemple.
Quand j’étais gamine, je
connaissais une vieille dame d’au moins cinquante-neuf ans, qui allait
régulièrement en cure à Baden-Baden. Rien que le nom me fascinait, ce double
bain était-il moussant, ou fait de boue ? Mais enfin, aller en cure, cela
faisait has been avant l’heure, croulant
avant que le mot soit détourné par les yéyés, aujourd’hui, on dirait ringard.
Je m’imaginais tout un tas de grosses dames en peignoir blanc en train de
s’enfiler des litres d’eau boueuse, pour leur plus grand bien. La mienne, de
curiste, en revenait ni plus ni moins énergique et toujours aussi teigne. Pas
du tout mon rêve de loisir.
Bref, cure ? Bof. Je ne me
réconcilierais avec le terme que lorsqu’il serait précédé d’un article. Comme
dans ‘The Cure ». Ou, à la rigueur, en l’utilisant comme mon cher et regretté Professeur de littérature américaine,
Jean Normand : il n’avait (jamais) cure de rien, et surtout pas du jugement des vieux
cons (c’est à dire la plupart de ses collègues).
Et voilà que maintenant,
c’est nous, donc moi, leur cœur de cible, à ces publicitaires post-adulescents !!!
Vous avez dû le voir :
Ils ont piqué la musique sur laquelle dansait la génération qui était juste
avant la mienne – et l’ont collée sur une « réclame » pour une chaine de stations thermales ! Les mêmes qui se déhanchaient avec frénésie, un hula hoop autour de la taille, sont à
présent représentés en peignoir blanc, juste comme celui de la mémé dont je viens de parler,
filmés en train de s'ébrouer dans un bassin – ou bien de se trémousser en buvant
tout autre chose que des mojitos, et
sans le moindre pétard en vue. Ah, c’est vrai, ils sont très clean dans ce
spot. Tous nickel, bien conservés, sans la moindre épaisseur autour des
chevilles. Faut attirer les foules, pas les dégoûter.
Je rêve. Mais pas d’y
aller, au fond, pas du tout. Une petite thalasso, je dirais pas non, c’est
moins tarte. Mais faut croire que la cible idéale, celle qui a encore quelques sous à dépenser, ce n’est pas celle des jeunes travailleurs urbains ou
suburbains. Que nenni. C’est nous, les vieux, pardon, les séniors.
Eh, ben, vous savez
quoi ? Ils peuvent bien me montrer toutes ces images de rêve, auxquelles
il ne manque que quelques plans de Derrick ou de Colombo, ils ne m’auront pas.
L’idée de me promener ainsi en peignoir avec plein d’autres gens aussi moches
que moi, cela ne me tente pas du tout, mais alors pas du tout. Ils ont beau
coller en guise de conclusion l’image d’une petite gamine au diapason de la
danse, cela me laisse aussi indifférente, voire plus hostile, que ces
diaporamas qui tournent en rond sur internet avec une liste d’adresses non
cachées en prime.
Et pourtant, la nostalgie
est bien ce qu’elle était. Pour preuve, une dernière anecdote. ENFIN !
La Cinémathèque de Nice a organisé le 9 février
dernier une soirée exceptionnelle pour lancer la commémoration du centenaire de
Jean Marais. Oui, il aurait eu cent ans cette année, en décembre. C’est dingue,
non ? (Voir ici pour plus de détails sur cet anniversaire).
Y ont donc été invitées deux idoles des années cinquante-soixante, Marina Vlady et Mylène Demongeot, dont ma fille ignorait l’existence jusqu’à il y a cinq minutes. Mais pour certains d’entre nous, elles ont existé pour de bon, même qu’elles ont tourné avec Jean Marais. Nous les avons vues et admirées, voire désirées – n’est-ce pas messieurs.
marina vlady
Je la fais courte. La
soirée fut très amusante, très rétro, et très bien animée par Henri-Jean Servat, et par la présence de Carole Weissweiller, qui a bien connu Jean
Marais, et Jean Cocteau, visiteurs réguliers de la villa de sa mère, sur le Cap
Ferrat.
Grâce à Odile Chapel, la directrice de la Cinémathèque de Nice, cela a été une jolie plongée dans le monde d’avant la carte vermeil.
Mais le plus émouvant de la
soirée s’est passé avant même qu’elle commence : Une dame s’approche de Mylène
Demongeot, avec, dans les mains un cahier, un gros album, en fait, plein de
photos et d’articles découpés dans Cinémonde, collés là pour l’éternité et un
jour. Rien que des hommages à ces acteurs et actrices de l’époque, conservés
soigneusement dans ces pages, par leur contemporaine, qui, en demandant, telle
la gamine qu’elle fut, un autographe aux deux invitées du soir, a fait
replonger les témoins de la scène (dont j'étais) dans une époque révolue – que de
jolis souvenirs, d’admiration, et de fraîcheur entre ces pages
jaunies !
Si c’est ça être sénior, avoir
gardé des souvenirs, je prends – mais SVP, ne me parlez pas de monte-escalier,
ni de produit qui colle les dentiers, ni de DMLA, ni du dépistage de la maladie d’Alzheimer. Si vous le
faites, je vous lancerai mon ordi à la tête, et croyez-moi, il y a encore du
lourd dans sa mémoire !
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimerAh ah ah ah ah très drôle Merci Cathie !! J'adore !mdr
RépondreSupprimerGeorgette
Hmm, problème de publication, on dirait, mais merci Georgette de ton enthousiasme ! Il me ravit toujours !
SupprimerEt encore... Tu as échappé :
RépondreSupprimer- aux pubs de fauteuils roulants
- (encore pire quoiqu'authentiquement vécu) sous enveloppe par voie postale : une couche-culotte d'incontinence (mais oui !!!!)
Car le marketing senior ne fait aucune différence entre 60 ans et 95 ans, mais c'est sûr, ça va s'affiner avec le temps...
Pour info quand même et pour en finir avec le mythe de la cible-idéale-des-seniors-pétés-de-tunes : la retraite moyenne de la "mamie" française c'est 900€ par mois. Même pas le peignoir blanc on peut se payer !
Tu fais bien de préciser, pour les revenus. C'est honteux. Heureusement que l'humour (et tu n'en manques pas !) réconforte les âmes. Et au fond, ce peignoir blanc, t'en voudrais toi ?
SupprimerA moi la robe de l'avocat du diable (plus sexy que le peignoir
RépondreSupprimeren éponge, fut-elle velours): la thalasso, pour notre génération coincée entre les parents et les enfants également bouffe-vie, c'est une parenthèse de non-responsabilité à ne pas négliger. Pendant une semaine, on devient la personne dont on s'occupe (d'autant mieux que les tarifs grimpent - et après tout on l'a gagnée cette retraite, ainsi que le droit d'être enfin des séniors indignes!)