©photo prise sur ce site
Quels points communs peut-on bien trouver entre le
poète William Wordsworth et l’écrivain Beatrix Potter ?
Vous me direz, et vous aurez raison : ils sont
tous deux britanniques, et tous deux célèbres pour leurs écrits. L'un (entre autres) pour ses fleurettes, si délicieusement romantiques, et l'autre pour ses petits lapins, qui ont enchanté tant d'enfants, dont les miens.
Ceux-ci se souviennent encore (et moi donc) de ce
qui était écrit sur leur bol à céréales : « Old Mrs Rabbit has three little bunnies and their names were
Flopsy, Mopsy, Cotton Tail and Peter. »
Peter, était le héros, car le plus
désobéissant : il allait se goinfrer de radis, sans vergogne ni terreur,
dans le potager du dangereux Mr Mc Gregor, dont le fusil menaçant avait déjà
mené le père lapin à la terrine de pâté. Et si Peter venait à subir le même sort ?
Impossible d’oublier une telle frayeur
enfantine !
De même, je me souviens encore de la première
strophe du poème « The
Daffodils », pour l’avoir étudiée et apprise par cœur en classe de 4ème.
Eh oui, en ce temps-là, c’était du lourd, l’étude d’une langue étrangère ! Je vous la cite, avec sa traduction tout de même :
I wander'd
lonely as a cloud
That floats high o'er vales and hills,
When all at once I saw a crowd,
A host of golden daffodils;
Beside the lake, beneath the trees,
Fluttering and dancing in the breeze.
That floats high o'er vales and hills,
When all at once I saw a crowd,
A host of golden daffodils;
Beside the lake, beneath the trees,
Fluttering and dancing in the breeze.
J'errais solitaire nuage,
Qui vogue haut sur monts et vaux,
Quand d'un coup je vis une foule,
Un essaim de jonquilles d'or ;
Le long du lac et sous les arbres,
Voletant, dansant dans la brise.
(Traduit de l’anglais par ©Maxime Durisotti, sur ce site.)
Qui vogue haut sur monts et vaux,
Quand d'un coup je vis une foule,
Un essaim de jonquilles d'or ;
Le long du lac et sous les arbres,
Voletant, dansant dans la brise.
(Traduit de l’anglais par ©Maxime Durisotti, sur ce site.)
Certes, me direz-vous, mais à quoi cela nous
mène-t-il ?
À leur autre point commun, qui est d’être tous deux
de hautes figures de leur région natale, celle des Lacs, que l’on nomme en
anglais avec une logique imparable « The Lake District ».
photo : wikipedia
Ceux qui n’y sont jamais allés, et qui n’y ont pas
vu la floraison des rhododendrons, ont encore un but à atteindre dans leur
existence. Qu'ils se dépêchent, la saison en approche !
photo empruntée ici.
Mais foin des jonquilles et des lapins, c’est
d’enfants que je souhaite vous parler aujourd’hui, quand bien même ceux-ci sont
à présent devenus d’honorables grands-parents – si toutefois ils sont encore
parmi nous.
Voyez-donc de plus près cet environnement de rêve. C’est celui
qui a servi de lieu d’accueil à 300 enfants rescapés des camps de concentration.
Ils sont passés directement d’endroits
cauchemardesques – tels que Theresienstadt et
Auschwitz-Birkenau – à Windermere.
Des châlits et de la soupe liquide à des lits
douillets et des bols de porridge.
De l’enfer au paradis.
Une fois encore, cela me réjouit de porter à votre
connaissance un épisode méconnu de bien des Français. Celui des Windermere Boys.
En 1945, donc, le droit fut donné à 1000 enfants
(tous orphelins, leurs parents ayant disparu dans la nuit des camps
d’extermination) d’immigrer en Grande-Bretagne. Certains avaient survécu à
Buchenwald et à une marche de la mort de plus de 200 kms. Ils n’avaient plus
aucun endroit où aller vivre, plus de famille – et, comme lors du Kindertransport que j’ai relaté précédemment ici, la
communauté juive anglaise, à l’initiative de Leonard Montefiore, s’est
mobilisée pour obtenir le droit d’accueillir et d’insérer ces enfants et
adolescents si mal en point et si perturbés par l’horreur à laquelle ils
venaient de survivre. Finalement, seuls 782 enfants, dont 80 filles, purent
faire le voyage, dont 300 furent envoyés à Windermere, une région choisie en
raison de son calme, et de sa sérénité.
Des convois de la RAF transportèrent donc ces
petits survivants vers le Lake District, où ils passèrent quelques mois – le
temps de se refaire une santé physique –, avant d’être placés auprès de familles
d’accueil dans le reste du pays, et en particulier dans la région de Manchester.
Cet endroit de rêve est demeuré dans leur mémoire
avec autant d’acuité que des vers appris à treize ans. Windermere les a sauvés
avec, naturellement la complicité de tous les êtres de bonne volonté (de fait,
des volontaires) qui les ont nourris (abondamment, malgré les restrictions de l'époque), choyés et entourés. Dormir seul dans un vrai lit, enroulé dans des draps propres, manger à satiété, respirer le
bon air… et jouer : pour eux c’était le paradis. Ils n’y croyaient
pas : certains cachaient le soir du pain sous leur matelas, de peur que le
petit déjeuner ne revienne pas…
En effet, la seule ombre au tableau – mais de
taille – était la marque horrible des souffrances physiques et morales subies, et
la perte de leur famille. Parfois des retrouvailles inattendues se produisaient,
mais elles étaient rares, trop rares.
Ces survivants témoignent encore chaque fois qu’on
le leur demande. Ils sont également des exemples de résilience : l’un
d’entre eux, Ben Hefgott, est devenu champion de poids et haltères. Leurs
enfants, devenus comme eux britanniques, se sont insérés avec succès dans la
société qui les a jadis sauvés.
Mais jamais, jamais, aucun d’eux ne gaspillerait de
pain.
Toute ma gratitude va aux anonymes qui ont su leur tendre la main,
et leur permettre de renaître – même si la plupart d’entre eux ne sont
probablement plus de ce monde. Ces bienveillants n'avaient aucune notion de psychologie, et ignoraient tout de ce que ces enfants avaient enduré. Ils ne pouvaient même pas en imaginer le centième du millième.
Ils, et elles, n'ont eu que leur humanité à offrir.
Il faut croire que cela a été essentiel.
Ils, et elles, n'ont eu que leur humanité à offrir.
Il faut croire que cela a été essentiel.
May they
rest in peace.
~~~~~
Je remercie particulièrement Joseph Ritson, du blog
WW2, pour ses recherches sur le sujet, que l’on peut découvrir en anglais ici.
Une galerie de photos de l’époque se trouve sur ce
site-ci.
Joseph Ritson nous apprend également l’existence
d’une exposition permanente intitulée ‘Lake District Holocaust Project’ qui a
pour but de garder vivant le souvenir de cet épisode et du parcours ultérieur
des enfants qui furent si généreusement accueillis dans cette superbe région
d’Angleterre.
Plus d'info en anglais Ici & dans ce petit ouvrage :
~~~~
sans arrêt, toujours et toujours, rendre hommage à ceux qui ont fait leur religion de l'humain.
RépondreSupprimerMerci aux passeurs et passeuses!!! de mémoires oubliées qui ressuscitent ces actes heroïques
Merci beaucoup, Catherine!
RépondreSupprimerIl y aura toujours un accueil dans la patrie de 'Madame Piqedru' et 'Pierre Lapin' pour les 'Garçons de Windermere' (et bien sûr les filles aussi!).
Joseph
Ah encore une fois je découvre et j'adore..Merci Cathie
RépondreSupprimerBises
Georgette
Cathy Hazan, j'ai vécu près de Vaucelles à Ermont là où fut accueilli les enfants rescapés de Buchenwald dont Elie Wiesel et ai pu assister au nom donné en son honneur pour ses 80ans. Tout le savoir d'amour que leur a prodigué les encadrants ont fait d'eux des êtres d'exception. Dans le monde que nous vivons, je pense très fort à eux tous......Où peut-on se procurer ce film? Merci pour toutes vos recherches.
RépondreSupprimerMerci de votre commentaire, qui informe utilement sur ce qui s'est aussi passé en France.
SupprimerLe film "Les enfants de Windermere" (The Windermere children) qui est sorti en 2020 est, semble-t-il disponible en streaming seulement en France, pour l'instant.
Ce soir (dimanche 11 avril) à 21 heures sur France 3
Supprimermerci , toute ma gratitude
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