Ouvrage publié en 1958
Courte scène de pure
jouissance (linguistique) dans mon petit bus.
Pas loin de moi, quatre
lycéens y comparent leur rentrée.
Mon oreille de professeur* est attirée vers cet
échange, parce qu’il y est question de leur cours d’anglais, qu’ils semblent
être dans une section où cette langue est "renforcée", et en
parlent avec enthousiasme. J’en entends même un prononcer les termes de "littérature anglaise" avec un trémolo dans la voix. Une autre évoque
l’accent mis sur le travail à oral… Mine de rien, je n’en perds pas une miette.
Alors, si vous pensez encore que le top du top en
matière d’enseignement des langues c’est le numérique, les technologies
nouvelles (les TICE**), l’interactivité, la pratique raisonnée de la
langue, et toutes ces techniques élaborées que mes jeunes collègues continuent
à appliquer, vous êtes totalement out, car
ainsi que l’a dit si gracieusement l’une de ces jeunes filles : « Nous, on apprend grave du
vocabulaire. »
« Ah bon » lui demande son copain,
« et comment ça ? »
« Eh ben, on travaille beaucoup, on révise, et
on apprend un tas de mots utiles, comme junk food, maigrir, prendre du poids, alimentation équilibrée, fast food… On en a déjà écrit 5 pages,
et faut les apprendre par cœur pour chaque cours. »
« Et la grammaire ? »
« Pareil, on révise tout. »
« Ça, c’est chiant ! »
« Non, c’est cool. Faut juste
apprendre les règles. Moi, je la kiffe cette prof. »
Là-dessus, je suis partagée entre ravissement et désillusion. Ravissement, car j'avoue avoir parfois défié les règles de mon temps en reprenant ainsi "les fondamentaux" avec mes élèves, et désillusion, en songeant à ce que cela révèle sur l’évolution des mentalités : au rancart l’élève "au centre du processus éducatif", à la poubelle les travaux de Philippe Meirieu et sa pédagogie différenciée, qui avait pour but de faire avancer chacun à son rythme, à l'aide d'exercices visant à l'apprentissage de l'autonomie... On avait pourtant essayé...
Bientôt on en mettra 45 par classe comme en Asie, face à un boulier, un abécédaire, une ardoise et un Bescherelle, et roule bouboule, vous verrez que tous nos problèmes d’apprentissage seront réglés en deux coups de baguettes de bambou.
C'est bien dans l'air du temps : certains cours privés exigent maintenant le port d'une blouse uniforme. La ministre de l’Éducation vient d’annoncer le retour de la dictée quotidienne dans le primaire. À quand celui du Certif, de la distribution des prix et, pourquoi pas, du bonnet d’âne ?
Là-dessus, je suis partagée entre ravissement et désillusion. Ravissement, car j'avoue avoir parfois défié les règles de mon temps en reprenant ainsi "les fondamentaux" avec mes élèves, et désillusion, en songeant à ce que cela révèle sur l’évolution des mentalités : au rancart l’élève "au centre du processus éducatif", à la poubelle les travaux de Philippe Meirieu et sa pédagogie différenciée, qui avait pour but de faire avancer chacun à son rythme, à l'aide d'exercices visant à l'apprentissage de l'autonomie... On avait pourtant essayé...
Bientôt on en mettra 45 par classe comme en Asie, face à un boulier, un abécédaire, une ardoise et un Bescherelle, et roule bouboule, vous verrez que tous nos problèmes d’apprentissage seront réglés en deux coups de baguettes de bambou.
C'est bien dans l'air du temps : certains cours privés exigent maintenant le port d'une blouse uniforme. La ministre de l’Éducation vient d’annoncer le retour de la dictée quotidienne dans le primaire. À quand celui du Certif, de la distribution des prix et, pourquoi pas, du bonnet d’âne ?
Image empruntée ici.
Là, c’est sûr, ce sont surtout les grands-parents qui
vont se mettre à kiffer grave l’école !
Qui veut y retourner ?
PS. Et, au fait, les notes ne sont plus supprimées !
* "Once a teacher, always a teacher" :
Prof un jour, prof toujours.
** Technologies de l'information et de la communication
pour l'enseignement
Très juste tout ça ...Merci Cathie ...Encore un super billet
RépondreSupprimerBISOUS GEORGETTEE
Ce qui est inquiétant, c'est de constater que certains pensent dur comme fer qu'il suffit d'appliquer une technique pour acquérir du savoir. C'est l'échec de la pensée, la débandade intellectuelle, et cela fait le lit de ceux qui croient détenir une réponse simple à tous les problèmes. La dictée est sans doute utile, mais où en est-on de la lecture ? Vous qui suivez ce blog êtes pour la plupart des lecteurs et des lectrices, mais qu'observez-vous autour de vous ?
SupprimerUn très joli billet, Catherine ! Où était ‘Babylon.com’ (ou ‘Google Traduction’) en 1958 ?
RépondreSupprimerJe vais chercher mon « Versification Anglaise » par Henri Suhamy (1970) …
Dans les années à venir (quand nous sommes vieux!) peut-être nous allons penser à la première strophe d'un poème de WB Yeats (inspiré par un sonnet de Pierre de Ronsard) :
WHEN YOU ARE OLD
When you are old and gray and full of sleep
And nodding by the fire, take down this book,
And slowly read, and dream of the soft look
Your eyes had once, and of their shadows deep;
…….
QUAND VOUS SEREZ VIEILLE
Quand vous serez vieille et grise et pleine de sommeil
Et dodelinant près du feu, prenez ce livre,
Et lentement lisez et songez à la douce beauté
Que vos yeux eurent jadis et à leurs ombres profondes ;
……
Amitiés,
Joseph
:-)
J'aime bien quand c'est moi qui décide du 'centre' où l'élève doit être pour être au centre. Je me demande si c'est pas une tutrice que j'avais eu à l'époque en 84 qui m'avait filé quelques tuyaux là-dessus. Je m'en sers encore aujourd'hui, un peu comme des bouées...
RépondreSupprimerJe ne vois pas du tout de qui tu parles :) mais tant mieux si ça a servi de bouée, et pas de tuyau crevé ! La directivité bienveillante nous a quand même sauvés,
Supprimeret nos élèves avec !
Super billet, toujours très juste et très authentique. En ce qui me concerne je fais de tout, oui oui je pense que nous pouvons allier grammaire / vocabulaire et numérique (via des exercices interactifs), une façon de rendre ludique les choses :-) Pour résumer : communication / interaction en classe + exos de grammaire et vocabulaire via différents sites à la maison...pourquoi se priver quand tout est bon à prendre ? :-) Bisous Siham
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