Cette année, on a eu tout à l’envers. La pluie, le vent, la lumière de fin août en juillet, et la canicule après le 15 août. Mais là non plus, je n’ai pas envie de me plaindre. Pour moi, cela a été une saison de rêve.
Parce qu’une autre composante de l’été, que j’aime moins, c’est son bruit.
Pas celui des cigales, ni celui du ressac. Celui des visiteurs assoiffés de terrasse, ceux qui considèrent que tout leur est permis en matière de décibels puisqu’ils sont en vacances, que les nuits sont chaudes, et que le reste de l’année ils sont enfermés entre quatre murs glacés. Ils n’ont cure des voisins, se moquent de leurs horaires de sommeil, de la paix du petit matin, ou d’un désir de sieste. Ils ont loué un espace extérieur, ils ont le droit d’y faire ce que bon leur semble. L’été transforme des gens, sans doute courtois chez eux, en malotrus braillards. Ceux-là ne sont pas forcément des djeuns en manque de teuf. Loin de là, ce sont plutôt de vieux beaufs qui ont besoin de parler fort pour se faire entendre des plus sourds, ou plus saouls qu’eux. Ce qui les excuse peut-être. Si vous en avez de semblables à proximité, il ne vous reste qu’à fermer vos fenêtres et vos volets, ou à vous faire mettre une clim’ – et tant pis pour l’écologie.
Mais cette catégorie, celle des djeuns, existe aussi, faite de ceux qui ont besoin de prouver leur existence en assommant leur entourage à coup de décibels lourds des boum-boums de leurs basses. Que ce soit le matin, l’après-midi ou le soir, leur chaîne stéréo, qui fait fi des casques, provoque en vous des vibrations semblables à des palpitations. Pas question de leur faire la moindre remontrance : tout comme ces livreurs qui bloquent une rue en vous disant « Oh, je travaille moi ! », sous-entendant que vous ne faites rien que perdre votre temps et celui des autres, ces futurs durs de la feuille vous feront déjà la sourde oreille. Ils prétexteront qu’ils ne se sont pas rendu compte que le son passait le seuil de leur fenêtre, de leur porte, ou de leur plancher, que c’est le milieu de la journée – ignorant le fait que certains travaillent pour de bon, et n’ont pas besoin de fond sonore pour accompagner une activité qui requiert de l’écoute, ou de la concentration. Sans doute parce que le sens de ces termes leur est totalement inconnu. Associé à la chaleur, ce bruit-là peut s’avérer être une redoutable forme de torture.
Les mêmes, en plus grégaires, se retrouvent le soir dans les rues déjà bondées, en troupeaux agglutinés pire qu’au Far West, pour aller « faire la fête » dans un bar ou un autre. C’est une des joies de l’été que de passer ses nuits ainsi, et qui ne l’a fait ? Et si, par hasard, pas assez riche pour avoir le choix de votre lieu de résidence, vous habitez à proximité d’un de ces lieux de plaisir, et que, sur le coup des trois heures du mat’ vous ne dormez toujours pas, ne vous plaignez pas trop : vous l’avez bien cherché en vous installant dans un tel quartier, vous n’avez qu’à déménager, au lieu de leur balancer des seaux d’eau sur la tête !
Alors là, vous me direz, je suis fort grincheuse aujourd’hui. Pas totalement. Je persiste à aimer l’été. Car en fait, l’été apporte aussi son lot de doux gazouillis. L’été, on sort les bébés. Ils ne font pas que brailler, pas du tout. Ils pépient comme des moineaux. À peine plus vieux, ils font entendre leur voix flûtée ; leurs jeux sonores vous entraînent dans leur monde imaginaire, leurs plongeons dans les piscines sont semblables à ceux des dauphins : on les admire et on les encourage. Leurs sons ne sont pas du bruit, mais du concentré de plaisir. Ils se taisent quand ils goûtent, et repartent de plus belle !
Et puis, leurs parents pleins de sollicitude, les couchent à l’heure de la sieste, et tôt le soir. Et là, miracle, on a le plaisir de jouir du silence des marmots ! Un vrai régal estival, ça, non ?
Voilà, pour finir, je remercie Monsieur Météo de nous avoir concocté cette année un été de rêve. Un mois de juillet parfait, quelques jours de canicule en août… bientôt ce sera la rentrée des classes, la belle lumière de septembre, et le plaisir d’entendre à nouveau chanter les piafs sur fond de silence…