En vol
vendredi 27 janvier 2012
MAUS bis
jeudi 26 janvier 2012
MAUS À ANGOULÊME
Si une souris était un homme, ce serait Art Spiegelman.
Tout le monde, ou presque, connaît Art Spiegelman, et sa bande dessinée MAUS sur le thème de la mémoire de la Shoah. Au cas où certains auraient un petit flou de mémoire, ce qui suit devrait le dissiper. Personnellement, la découverte de cet auteur à ses débuts a été une révélation, pour deux raisons.
Premièrement, cet art, jugé mineur par tant d’adultes de la génération de mes parents, parvenait enfin à être reconnu, aux États-Unis de surcroît, en abordant un sujet ô combien douloureux.
Deuxièmement, cela m’a permis de commencer à faire découvrir le dit sujet à mes élèves de lycée, à petits pas, je l’avoue, dans le cadre de leurs cours d’anglais.
Quand on sait que les premiers témoins de la déportation ont seulement commencé à parler publiquement de leur expérience dans les années 90 (en France), on ne peut que se demander si le livre d’Art Spiegelman, publié il y a 25 ans, n’a pas été le déclencheur de la parole de certains rescapés des camps, quand il a été traduit en français. Il a certainement été à l’origine du questionnement de leurs enfants adultes à l’époque, qui, à l’image du personnage central de la BD, vivaient souvent une relation douloureuse avec leur parent survivant.
Et cela a probablement facilité ensuite les témoignages publics, si nécessaires pour eux, et nous tous.
À une époque où l’on réfute ici et là la nécessité du travail de mémoire, et où Art Spiegelman lui-même refuse d’être considéré comme « l’Elie Wiesel de la bande dessinée » ( !) je trouve admirable qu’un festival, axé sur les jeunes lecteurs en particulier, mette ainsi le projecteur majeur sur ce créateur qui a su faire appréhender l’indicible du passé par le biais d’un medium accessible au plus grand nombre. Le voilà Président du festival de B.D d’Angoulême ! Chapeau bas.
Avant qu’il ne tourne définitivement cette page, (voir ici) il a publié son dernier ouvrage, METAMAUS, qui raconte les dessous de la création de la fameuse B.D. Il contient de nombreuses archives et un DVD.
Bravo aussi à la sortie numérique du « Musée privé d’Art Spiegelman », en lieu et place d’un catalogue du Festival.
Comme quoi, parler du passé ne signifie pas que l’on soit fermé à l’avenir que représente la publication en numérique.
Et comme le dit la presse avec humour, il y a quand même un « maousse » buzz autour d’un auteur qui ne veut plus entendre parler de son sujet !
jeudi 19 janvier 2012
TUTU DANS LA VILLE
TUTU DANS LA VILLE : LULI BARZMAN, SOUS LE SIGNE DE LA PROVIDENCE
C’est donc doublement sous le signe de la Providence que je vais aujourd’hui vous révéler quelques petites choses de ma rencontre avec les merveilleuses photographies de Luli Barzman, exposées en ce moment, précisément, sous l’égide de la Providence, rue Saint-Augustin, dans la vieille ville (je parle, naturellement, de Nice, la plus belle ville du monde !)
Je vais être très sincère. Je ne suis pas fan d’expos photo, même si j’aime les photos, parce que je préfère les toucher, les admirer dans un album, les voir et les revoir, ces clichés d’un autre temps. Et, à présent que j’en stocke des centaines, je les fais défiler sur l’écran de mon ordinateur au moins une fois par jour. J’ai l’œil dessus, près, tout près. Je ne suis pas obligée de me tordre le cou pour les scruter.
C’est curieux, mais même si j’ai eu l’occasion d’approcher, entre autres, les chefs d’oeuvre de Lucien Clergue, je les ai toujours préférés à plat, dans un livre, plutôt que suspendus, dans des cadres, intouchables. Cela a occasionné de nombreux débats avec mon photographe particulier et personnel, à chaque fois qu’il a voulu me faire partager sa passion.
Mais quand j’ai découvert le travail de Luli Barzman, en un clin d’œil j’ai compris pourquoi j’adorerais le voir accroché à des murs !
Comme vous en jugerez par vous-mêmes si vous avez la possibilité de vous rendre à la Providence avant la fin du mois de mars, il y a quelque chose de magique dans sa capture de l’instant qui danse. Son travail lui ressemble : à la fois joyeux et sensible. Un énorme tutu rouge sert de fil conducteur dans trois villes : Paris, Marseille et Nice. Luli Barzman demande à des jeunes filles qui pratiquent la danse classique d’en revêtir un et de danser dans la rue. Et puis, des passants inconnus acceptent de jouer le jeu, entrent dans la danse, bondissent, et clap, Luli, maîtresse experte de cette œuvre comme de son objectif, les saisit en l’air ; le temps est suspendu, le mouvement arrêté dans ce qu’il a de plus touchant, de plus humain. Les personnages ainsi immobilisés ne sont pas des modèles traditionnels, ils sont naturels, avec leurs imperfections et leur incongruité. Le tutu rouge est porté avec des baskets, des chaussures de ville, un sac à dos. Le mythe est démythifié ; les codes, cassés. La ville est réchauffée, humanisée, des liens se créent. Le sujet, lui-même en cours de réalisation, attire l’attention d’autres passants, qui, à leur tour, sont insérés dans dans le cadre - les regards sont multipliés, croisés. Le rouge est mis. Les couleurs claquent, le mouvement des figurants est aussi harmonieux que celui des danseuses improvisées, mais naturel, joyeux. Voilà, je crois que ce qui touche dans son travail, c’est son aptitude à mêler le parfait et l’imparfait, le naturel et le complexe, à rendre leur mélange intéressant, donc semblable à la vie telle que je l’aime. Cette représentation-ci, je l’accrocherais volontiers à un de mes murs !
Si tout cela ne vous donne pas envie de découvrir cette expo… il ne me reste plus qu’à avaler un tutu – et, au fait, comment diable a-t-elle su que le rouge était ma couleur favorite ?
À présent, sautez, dansez, embrassez qui vous voudrez, et découvrez-en plus ICI.
Tutu dans la ville
Exposition de photographies
De
LULI BARZMAN
Au centre culturel de la providence
8 bis rue saint-augustin
06300 – NICE
tel : 04 93 80 34 12
du 17 janvier au 25 mars 2012
ouvert du lundi au vendredi
de 15 h à 19 h
vendredi 13 janvier 2012
J’AI JUSTE PAS LE TEMPS !
- - Ah oui, il a l’air bien ce film – mais tu sais, je n’ai pas le temps d’aller au cinéma en ce moment.
- - Ce serait bien d’aller marcher sur la Prom’ un peu plus souvent, mais franchement, je n’y arrive pas.
- - Ah, il y a cette expo en ville ? Non, je pourrai pas y aller, je dois m’occuper de mes enfants / petits-enfants / de ma mère / de ma vieille nounou / du jardin...
- - Tu vas à la gym trois fois par semaine ? Comment tu fais ? Moi j’ai pas le temps !
- - Comment ils font ceux qui répondent à tous leurs mails, moi j’ai juste pas le temps !
- - Oui, je sais, tu m’as envoyé ce lien, mais j’ai pas encore eu le temps de le consulter. Je suis débordée !
- - Repasser des draps ? Tu n’y penses pas, j’ai pas que ça à faire !
Ça vous parle tout ça ? Vous avez entendu ces répliques, ou vous les avez même prononcées, tout comme moi ?
Eh bien, pour tout dire, même si cela m’arrive aussi d’être à la bourre, au taquet, à l’arrache, charrette et compagnie, je n’éprouve aucune gratitude quand je m’entends les énoncer, et encore moins quand on me les assène ! Parce que, chers lecteurs qui venez de prendre le temps d’ouvrir ce blog, vous savez aussi bien que moi que toutes ces excuses ne sont que du pipeau, de la poudre de perlimpimpin jetée aux yeux et aux oreilles de son interlocuteur, du baratin qu’on se baratine, du blabla, et rien que des arguments dont on se gargarise.
Pas le temps ? Quand on pense à la manière dont certain(e)s d’entre nous jonglent avec, pour mener à bien enfants, travail, maison et loisirs ; quand on sait que d’autres passent des heures en transport en commun pour aller gagner leur vie - et parfois si mal ; quand on pense au temps « perdu » à accomplir des tâches peu gratifiantes mais incontournables… alors on comprend que le temps doit se gérer comme un compte en banque – sauf qu’on a pas de droit au découvert, car il n’y a pas de vingt-cinquième heure.
Par ailleurs, si l’on n’a pas violemment envie de voir tel film, telle pièce, ou de lire tel bouquin,(ou d’ouvrir tel email !) pourquoi ne pas (se) l’avouer, tout simplement ?
Pourtant je me dis que prendre du temps pour quelque chose que l’on désire faire ne devrait pas être un luxe exceptionnel, mais un cadeau que l’on s’accorde, parce qu’on le vaut bien (!). Alors dérober quelques minutes par jour pour se donner ce plaisir, en étant conscient, qu’en fait, on ne vole rien à personne, c’est le moins que l’on puisse faire pour apprécier pleinement l’instant présent. C'est en tout cas ce que je retiens de mes cours de Qi Gong. Merci ma prof !
En anglais on dit quelque chose de très beau : ‘’Smell the roses’’. Respirez le parfum des roses. Il a tôt fait de disparaître. Mais je me rappelle aussi que Ronsard nous enjoignait de ‘’cueillir dès aujourd’hui les roses de la vie’’. Les fleurs sont-elles essentielles ou superfétatoires ?
Allez, prenez « juste » quelques secondes pour admirer celles-ci, sans le moindre remords !
jeudi 5 janvier 2012
THE ARTIST – Cap sur Hollywood !
Commencer l’année 2012 avec ce film a été un vrai cadeau.
Mieux qu’un cadeau, un émerveillement.
Cela paraît un brin dithyrambique pour un film muet et en noir et blanc, que bien des plus jeunes vont bouder a priori pour ces mêmes raisons, mais je persiste et je signe, publiquement. Et je vais même expliquer pourquoi je le considère comme un petit chef d’œuvre du cinématographe contemporain.
Ce film est composé de strates qui s’empilent visuellement les unes sur les autres et qui, en plus, se font écho, ce qui est le comble pour un film muet. Ah oui, muet, mais pas silencieux ! L’atout premier, le faire-valoir des images de l’époque du muet, c’était sa musique. Celle de ce film en est une réplique exacte, dans le ton comme dans le rythme : D’entrée de jeu on est propulsé dans une époque à la fois révolue et familière. Révolue, car le parlant a depuis longtemps détrôné le muet, mais familière comme le sont les choses du passé que l’on a découvertes et aimées à un moment donné de sa vie.
Entrée en matière : Le héros, George Valentin (interprété par Jean Dujardin) nous entraîne dans une course folle, sur l’écran, derrière l’écran, devant l'écran, mêlant de manière géniale (je n’ai pas peur du terme) la fiction à la réalité de la fiction, tout en suivant le rythme fou de la musique. Et ce tempo là, le spectateur ne peut que le ressentir tant il est lié aux mésaventures de ce héros qui passera du faîte de la gloire à la déchéance la plus absolue, et qui ne sera sauvé que par son chien - et par l’amour désintéressé d’une belle. Le sujet semble banal, mais, bien entendu, tout dépend de la manière dont il est traité, et ici elle est loin d’être ordinaire.
Personnelle, car nous tous craignons le syndrome « grandeur et décadence », que nous avons souvent observé in vivo, avec sa composante d’orgueil bafoué. Déchirant.
Collective, car nous y retrouvons naturellement un hommage aux stars, de Ginger Rogers à Fred Astaire, ou à Rudolph Valentino, mais nous y apprécions les divers clins d’œil qui rendent le spectateur complice du réalisateur : Tiens, tout d’un coup, il est fait une belle référence à Singin’ in the Rain, film culte, s’il en est, sur le passage douloureux du muet au parlant. Une même espièglerie brille dans l’œil de Bérénice Bejo (Peppy Miller dans le film) que dans celui de Debbie Reynolds, et la même séduction, le même charme les habite. Bérénice Bejo est un joyau à découvrir, elle donne tout son talent à ce film, et je tiens le pari que sa carrière, déjà bien remplie, sera aussi brillante que celle de son personnage. (Découvrez-en les grandes lignes. )
Un autre registre, plus triste, et nous nous souvenons de Sunset Boulevard, de cette relation si particulière entre une vieille actrice et son majordome. Ainsi le personnage du chauffeur, merveilleusement joué par James Cromwell (qui avait incarné le Prince Charles dans The Queen, et le méchant, très méchant dans L.A Confidential !) est-il dévoué corps et âme à son maître déchu, qui le renvoie par honte de ce qu’il est devenu. On peut aussi penser ici à Chaplin dans son rôle de clown triste. (Mais même si ces références là ne nous viennent pas, on est ému, tout simplement, par le jeu sensible des acteurs, et nous nous retrouvons ligotés par le fil de leur histoire).
Le héros retourne-t-il ensuite sur le lieu de sa déchéance, et voilà le thème lancinant de la musique de Bernard Hermann dans Vertigo, qui semble nous dire que la spirale de la chute n’a d’issue que fatale… Nous voyons une fin tragique se profiler… mais comme l’aurait dit Hitchcock ‘It’s only a movie’ et celui-ci a son ‘happy end’ – pas tout à fait attendu, et surprenant de vie, puisque, soudain, la voix - les voix - réapparaissent, oui, on les voit autant qu’on les entend, comme tous les bruits familiers qui se manifestent sur l’écran alors que disparaissent à jamais les cartons intertitres : Dernier et bel écho à la séquence d’ouverture, qui nous montrait un héros sans voix en train de hurler sous la torture sonore infligée à ses malheureuses oreilles – tout cela en silence, ou plutôt sur un fond musical approprié.
Notre beau Jean Dujardin ne parle pas, mais il danse, il danse aussi merveilleusement qu’il joue, et nous sourions béatement, car nous avons marché, nous avons couru tout le long. Nous avons adoré, outre son petit chien, ses grimaces, le grimage, les artifices, et tout cela nous rappelle, au fond, que le cinéma n’est fait que d’artifices.
Et si le film est réussi, c’est précisément parce que nous en avons oublié tous les artifices et que, tout du long, c’est notre intelligence qui a été sollicitée, autant que notre émotion, n’en déplaise à son réalisateur, Michel Hazanavicius.
Ah oui, ça c’est du cinéma ! Alors, qu’en dira Hollywood ?
Pour plus d’infos sur le film voir ici
Et pour les amateurs de musique, quelques détails sur celle du film.
Vous y courez quand ?