Au risque de me faire quelques ennemis et/ou accuser de mauvais esprit, je vais vous
expliquer pourquoi, une fois encore, je trouve que ce n’était vraiment pas
mieux avant.
Pour ce faire, je
compte m’attacher à traiter d’un sujet que je pense connaître un petit peu,
pour l’avoir fréquenté quelques décennies, à divers titres : celui de
l’Éducation Nationale.
Par exemple, quand j’étais
élève, il m’est arrivé d’être le témoin de quelques chahuts. Nous avions, en
classe de philosophie (tout de suite, l’expression me classe dans la catégorie
des quasi-mourantes) un prof de physique qui ne parvenait vraiment pas à
attirer l’attention au-delà des quatre filles à lunettes du premier rang. (Stéréotype, je sais).
Les autres étaient bien
trop occupés à démonter le plateau d’un bureau, et de le faire passer à bout de
bras, de rang en rang, tâche aisée dans la salle en amphithéâtre qui nous
accueillait.
Eh bien, vous n’allez pas
me croire : le fait est passé inaperçu de tous, et en particulier du
pauvre monsieur en blouse blanche qui avait le nez collé à ses formules, sur le
tableau noir, et à qui il ne serait jamais venue l’idée saugrenue de se
retourner, et encore moins de nous punir pour un amusement aussi anodin.
Résultat ? Le plateau a
été remis en place à la fin de l’heure, et tout s’est bien terminé, sans le
moindre cri (hormis les glapissements des filles voyant la planche de bois leur
passer devant le nez). Heureusement, car si le Proviseur avait appris la chose,
bonjour l’exclusion – et la honte.
De nos jours, ce ne sont
pas des bureaux que l’on démonte, non, ce sont des radiateurs. Et pas dans la
classe, mais dans le couloir. Avouez que cela a une autre classe, si je puis
dire ! Et quand on en retrouve les morceaux nageant dans une flaque d’eau,
de cambouis, de calcaire, et le mur défoncé… Il ne se passe rien non plus. On
sait très bien qui a pu faire quoi et quand… mais de là à passer à une action
punitive, faut pas pousser. On risque de commettre une erreur judiciaire, et si
France 3 s’en mêle, bonjour le scandale – pour le chef d’établissement. Le
radiateur, lui, sera réparé (ou pas) avant l’hiver.
Quand j’étais au lycée,
toujours comme élève, il m’est arrivé de sécher les cours. Je l’avoue, car je
pense qu’il y a prescription, ne serait-ce que parce que notre brave directrice
de l’époque n’est plus de ce monde pour me le reprocher. Il faut dire que la
tentation de la plage de Cannes et de La Croisette au moment du Festival était
plus forte que celle d’un cours sur les coléoptères et leurs élytres rigides.
Donc, nous nous sauvions par groupe de trois ou quatre, en passant la barrière
comme si nous n’avions plus cours. Fastoche. Les « pionnes » avaient
autre chose à faire que de nous demander si nous étions bien externes. Comme
par exemple, lire Nous Deux, ou Confidences.
De nos jours, les
collégiens « font la grille » Pareil, ils sortent de l’établissement comme d’un moulin. Une
classe entière s’évapore ainsi. Pourquoi rester à s’enquiquiner en permanence
quand on peut aller s’amuser sur le parking du supermarché voisin, franchement,
entre les deux il n’y a pas photo. Les « surveillants** », eux, sont
bien trop occupés à envoyer des textos
ou à jouer aux cartes dans leur bocal (si, si, je l’ai observé), pour se
demander pourquoi toute une classe n’est pas en cours d’histoire. Et si le prof
vient se plaindre, il sera accusé (à tort) d’avoir été en retard, ou de ne pas
savoir motiver ses élèves. Logique.
Il fut un temps où on
demandait aux élèves de se lever quand Monsieur le Proviseur entrait dans la
classe (ou, du reste, tout autre adulte). Cela ne posait aucun problème, on
faisait juste un peu de bruit en raclant nos chaises si l’intrus était
impopulaire.
De nos jours, la classe
entière s’exclamera « Oui Chef !» une fois le Principal sorti de la
salle – histoire d’entériner ses recommandations de discipline.
Au prof de maîtriser la
situation, une fois la porte refermée.
Il fut un temps où
l’inspection générale était respectée, et même crainte. Les inspecteurs
mouillaient leur chemise en venant voir ce qui se passait dans les classes, et
au final (sic) récompensaient les professeurs les plus dynamiques, encourageaient les moins performants, en leur
prodiguant conseils et suggestions de stages*. C’était rassurant.
À présent, ils font exactement
la même chose… de loin. En suggérant adroitement aux professeurs en difficulté (rebaptisés
« enseignants ») de se prendre en charge, de travailler en équipe, de
trouver des solutions pédagogiques aux problèmes de discipline. C’est toujours
très rassurant.
Tout cela vous paraît exagéré ?
Allez donc faire un petit tour dans un collège, parlez aux professeurs, plutôt
qu’à l’administration, passez vos jeunes au grill de la question, et vous
verrez que ce récit n’est qu’un pâle reflet de ce qui s’y passe.
Pour ce qui du retour dans le
passé, je vous fais confiance, vous assurerez !
Le plus de ce
constat : Plus ça change, et plus c’est la même chose... en pire. Ça devrait vous éviter
de vous prendre la tête, et même vous mettre du baume au cœur, surtout si vous
avez des enfants d’âge scolaire. Non ? Oh ! ça alors, quelle
ingratitude envers les collèges de France !
* stage : (mot désuet dans ce contexte) : il s’agissait
de journées qui permettaient à des professeurs de se recycler, sur leur temps
de travail, et de mettre leurs expériences en commun.
** surveillants : le terme exact est « assistants d’éducation »,
ce qui est bien plus approprié, on en conviendra. Tous les étudiants rêvent d'en acquérir le statut.
Cet écrit correspond à ma réalité et celle de beaucoup de collègues... et encore le pire n'y est pas évoqué. Les mots sont justes et bien choisis car ils me parlent directement. J'apprécie l'aller-retour dans le temps :-)
RépondreSupprimerEncore merci de faire entendre la voix de ceux et celles qui se trouvent dans des établissements mal gérés.
Une admiratrice que vous reconnaîtrez ...
Et oui à chaque ministre sa réforme.........Les élèves ne changent pas c'est le contexte qui change et la société et le cadre de vie etc.etc..la formation manque et la concertation avec le partage des expériences........
RépondreSupprimerEt pendant ce temps, l'école privée la plus connue de la ville
RépondreSupprimers'agrandit une nouvelle fois ....
Ton slogan final est une réponse parfaite à l'éternelle question du c'était mieux avant... ou pas. Faux problème par excellence, mais vraie question.
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