La radio est l’un de mes media favoris. Je
l’écoute, même la nuit quand surgit un réveil inattendu. Comme vous le savez,
il y a un flash d’information toutes les heures, donc, forcément, j’en
entends un de temps à autre. Et je suis toujours étonnée des effets,
volontaires ou pas, de l’ordre dans lequel les nouvelles sont données.
Par exemple, ce matin tôt j’ai entendu, sur Europe
1, la mise en cause des exclusions d’élèves suite à un Conseil de discipline.
Le ministère s’inquiète de ces mises hors jeu de certains adolescents, et de la
validité de cette « peine ». Une personne compétente a été nommée
pour envisager une meilleure gestion de la chose, afin, si j’ai bien compris,
de rendre ces exclusions exceptionnelles, sinon de les abolir.
Argument avancé : Lors de ces journées hors de
l’établissement, l’élève exclu est livré à lui-même (ou à elle-même), sans
possibilité de « réinsertion » - contrairement à ce qui se passe en Suisse. (Voir ici.)
Exemple donné, sous forme d’une interview, celui
d’une jeune fille exclue pour absentéisme (de plusieurs mois tout de même) qui
déplorait ce manque d’encadrement. Même discours de la part d’une mère, pareillement ulcérée de la sanction.
Mais, je me le demande, pourquoi donner cet exemple-ci, et
non celui des vandales destructeurs, ou celui des brutes qui se livrent à des
jeux sadiques sur leurs camarades de classe ?
Mes jeunes collègues m’informent régulièrement des
brimades (le terme est faible) que subissent certains élèves. Ces victimes se
terrent ensuite chez eux, partagés entre honte et terreur, tandis que leurs
bourreaux paradent dans la cour, et dans les cours, quand ils ne font pas
« la grille ». (Comprenez « le mur »).
L'une de ces attaques d’un genre très spécial est
affectée d’un terme nouveau (pour moi). Quand une victime (fille ou garçon) est
repérée, coincée, ligotée dans un coin, elle est « bifflée » (Guillemets et italiques - NB). Je vous laisse le
soin de chercher sur Internet en quoi cela consiste, je vous dis seulement que
c’est immonde.
Mais, dans l’attente du Conseil de
discipline d'un certain collège, les agresseurs auraient continué à assister aux cours, tranquilles,
si quelques professeurs ne s’étaient élevés contre ce fait. Les administrateurs
de l’établissement se sont contentés de répéter publiquement le terme que je
viens d’utiliser, sans les moindres guillemets, entérinant l’acte en question,
en le baptisant en bonne et due forme. Le poids du verbe : il est aussi terrifiant que son emploi.
Il a fallu beaucoup d’énergie et de protestations de la
part des professeurs pour que l’administration accepte une mesure de mise à l’écart
de ces agresseurs, en attendant le fameux Conseil de discipline. Question
d’urgence, et de priorités.
Autre suggestion du ministère : que les
conseils de discipline soient tenus dans un autre établissement que celui du ou
de la coupable, car on ne peut être juge et partie, disent-ils.
Ah bon ? On exportera aussi leurs copies, alors ?
Ironiques, ces
déplacements, au moment précis où les oraux de langue du baccalauréat sont
organisés au sein d’un lycée, pour les élèves de ce même lycée, qui sont notés
par les professeurs de ce même lycée. Qui ose dire bizarre ?
Alors oui, rééduquons, je suis bien d’accord
là-dessus. Mais que l’on en donne les moyens à de vrais éducateurs, à des
psychologues, à des pédagogues, qui trouveront sans doute le chemin de la
cervelle de ces malheureux gamins et peut-être aussi celui de leur cœur. Parce
qu’autrement, et en attendant, il n’y a pas d’autre solution que de les
empêcher de continuer à nuire à des plus faibles.
À l’heure actuelle, soyons
réalistes, c’est la loi de la jungle qui triomphe souvent à l’école, tout le
contraire de la démocratie que l’on souhaite tant voir triompher. Et, avec
elle, le repli constaté de ceux qui le peuvent vers les établissements privés.
Pendant ce temps-là, en Australie…
Quel rapport avec l’Australie ? Vous allez le
comprendre avec cette deuxième info :
Les Français n’y ont pas la cote. Forcément, les
touristes français s’y comportent presque aussi mal que les gamins que je viens
de décrire. Dans un pays où le respect - des autres, de l’État et de ses
représentants -, est aussi naturel que le surf, des touristes dont le jeu
principal consiste à chaparder dans les magasins sans aucune crainte du
gendarme, ça fait tâche, comme on le dit ici.
Là-bas aussi, le verbe est venu, mais avec humour, à la rescousse des
victimes : on appelle ça du French
shopping. Nul doute que dans certains lieux, une pancarte apparaîtra un de
ces jours qui dira, par exemple, « Interdit aux chiens et aux Français ».
Franchement, j’ai honte.
Mais en même temps, je dis chapeau au journaliste
d’Europe 1 qui a si opportunément juxtaposé ces deux informations. En effet,
lorsque l'enseignement du savoir-vivre et du civisme est si difficile à mettre en place pour les enfants, comment s’étonner de ce que les adultes se
comportent aussi mal ? Quelle image donnons-nous de notre pays à
l’étranger ? La perte du triple A à côté, c’est du mou pour les kangourous !
Ce petit bulletin du matin donne en effet à
réfléchir. Comme quoi, la radio, c’est bon pour tout. Mais peut-être que demain
matin, j’écouterai Radio Classique, tout en me réjouissant de 1) de ne plus être élève, et 2) de l’existence de la
liberté d’expression dans notre beau pays !
Faut-il encore s'étonner de ces dérives (on parlait également à la télévision d'une augmentation galopante des CV truqués (et les interviewés trouvaient ça anodin et pour tout dire "normal"...)quand l'école s'ingénie, à force de nier l'autorité du savoir et du savoir vivre (et de mettre en place tous les moyens de la contester) à devenir le lieu d'apprentissage de la transgression et plus celui de la transmission.
RépondreSupprimerEncore un très bon billet Cathie !
RépondreSupprimerBisous
Georgette