AMIS ET FIDÈLES DE CE BLOG, pas besoin de podcaster l’émission LA TÊTE AU CARRÉ du 13 juin,(1) ni de guetter le 26, celle de Brigitte Lahaie sur RMC pour en
savoir davantage sur le travail de Claude Béata. Lisez ici et maintenant ses
réponses à mes questions – mais suivez-le ailleurs aussi, quand même, cela en
vaut la peine !
Alors, Dr Béata, je voudrais vous demander en premier lieu, pourquoi
ce livre, et pourquoi maintenant ?
Je le porte en fait depuis 15 ans. Mon
mémoire était sur l’attachement. Déjà en 1996, ou en 97, cela m’intéressait.
J’ai sans doute été influencé par le « groupe de Porquerolles », mené
par Boris Cyrulnik, et animé par le docteur Philippe Raymondet, un psychiatre
et formateur extraordinaire. Sa pensée originale m’a beaucoup aidé ; et,
grâce aussi à Boris Cyrulnik, le travail a touché des milieux professionnels
très variés.
L’attachement est donc au
cœur de mes préoccupations. Ainsi que l’a dit Christian Bobin :
« C’est de l’amour que nous souffrons, même quand nous ne croyons souffrir
de rien ». Cela s’applique aussi aux animaux. Ce qui les rend soignables,
c’est le lien. Pendant longtemps le lien n’a pas été assez fort, peut-être,
maintenant on veut les sauver.
Est-ce à dire que les gens sont plus attachés à leurs animaux
qu’avant ?
Maintenant, surtout, ils
se donnent le droit de le dire.
Il y a toujours eu des
exemples, le lien est connu, on peut penser à Lassie (chien fidèle qui revient
de très très loin - NB), et dans Pline l’Ancien il y a cette histoire du chien
qui se jette dans le Tibre parce que son maître est mort. Cette notion de lien a
toujours existé, mais il y a eu une forme d’interdit de son expression, depuis
Descartes. Il y a vingt ans, on ne pouvait pas parler d’émotion chez l’animal
sous peine d’exclusion de la communauté scientifique. On a parlé de nociception(2), pour ne pas
parler de douleur chez l’animal, et il y a encore des gens qui nient sa souffrance,
en particulier certains chercheurs… Ceux-ci doivent craindre le Jugement
Dernier !
Votre spécialité est-elle enseignée dans les écoles
vétérinaires ? Et les étudiants sont-ils en demande de cette
approche ?
Ah, là, il y a eu des
bagarres fortes ! Notamment entre les zoo-psychiatres, qui considèrent
qu’il y existe la possibilité d’une pathologie, et les
« behavioristes » qui, eux, considèrent que c’est le milieu qui rend
l’animal anormal. C’est un peu comme quand on a accusé les mères d’être la
cause de la pathologie de leur enfant, autiste, en particulier. Or, on trouve
des animaux qui nécessitent un double soin, une frange d’animaux
« fous » qui ont besoin de médicaments, et d’une thérapie, sous peine
de constituer un danger – comme votre Siamoise, qui a été sauvée par votre
attachement. Il faut pouvoir laisser sa chance à l’animal.
Par ailleurs, le psy n’a
pas bonne presse. On l’accuse volontiers d’être à la solde des labos, alors que
ce marché, chez les vétérinaires, est minime, infime, comparé à celui des produits
antipuces !
Pourtant, ce n’est pas le
public qui pose des problèmes, c’est plutôt à l’intérieur de la profession que
le travail reste à faire.
Quant aux étudiants… Cette
approche n’est quasiment pas enseignée dans les écoles vétérinaires, mais il
existe maintenant un diplôme de Psychiatrie Vétérinaire, créé en commun par l’université
Claude Bernard, Lyon 1, VetAgro-Sup, et
Zoopsy, notre association.
Chaque fois que nous
enseignons cette approche, les étudiants sont enthousiastes, mais faire
accepter notre discipline n’est pas encore gagné. Il y a une progression dans
l’esprit des confrères, et du public, et même si c’est encore peu connu, c’est
un progrès important.
Avez-vous observé une évolution de l’opinion publique, voire de la
loi, face aux chiens dits « dangereux » suite à vos travaux ? (3)
Ah, c’est une catastrophe
que cette loi ! Celle de 1999 et celle de 2008, plus appliquée. C’est une
loi raciste, qui dit qu’appartenir à une race prévoit un type de comportement,
alors que la variation à l’intérieur d’une race est toujours plus importante
que la variation entre les races. On ne peut pas prévoir ce qu’un individu
(chien) va faire dans chaque race…
On ne peut donc pas dire qu’un Rottweiler va être plus dangereux
qu’un Labrador ?
Non, en fait, il y a plus
de morsures faites par les Labradors ou les Bergers allemands, tout simplement
parce que ce sont les chiens les plus présents dans les familles !
Que souhaiteriez-vous alors, en matière de loi ?
Il faut maintenir la
surveillance, l’évaluation obligatoire, telle qu’elle est prévue par la loi, de
tout chien ayant déjà mordu. Ça c’est OK, pas de problème, c’est nécessaire. En
revanche, il faut supprimer, abandonner, l’existence des catégories, c’est une
faute scientifique, et une erreur politique : cela implique que les autres
chiens ne seraient pas dangereux, ce qui est scientifiquement une
contre-vérité. Et, philosophiquement, ce sont 12 000 ans de lien entre l’homme
et le chien qui sont mis à mal. Tous les chiens peuvent être dangereux, et, en
fait, il y a très peu d’accidents mortels : entre 0 et 3 par an, pour 8
millions de chiens, comparés à 11 millions de conducteurs, qui provoquent 5000
morts par an…
En effet, euthanasions les voitures ! Plus sérieusement, quels
sont les pays qui sont à la pointe de cette recherche en éthologie
animale ?
Dans mon livre je cite
les travaux d’un chercheur hongrois, Adăm Miklósi, qui travaille sur l’éthologie du chien de
famille, et il y a également des travaux en Autriche… Mais la France n’est pas à
la pointe de cette recherche.
Êtes-vous toujours sur le terrain, ou bien êtes-vous devenu un pur
théoricien ?
Ah non, c’est très
important de rester en contact avec le terrain ! Je passe 25% de mon temps
en consultation – le reste en activité de conseil et de formation. J’espère
ouvrir à Toulon un centre de comportement …
Quels types de troubles voyez-vous le plus ?
Les troubles anxieux,
qui sont, soit liés à la relation, qui peut être anxiogène chez les chiens, ou au
milieu de vie, ou alors internes, dus à la maladie. Je pose en général un
« diagnostic d’état », à partir du symptôme.
Sur quoi portera votre prochain travail de recherche, ou votre
prochain livre ?
Je souhaite continuer à
travailler sur l’attachement, et sur son côté positif, pas sur la séparation et
la perte, mais sur le bienfait à être ensemble. Les cardiologues montrent l’aspect
bénéfique de la compagnie d’un animal sur le rythme cardiaque…
Et on montre aussi son bienfait dans les maisons de retraite !
Oui, il n’y a que des
avantages … Donc ce qui m’intéresse, c’est la biologie du bonheur !
C’est une magnifique conclusion à cet entretien. Merci mille fois,
Dr Béata, d’avoir pris tout ce temps pour parler de votre métier, et merci
encore d’avoir sauvé notre Siamoise !
1. France Inter, émission du 13/06/2013 disponible jusqu'au 8/03/2016
2. NOCICEPTION = Perception des stimulations génératrices de douleur
5
Les mystères du blog pour sa blogueuse : le petit 5 qui résiste à toutes les tentatives d'effacement a-t-il un sens ?
RépondreSupprimerBien, Catherine. D'habitude pour le meilleur ou pour le pire, un chien est fidèle à son maître (ou sa maîtresse): parfois difficile à comprendre .....
RépondreSupprimerJe me souviens la citation suivante de l'écrivain Aldous Huxley:
(En anglais):
“To his dog, every man is Napoleon. Hence the constant popularity of dogs.”
(En français):
« Pour son chien, tout homme est Napoléon. D’où la grande popularité des chiens. »
Vraiment intéressant ! Merci Cathie
RépondreSupprimerGeorgette
Tu peux le dire! En ce moment je vis une curieuse expérience avec le chien d'amis qu'ils m'ont donné à garder en leur absence pendant huit jours. IL est tellement malheureux d'être séparé de ses maîtres qu'il refuse de se nourrir, il a des yeux tellement humains! depuis deux jours rien, à mon grand désarroi...Et puis j'ai eu l'idée de lui donner à manger dans ma main. Et là, il accepté son repas...
RépondreSupprimerAinsi il préfère la paume de ma main à son écuelle... Normal, non?