Aujourd’hui je suis en révolte. Oui, chers lecteurs, vous lisez juste, pour une fois ma gratitude sera très sélective.
Elle ira droit à l’auteur du livre dont le titre est celui de ce billet – mais
ma révolte ira vers tous ceux qui ne sont pas capables d’apprécier à sa juste
valeur le talent de son auteur.
Quand on voit dans les bacs de certains marchands de livres s’entasser des aspirants best-sellers qui
n’ont de mirobolant que le bandeau rouge qui les enserre, on a envie de
hurler après tous ceux qui ne sont pas fichus de discerner
les vrais écrivains, ni de continuer à leur donner la part de vitrine qu’ils ou
elles méritent.*
Ne vous méprenez pas. Je ne parle pas pour ma
gouverne, car je m’estime très heureuse d’être capable de partager mes écrits
comme je le fais, grâce aux éditeurs qui ont bien voulu me publier.
Non, je
parle de Colette Guedj, dont je découvris un peu par hasard le JOURNAL DE MYRIAM BLOCH - et j'en rendis compte de mon mieux. Puis, je lus d’elle tout de
qui me tomba sous la main, avec la même émotion littéraire renouvelée.
La vie faisant bien les choses, j’eus la chance de
rencontrer Colette Guedj, et de la connaître, et je peux dire ici, sans la
moindre flagornerie, que c’est une belle personne, en plus d’être un grand
auteur.
Alors, bien entendu, j’ai lu son dernier roman, dès sa publication.
Il s’agit là d’un texte remarquable - je pèse mes mots -, et celui, d'elle, que j'aime le plus :
Il s’agit là d’un texte remarquable - je pèse mes mots -, et celui, d'elle, que j'aime le plus :
Une histoire de destins croisés, de trois femmes
ordinaires, mais totalement extraordinaires, tant par leur physique dérangeant
que par leur personnalité, ou leur trajectoire. Le lieu même de leur rencontre
est spécial, ce village-banlieue affublé du doux nom de Madre-la-Paumée… dont Urbain,
le seul héros masculin, et insolite, se trouve être un doux facteur admirateur du
facteur Cheval. Tel un bon génie, il veille au bien-être d’une des ses
« clientes », Madame Alambic (si, si) en lui distribuant les lettres
qu’elle s’écrit elle-même, pour pallier le silence de sa famille perdue.
Voilà ! je sais : cela me fait penser à
cette nouvelle ciselée** de Mary Webb, dont l’héroïne esseulée se
fait livrer, accompagné d’un mot d’estime, un magnifique bouquet, en y mettant toutes
ses économies. Pas de chance, le livreur ne peut croire que cette pauvresse en
soit la récipiendaire, il le remet donc à la voisine du dessus, actrice
renommée… Croyez-moi, il y a encore mieux que
du Mary Webb ou que du Katherine Mansfield dans La femme au poignet tatoué, et, foi d’angliciste, sous mes
doigts, c’est loin d’être une insulte.
Le roman de Colette Guedj est donc empli de plaisirs
littéraires cachés, mais, surtout, on lit ce texte d'une originalité extrême en se pourléchant les oreilles (tel
un chat !) à l’idée des sons et lumières que ses mots évoquent. Et puis, on en suit les héroïnes avec un intérêt croissant, parce que c'est aussi un vrai roman.
Il y a Émilie, cette femme au physique
répugnant, qui suscite la haine déchaînée des loubards du lieu, mais dont l'humanité (aussi bien dissimulée que son secret) touche
une autre exclue, jeune rescapée d’une forme d’esclavage moderne ; il y a cette
amitié entre cette même jeune femme, Sarah, et Madame Alambic, tatoueuse de son état
– aussi étrange que touchante… La naissance de l’affection entre une presque
enfant et une plus vieille… Oui, j’avoue, cette fois, c'est le fantôme de Romain Gary/Émile Ajar qui m'a turlupinée, sans que je me le nomme vraiment. Mais croyez-le ou
pas, voilà que, p. 95, choc !, je vis mon intuition confirmée en lisant
cette citation tirée de La vie devant soi : « Moi, Madame Rosa, je lui aurais promis n’importe quoi pour la
rendre heureuse parce que même quand on est très vieux, le bonheur peut encore
servir ».
Je ne pense pas que Colette Guedj m’en voudra de
cette remarque. Femme de lettres, elle a su se nourrir des meilleurs. Son roman est
toutefois d’une singularité et d’une truculence rares. Elle est
écrivain, c’est à dire qu’elle sait faire feu et plume de tout ce qui
l’entoure, que ce soit visuel, tactile, olfactif ou sonore. Et elle sait nous entraîner dans le tourbillon de sensations qu’elle crée de son
clavier, pour que ses mots s’inscrivent dans notre cerveau et y restent imprimés
à jamais. Tout comme un tatouage sur une peau claire, ce marquage indélébile, tellement polysémique, dont le fil rouge se déroule tout le long de ce roman.
Que dire de plus, qui ne révèlera pas au delà de la
quatrième de couverture, le tragique, la profondeur, et l’humanité de cette
histoire ?
Rien. Sauf que, chers amis lecteurs, il vous faudra peut-être aller au-delà du silence médiatique et commander ce livre à votre libraire préféré. S’il vous répond « Connais pas » - alors vous pourrez lui
signifier de revoir d’urgence ses classiques, et, surtout ses
contemporaines !
* En guise de note, cette citation d'Oscar Wilde, qui circule en ce moment sur facebook :
'In the old days books were written by men of letters and read by the public. Nowadays books are written by the public and read by nobody.'
Ce qui signifie : "Dans le temps, les livres étaient écrits par des hommes de lettres et lus par le grand public. De nos jours, les livres sont écrits par le grand public et ne sont lus par personne."
En voyant la file de "personnes" qui attendaient, au Festival du Livre, de se faire dédicacer un "livre" écrit par une "personne" qui, paraît-il, est revenue de l'au-delà, je pense que, de nos jours, le mot "personne" peut vouloir dire "n'importe qui".
** Petit cadeau pour mes lecteurs anglicistes : ICI la nouvelle de Mary Webb.
Merci beaucoup, Catherine. Quelle surprise de trouver le «petit cadeau» de nouvelles par Mary Webb! De temps en temps, vous savez que je fais lire et écrire en anglais !
RépondreSupprimerAvez-vous lu le roman de Mary Webb 'Precious Bane' ('Sam')? Je le recommande à tous.
Merci Joseph, pour ce commentaire utile. J'avoue ne pas avoir lu 'Precious Bane' et je compte donc le mettre sur ma liste de livres à commander très vite !
RépondreSupprimerMerci pour ces précieux conseils comme toujours qui donnent envie d'acheter l'ouvrage
RépondreSupprimerBisous georgette
AVIS À TOUS CEUX QUI SONT INTÉRESSÉS :
RépondreSupprimerLE LIVRE EST SORTI EN AVANT-PREMIÈRE POUR LE FESTIVAL DU LIVRE DE NICE - IL EST DISPONIBLE AUPRÈS DES ÉDITIONS OVADIA, 16, rue Pastorelli, à Nice, en attendant de prendre la place qu'il mérite chez tous les libraires.