(Nouvelle chronique de ma navette)
Dans le petit bus qui me sert de café du commerce,
il y a "autre que" des perles, comme on le dit à Nice (expression
intraduisible en anglais, "other than" n’a jamais fonctionné,
je le signale à Jean-Loup Chiflet, auteur de "Sky my husband" et autres
merveilles du genre - voir plus bas). À Paris, il me semble que l’on énonce "j'vous dis pas", pour en dire davantage. Mais on ne leur en veut pas de parler pointu.
Dans la navette, donc, il y a aussi des dames très
bien mises, qui en porteraient volontiers, des perles, si elles n’avaient pas peur de tous
ces vilains jeunes susceptibles de les leur arracher. Et, de leur bouche, se
déversent, non pas les pierres précieuses qui coulaient de celle des gentilles
héroïnes de nos contes de fées, ainsi récompensées des services rendus à une vieille sorcière, pas si méchante que ça, au fond -, mais
des âneries (euphémisme) qui ressemblent fort à des crapauds.
Le plus souvent, ces dames, d'un âge certain, se gaussent des jeunes, qui
sont « collés à leur portable ».
Ça donne, en vrac :
« Pff, on se demande ce qu’ils feraient sans
leur téléphone. Ils ont l’air malin avec ces trucs dans les oreilles. Ils seront
sourds avant nous, ça c’est sûr. Sont même plus capables de se concentrer sur
quoi que ce soit de sérieux. Et ce facebook,
quelle horreur ! Raconter comme ça sa vie à tout le monde, quel
intérêt ? C’est ridicule. Ils ne se rendent pas compte des risques, en
plus. Ah, c’est sûr qu’on a de la chance d’avoir de vrais amis, et pas ces
contacts virtuels ! Et puis, vous savez, ça peut être dangereux de tout
dire en public… »
Je n’en rajoute pas, car vous connaissez sûrement
la ritournelle.
Mais ce matin, j’ai cru m’étouffer à force de m’empêcher
de rire.
Les deux vieilles biques (si, si) décrites plus haut échangeaient des nouvelles. À tue-tête et sans se soucier de savoir :
1) si elles me gênaient dans la consultation des
mes mails ;), ni
2) si leur babil (!) dérangeait les autres
passagers, ou les rendait sourds.
Leur dialogue ressemblait à ce qui suit :
- Alors, comme ça,
vous avez fait des travaux chez vous ?
- Oui, j’ai
trouvé un petit artisan que je paye au noir, et il travaille très bien.
-
Vous avez
refait quelle pièce ?
-
Eh bien, vous
savez, j’ai des petites chambres en dessous de chez moi, que je loue… Mais les
locataires, c’est vraiment un problème, ils payent, ou ils payent pas… Mais je
ne peux rien dire, je ne les déclare pas…
- Ah, c’est sûr…
Et votre voisin, là, à qui vous aviez vendu votre villa, comment ça se fait que
ses volets soient toujours fermés ?
-
Je ne sais
pas. Il est là pourtant. Ah, il a fait de gros travaux, lui, un salon
d’apparat, avec de très beaux meubles anciens… Il a les moyens, il est avocat,
il a défendu des truands, Maître Machin … , alors vous pensez bien que cela
doit être très beau. Mais comment ils font pour vivre dans le noir comme ça, je
ne sais pas. Moi dès que je me lève j’ouvre tout. Faut dire que je suis née en
Algérie alors le soleil, je ne le crains pas. Et je nage tous les jours.
-
On a de la
chance avec le temps ici. Mais vous ne craignez pas de vous baigner si tard
dans la saison, à votre âge ?
- Oh, non j’ai
l’habitude. Je vais à la mer, vous savez, elle est moins froide que votre
piscine.
- Moi, je ne
crains pas le froid. Ça me maintient jeune, vous voyez !
Etc...
(Le "etc"… étant nettement moins
croustillant, bien que très révélateur de la nature des amitiés si sincères de la vraie vie, je vous l'épargnerai.)
OK, je vous l’accorde, que celui ou celle qui n'a jamais frisé les moustaches de la loi leur jette la première pierre, mais on avouera
que la paille est bien légère comparée à la poutre de cette pimbêche là. Le
seul avantage de cet échange : tout du long je m’amusais in petto à l'idée de ce que j’allais faire de leur conversation.
Voilà, maintenant vous le savez. Attention, les bus ont des oreilles, autre que le grand méchant facebook !
...Mais rappelez-vous aussi que mon imagination est parfois incontrôlable. Ce délire, c'est autre que la réalité, et inversement !
PS. Merci à tous les visiteurs qui sont venus me
rencontrer le week-end dernier. MOUANS-SARTOUX fut un vrai festival. J’ai
certes entendu quelques perles ici et là, en provenance du café littéraire, mais je ne les ai
pas notées, car trop occupée. J’ai juste eu le temps d’aller me faire dédicacer
un livre par Jean-Loup Chiflet. Un petit bijou, que je vous recommande
vivement, ainsi que ses petits et grands frères. Admirez le travail, parce que ça n'a pas dû être "un morceau de gâteau"* que de l'écrire !
* It is not a piece of cake = c'est pas de la tarte !