Il est vraiment rare que je lise un livre traitant
de sport et je me demande encore pourquoi celui-ci a attiré mon attention. En
fait, je le sais : je vis avec quelqu’un que la boxe passionne, qui a
écrit plusieurs articles sur des boxeurs* vus par le cinéma, et soudain je me suis dit
qu’il était temps que je me mette au diapason. Ajoutez à cela le fait qu’un « biopic » est annoncé sur ce même champion tunisien - YOUNG PEREZ - et vous comprendrez pourquoi une vague de curiosité m'a envahie, qui a elle-même débouché sur la lecture de ce livre, passionnant, d’André Nahum.
Il est en effet intéressant à plusieurs
égards : culturel, historique, et biographique.
Culturel tout d’abord, car son auteur sait d’emblée
nous plonger dans un monde foisonnant de sons, de senteurs et de couleurs. Dès
les premiers chapitres, nous pénétrons dans le monde juif tunisien. Nous humons
la nourriture qui cuit dans la cuisine de la mère de Victor Younki – futur
champion -, et nous y reconnaissons la toute puissance, et l’amour absolu pour
ses enfants, de la mère de famille ; nous nous promenons dans les rues du
quartier où vit la famille Perez ; nous faisons connaissance de tous ces
personnages colorés et pittoresques qui exercent de petits métiers pour nourrir
des familles très nombreuses, et très pieuses. Nous découvrons les différents
quartiers, où vivent des communautés qui ne se mélangent pas vraiment, et la
fierté de ce jeune sportif qui fait coudre une étoile de David sur sa culotte
de combat – triste prémonition de la suite de l’Histoire.
Nous comprenons bien la fierté qu’éprouve toute cette
communauté, à travers ce qu’en dit la mère du héros, lorsqu’il décide de se
faire appeler Young Perez : « On
n’est pas américains ! Avant on s’appelait comme des Juifs, après il
fallait s’appeler comme des Français, même votre père se fait appeler René, et
maintenant on devient américain ? Vous allez me rendre folle ! »
Pourtant, ce n’est pas facile d’être juif en
Tunisie après la guerre de 14, dans laquelle les Juifs tunisiens n’ont pas pu
s’engager, n’étant pas français, mais tunisiens... À cause de cela, ils seront
l’objet d’un véritable pogrom.
L’Histoire commence à marquer notre héros.
L’Histoire, dont on devine qu’elle va le rattraper, et le broyer.
Tout le talent de l’auteur consiste à nous faire
ressentir l’ascension fulgurante de ce jeune boxeur si talentueux et fougueux.
Victor / Young Perez est repéré par un avocat féru de sport, au joli surnom de
Moustache d’or ; il est entraîné par l’exigeant Joe Guez, et bientôt il
devient un vrai champion, admiré de tous et aimé d’une jolie jeune fille. On le
voit danser sur le ring, et on aime cela, grâce au don du conteur.
Le roman de sa vie est
parfait, et la trajectoire du héros semble tracée, impeccable.
Sauf que la réalité sera plus rude que ce rêve-là.
On en devine la fin, on la connaît, mais on se laisse prendre par le récit de
la vie de Young Peres, emporté par la gloire et la tourmente. Ce livre est
également une bonne illustration du thème de « Nemesis » qui m’est cher : À Paris, Young Perez est
étourdi par son succès. Devenu en 1931 le plus jeune champion du monde des poids mouche de l’histoire de
la boxe, l’argent lui monte à la tête, il ne sait plus distinguer les
amis des profiteurs, et, pire que tout, il perd ses repères culturels. Il lui a
fallu cinq minutes pour passer de l’ombre à la lumière, mais cette lumière-là,
qui l’éblouit, va aussi l’étourdir.
Il se rend à Berlin, et y arrive le lendemain de la
Kristallnacht – Nuit de cristal – qui
a entamé l’horreur de la persécution. Il est choqué, battu et humilié en
combat, mais ne prend pas la pleine mesure du danger. Comme tant d’autres.
Plus tard, dans un Paris envahi par les nazis,
Young Perez, qui n’est plus que l’ombre d’un champion, qui n’a pas su écouter
les amis avisés qui l’imploraient de rejoindre la Tunisie, se trouve pris dans la
nasse étanche de l’ennemi, sans aucun espoir d'évasion. Pire, un (une ?) traitre y a contribué.
Alexandre Dumas avait beaucoup inspiré le jeune
sportif, grâce à la lecture que lui faisait son père du Comte de Monte-Cristo.
Young Perez s’imaginait que, à l'instar de ce héros, il se sortirait de toutes les geôles. Cela ne devait pas être.
C’est là une histoire triste, émouvante, mais
également édifiante, que nous raconte André Nahum. Son livre, magnifiquement
documenté, est un ouvrage précieux, vous l’aurez compris. Espérons que le film qui va sortir sera à la hauteur
de cette belle biographie, dont je ne vous ai donné que des bribes .
C'est pourquoi je vous conseille de lire et d’offrir ce livre
pour les fêtes, et pas rien qu’à votre beau-frère amateur de boxe !
À suivre, sur GRATITUDE, naturellement !
Le film est hélas une trahison. Vous trouverez à ce sujet un bel article de Maya Nahum, sur le site Causeur.
RépondreSupprimerElisabeth
http://www.causeur.fr/victor-young-perez-un-detournement-de-boxeur,25071
Merci de cette information : je n'ai pas vu le film, pas encore arrivé à Nice - mais je comprends en lisant cet article que tout ce qui m'a touchée dans le livre en est absent. Je n'ai peut-être, moi-même, pas assez insisté sur la générosité et la solidarité manifestées par Young Perez. Je les signale ici, elles ont en effet une grande importance.
RépondreSupprimerEt je répète donc que c'est le livre qui est à lire pour en savoir plus sur Young Perez !