Ce billet, pour résister à la brutalité ambiante...
Parfois, par négligence, on risque de rater quelque chose. Comme, par exemple, un film rare.
Rien que parce qu’il n’y a pas encore eu autour de
celui-ci le bruit (ébouriffant) qui entoure certains nanars.
Ou parce qu’on s’est dit « Encore un film sur
ce sujet ! Pas envie… »
Et puis, après l'avoir vu, l'un ou l'autre de vos proches vous fait part de son
émotion, et vous vous dites que, quand même…
C’est ainsi que vous vous retrouvez, avec dix
autres spectateurs, dans une salle un peu glauque, à découvrir, au milieu de
l’après-midi, un petit joyau.
Ferait-il meilleur dehors à prendre un café au
soleil ?
Trop tard, vous êtes dedans, et saisi lentement par
la beauté, la poésie et la délicatesse de ce film.
Le sujet en est simple. Je vous le pitche vite fait (sic) :
Trois jeunes femmes qui ont été amies et solidaires
à Auschwitz se retrouvent quinze ans après leur libération, et passent quelques
jours ensemble à Berck Plage, dans un petit appartement prêté à l’amie de
l’héroïne, Hélène – magnifiquement incarnée par Julie Depardieu.
Elles s’étaient cherchées, s’étaient perdues de
vue, et se sont enfin retrouvées.
C’est cette amitié renouée, sur fond de tragédie, et de
plage, que le réalisateur nous fait percevoir avec tendresse et humanité.
Comment ont-elles survécu à l’horreur ?
Comment ont-elles reconstruit leur vie après cela ?
Nombre d'histoires ont été racontées, et souvent très bien, sur le sujet. Celui-ci continue de hanter jusqu'aux descendants des survivants, dont le réalisateur de ce film.
Le talent de Jean-Jacques Zilbermann a consisté à installer
lentement le propos, pour nous amener à comprendre le difficile retour à la vie
de l’héroïne, Hélène, et l’incapacité qu’avaient ces "revenants" à communiquer avec ceux qui n’avaient pas connu leur sort. Au point de, souvent, se marier entre eux. Ce qui est ici le cas d’Hélène, et de son amie Rose (Suzanne Clément), venue du Canada pour l’occasion.
(À ce propos, les initiés trouveront la référence intéressante...)
(À ce propos, les initiés trouveront la référence intéressante...)
La troisième larronne, Lili (Johanna ter Steege), a
divorcé après être rentrée chez elle, en Hollande. Elle rêve d’un monde nouveau
où une femme pourrait être « rabbine ». Derrière son assurance, la
faille se révèlera bientôt.
Mais peu importe leur vie privée. Ce qui compte dans
ce beau film, ce sont ses nuances.
Dans un décor des années 50 tout en demi-teinte, et
presque parfait dans sa reconstitution, les trois femmes vont vivre un
huis-clos… en extérieur.
La mer, la mer du Nord…
Elle borde et ouvre cette histoire, car devant son
infinie beauté, tout devient possible. La mer est tout le contraire de
l’enfermement. Tout le contraire de ce que ces femmes ont subi.
Assises sur la plage, en maillot de bain – après une scène d'essayage touchante, qui révèle la difficulté de se ré-approprier et de dévoiler un corps singulier, encore meurtri –, ou sur un banc, en savourant leur premier cornet de glace, elles vont
se dire ce qu’elles ont tu aux autres, et à elles-mêmes.
L’intérieur de cet appartement de vacances…
Si banal, si petit, si enfermé : la vue annoncée n'est jamais montrée. Avec son volet roulant qui se bloque, pour la boucher encore davantage. Avec ses lits
superposés, qui évoquent des châlits.
Autour de plats emblématiques – ne souriez
pas, il y a là, outre l’inévitable bouillon de poule, des harengs gras, du
caviar d’aubergine, du foie haché, et des oignons aux œufs durs ! –, et
grâce à la présence bienveillante d’un séduisant nouveau venu, chacune va enfin pouvoir
avouer ce qui pèse si lourd sur son cœur.
Je ne le révèlerai pas ici bien entendu, ce serait
pécher.
Le bonheur de la découverte, je vous souhaite de
l’éprouver par vous-même.
Un mot tout de même, de la musique : ces
berceuses si connues nous émeuvent toujours, autant que la manière délibérément
maladroite dont elles sont reprises ici.
Alors, bien sûr, certains critiques ont souligné cette maladresse.
Je le leur accorde : ce film a la maladresse des gestes de
la première fois où l’on fait l’amour. Il tâtonne parfois, hésite, s’emballe, s'essouffle ou ralentit un instant, mais le plaisir et l’émotion qu’il procure n’en sont pas moins intenses. Dans ce cas, peu importent les failles, le souvenir n'en sera pas moins impérissable, tout comme le seront ces quelques jours pour ces trois femmes, et les images de ce film pour ceux et celles qu'il aura touchés.
Le résultat, et malgré les minuscules choisies pour le titre, c’est UN HYMNE À LA VIE !
À la vie, à l’amour, tellement bafoués ces temps-ci.
À la liberté retrouvée, si précieuse.
À l'optimisme, par-delà la barbarie.
Cela vous parle-t-il autant qu'à moi ?
À l'optimisme, par-delà la barbarie.
Cela vous parle-t-il autant qu'à moi ?
Merci, merci, à Daniel Rozensztroch et à Gladys Amiel, qui me l’ont recommandé.
Le synopsis, c’est ici.
Le casting, c’est ici.
~~~~~~
- dessin de Philippe Geluck, dont la réaction est ici -
Merci pour un rayon de soleil dans le noir de l'hiver et un moment de tristesse en France, Catherine.
RépondreSupprimerAvec amitié
Joseph
AVIS AUX AMATEURS DE BONS FILMS : SI VOUS AVEZ RATÉ CELUI-CI, IL SORT EN DVD AU MOIS D'AVRIL 2015.
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