Le 8ème
Nice Israël Film Festival nous fait cette
année cadeau de superbes courts-métrages. Le genre est exigeant : il est
essentiel de capter le spectateur en un minimum de temps, et de créer
un climat. Souvent négligé (tout comme la nouvelle en littérature), le
court-métrage mérite pourtant une attention particulière, surtout lorsqu’il est
de la qualité de ceux présentés cette fois-ci à Nice.
L’ouverture
du NIFF s’est faite début mars, avec AutoNaomi
qui nous a un peu rappelé le merveilleux Life
in Stills de l’an dernier, mentionné ici même. Il est émouvant de constater
que de jeunes réalisateurs aient envie de mettre en scène leur grand-mère, à
vrai dire, un peu hors-normes – l’héroïne nonagénaire de ce court métrage-ci
s’étant fixé comme objectif de remporter la 1ère course organisée en Israël de…
scooters électriques ! La personnalité
de l’aïeule, telle qu’elle est montrée, fait balancer le spectateur entre la
tendresse, l’admiration et l’irritation la plus totale : on a, ou a on eu,
la même à la maison ! C’est bien là ce qui prouve l’efficacité du travail
de ce réalisateur, Boaz Olander, et son talent.
Le second
court-métrage présenté, CLOSING UP, est
encore plus intéressant. Il nous fait découvrir les souvenirs d’un homme qui
tenait, avec sa femme à présent disparue, un magasin d’encadrement. Il s’apprête
à le vider en vue de le vendre, mais les clients continuent de venir, refusant
d'accepter que l’endroit ferme. Et lui revoit fugitivement, à travers des cadres qu’il place de
guingois devant ses yeux, tel l’objectif d’un appareil photo, sa femme jeune et
souriante, vivante. Le passé heureux se superpose au triste présent, comme si
dans ce cadre vide l’homme endeuillé pouvait capturer et conserver le bonheur
évanoui. C’est une très belle métaphore du temps qui passe, et de sa
représentation, qu’a su illustrer Achva Hershtik, le réalisateur de ce petit bijou. Quant au
titre… les anglicistes sauront en apprécier le pertinent double entendre.
Le troisième film, CAPTURE, de Tamar Rudoy (NB. le favori de Gratitude) se situe dans la même thématique de l’image mais, cette fois-ci, il s'agit de l’image volée au présent.
Une jeune
femme apprend par hasard qu’elle a été photographiée à son insu, et que cette
photo fait partie d’une exposition présentée dans une galerie. Elle s’y rend,
et découvre ce cliché dérobé. Capturé, il est à présent exposé. S’ensuit une
confrontation avec l’illustre photographe, qui ne comprend pas le refus par son
modèle de la célébrité qu’implique l’exposition de cette image.
La jeune
femme se fait remettre la photo, et s’en va. En chemin elle s’arrête, s’assied sur un
banc, et reproduit la scène volée, qu’elle photographie à son tour : un selfie, pris avec son téléphone.
(Ironie
de l’histoire : le cliché exposé, pris avec un appareil sophistiqué est-il
tellement plus achevé que ce selfie ?)
La jeune
femme rentre ensuite chez elle… Le film se termine avec une scène de douche
très ouverte, qui laisse le spectateur libre d’imaginer qui capture quoi…
À ce
propos, le titre français de Capture
est un excellent choix : il reflète la problématique du vol de l’image et
de ce qu’il implique. Il convient de se rappeler que la représentation de
l’image d’un être humain est condamnée par les courants religieux les plus
stricts, et l’on se souvient de la « superstition » qui dit que le
photographe vole l’âme de celui (ou de celle) qu’il a photographié (e).
Dans Capture, l’héroïne se sent en effet
volée voire violée, par cette intrusion. Le photographe, lui, ne peut
comprendre son point de vue. En capturant une expression et une posture à un
moment donné, il a créé une œuvre d’art : qui pourrait vouloir s’opposer à
sa diffusion ?
À l’heure
où tout circule et s’échange, sans aucun respect de la propriété
intellectuelle, il est intéressant de voir ainsi posé le problème du droit de
chacun à son image, et de prendre en considération le refus d’un être humain
d’être chosifié pour la gratification d’un autre être, fût-il artiste. La jeune
femme, dont, au passage, on note le physique banal, refuse d’entrer dans ce jeu superficiel, même
si cela doit lui procurer une notoriété mise en scène dès la séquence
d’ouverture.
La
question ultime posée par ce film court est sans doute de savoir jusqu’où un
artiste peut aller, sans dévorer son modèle, ou le pervertir.
Comme la
fin, ces questions restent ouvertes, et c’est là tout l’intérêt du travail
délicat et subtil de Tamar Rudoy. Que ce film soit retenu pour un Festival de Films de Femmes à Créteil est anecdotique. C’est un film pour tous les êtres humains, à
voir et à revoir.
~~~~~~
Avant-goût, grâce à la bande annonce : ici.
Pour
finir… attendons les deux dernières séances, et la remise, le 29 mars, des
Mimosa d’Or. Si la progression en matière de courts métrages se poursuit ainsi,
il vous faudra revenir sur Gratitude !
Lecteurs
lointains, vous aimerez peut-être découvrir ici la superbe bande-annonce de ce
Festival.
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