En vol

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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

lundi 16 mars 2015

NIFF 8ème édition : CAPTURE.



Le 8ème Nice Israël Film Festival nous fait cette année cadeau de superbes courts-métrages. Le genre est exigeant : il est essentiel de capter le spectateur en un minimum de temps, et de créer un climat. Souvent négligé (tout comme la nouvelle en littérature), le court-métrage mérite pourtant une attention particulière, surtout lorsqu’il est de la qualité de ceux présentés cette fois-ci à Nice.



L’ouverture du NIFF s’est faite début mars, avec AutoNaomi qui nous a un peu rappelé le merveilleux Life in Stills de l’an dernier, mentionné ici même. Il est émouvant de constater que de jeunes réalisateurs aient envie de mettre en scène leur grand-mère, à vrai dire, un peu hors-normes – l’héroïne nonagénaire de ce court métrage-ci s’étant fixé comme objectif de remporter la 1ère course organisée en Israël de…   scooters électriques ! La personnalité de l’aïeule, telle qu’elle est montrée, fait balancer le spectateur entre la tendresse, l’admiration et l’irritation la plus totale : on a, ou a on eu, la même à la maison ! C’est bien là ce qui prouve l’efficacité du travail de ce réalisateur, Boaz Olander, et son talent.


Le second court-métrage présenté, CLOSING UP,  est encore plus intéressant. Il nous fait découvrir les souvenirs d’un homme qui tenait, avec sa femme à présent disparue, un magasin d’encadrement. Il s’apprête à le vider en vue de le vendre, mais les clients continuent de venir, refusant d'accepter que l’endroit ferme. Et lui revoit fugitivement, à travers des cadres qu’il place de guingois devant ses yeux, tel l’objectif d’un appareil photo, sa femme jeune et souriante, vivante. Le passé heureux se superpose au triste présent, comme si dans ce cadre vide l’homme endeuillé pouvait capturer et conserver le bonheur évanoui. C’est une très belle métaphore du temps qui passe, et de sa représentation, qu’a su illustrer Achva Hershtik,  le réalisateur de ce petit bijou. Quant au titre… les anglicistes sauront en apprécier le pertinent double entendre.

Le troisième film, CAPTURE, de Tamar Rudoy (NB. le favori de Gratitudese situe dans la même thématique de l’image mais, cette fois-ci, il s'agit de l’image volée au présent.  


Une jeune femme apprend par hasard qu’elle a été photographiée à son insu, et que cette photo fait partie d’une exposition présentée dans une galerie. Elle s’y rend, et découvre ce cliché dérobé. Capturé, il est à présent exposé. S’ensuit une confrontation avec l’illustre photographe, qui ne comprend pas le refus par son modèle de la célébrité qu’implique l’exposition de cette image.
La jeune femme se fait remettre la photo, et s’en va. En chemin elle s’arrête, s’assied sur un banc, et reproduit la scène volée, qu’elle photographie à son tour : un selfie, pris avec son téléphone.
(Ironie de l’histoire : le cliché exposé, pris avec un appareil sophistiqué est-il tellement plus achevé que ce selfie ?)

La jeune femme rentre ensuite chez elle… Le film se termine avec une scène de douche très ouverte, qui laisse le spectateur libre d’imaginer qui capture quoi…

À ce propos, le titre français de Capture est un excellent choix : il reflète la problématique du vol de l’image et de ce qu’il implique. Il convient de se rappeler que la représentation de l’image d’un être humain est condamnée par les courants religieux les plus stricts, et l’on se souvient de la « superstition » qui dit que le photographe vole l’âme de celui (ou de celle) qu’il a photographié (e).  
Dans Capture, l’héroïne se sent en effet volée voire violée, par cette intrusion. Le photographe, lui, ne peut comprendre son point de vue. En capturant une expression et une posture à un moment donné, il a créé une œuvre d’art : qui pourrait vouloir s’opposer à sa diffusion ?

À l’heure où tout circule et s’échange, sans aucun respect de la propriété intellectuelle, il est intéressant de voir ainsi posé le problème du droit de chacun à son image, et de prendre en considération le refus d’un être humain d’être chosifié pour la gratification d’un autre être, fût-il artiste. La jeune femme, dont, au passage, on note le physique banal,  refuse d’entrer dans ce jeu superficiel, même si cela doit lui procurer une notoriété mise en scène dès la séquence d’ouverture.

La question ultime posée par ce film court est sans doute de savoir jusqu’où un artiste peut aller, sans dévorer son modèle, ou le pervertir.

Comme la fin, ces questions restent ouvertes, et c’est là tout l’intérêt du travail délicat et subtil de Tamar Rudoy. Que ce film soit retenu pour un Festival de Films de Femmes à Créteil est anecdotique. C’est un film pour tous les êtres humains, à voir et à revoir.

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Avant-goût, grâce à la bande annonce : ici

Pour finir… attendons les deux dernières séances, et la remise, le 29 mars, des Mimosa d’Or. Si la progression en matière de courts métrages se poursuit ainsi, il vous faudra revenir sur Gratitude !

Lecteurs lointains, vous aimerez peut-être découvrir ici la superbe bande-annonce de ce Festival.

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