Rendre
compte d’un film qui a déjà fait l’objet de tant d’articles et d’interviews s'apparente à de la haute voltige.
Qu'écrire,
en effet, sans répéter ce qui a été dit ailleurs ? Que raconter, que commenter, lorsque l’on
a envie de faire partager aux autres son enthousiasme et son émotion – pour ne
pas dire sa gratitude ?
Pas
facile, vous me l’accorderez, et pourtant, c’est ce que je vais tenter de faire,
en plaçant le projecteur sur Anna Sigalevitch, l’actrice qui tient ce film de
bout en bout, avec force et grâce.
Photo prise sur le site officiel du film
L'ANTIQUAIRE, nous dit le synopsis, est l’histoire de la quête d’une jeune
femme, Esther, qui souhaite savoir ce qu’il est advenu des tableaux volés à sa famille juive pendant la guerre.
Pour cela, elle va remuer ciel et terre – et pire, l’administration –, sans imaginer les conséquences qu'aura cette
enquête sur sa famille, et sur elle-même.
De fait,
il fallait beaucoup de force à l'actrice, encore peu connue du grand public, pour parvenir à s'imposer face
à des acteurs aussi talentueux que Michel Bouquet, Robert Hirsch et François Berléand. De la force, mais aussi une
bonne dose de grâce.
C’est précisément
ce dont Anna Sigalevitch a fait preuve, en usant d’un jeu empreint de délicatesse.
Cela ne
veut pas dire qu’elle soit mièvre, pas du tout. Le personnage qu'elle compose est fort, car déterminé
à trouver une vérité longtemps dissimulée. Pour rendre Esther vivante, Anna
sait lever la voix, être ferme, voire véhémente, mettre en valeur son sens du rythme, et habiter l’écran face à ses prestigieux partenaires.
Certes,
ainsi qu’elle l’a expliqué lors de l’avant-première qui a eu lieu à la
Cinémathèque de Nice le 16 mars dernier*, il est plus facile de travailler avec
de très grands acteurs qu’avec des débutants. Comme au tennis, un bon joueur sait vous renvoyer la balle afin que vous puissiez vous positionner au mieux, alors
qu’un maladroit vous déroutera. "J'ai été grandie par leur grandeur" nous a-t-elle confié.
Tout de
même… il me semble que c’est la grâce naturelle d'Anna Sigalevitch qui a été son atout majeur. Cette maîtrise douce du mouvement, l’inclinaison de sa tête, sa gestuelle soignée, y
compris dans la manière dont elle fume (beaucoup) à longueur de scène… Tout
cela, aidé par les clins d’œil esthétiques et musicaux du réalisateur (François Margolin,
que l’on ne saurait tout de même évacuer !), donne naissance à un personnage original, mâtiné
d’Audrey Hepburn et de … – allez, je vais oser –… Katherine Hepburn, dont elle
a l’élégance longiligne.
Anna Sigalevitch crée ainsi une héroïne dont les affrontements avec les
divers membres de sa famille sont d’une crédibilité invraisemblable, si je puis
dire.
Mise en mots, cette recherche du passé occulté est criante de vérité, sans doute aussi grâce à une diction modulée – et juste de bout en bout.
Mise en mots, cette recherche du passé occulté est criante de vérité, sans doute aussi grâce à une diction modulée – et juste de bout en bout.
Encore
une fois, on a envie de remercier François Margolin d’avoir fait prononcer à ses personnages des phrases que l’on reconnaît pour les avoir "vécues" à l’intérieur de sa propre famille. Tant d’entre nous se sont
entendu dire qu’il valait mieux ne pas remuer le passé, que c’était trop
douloureux, et inutile… La guerre est finie, non ?
Ce film
s’ouvre et se clôt sur deux chants yiddish, qui les situent dans une histoire commune
à ceux, de moins en moins nombreux, qui ont baigné dans cette langue et dans
cette culture. La manière dont Anna Sigalevitch (elle-même musicienne de formation)
les interprète vous tire des larmes. Loin d'être une facilité, c'est plutôt une façon pour le réalisateur de montrer qu’au-delà
de la guerre, si la vérité est révélée, la culture menacée survivra.
Que l’on
ne pense pas, pour autant, que le sujet de ce film soit exclusivement juif. Pas
du tout. Il soulève des questions que se posent sur leurs parents tous les
enfants, à un moment donné de leur vie. Surtout s’ils sentent qu’il y a un
secret derrière un mur de mutisme. Rien n’est plus bruyant que ce silence-là.
Anna Sigalevitch rend vivante cette recherche de vérité. Elle incarne celle qui a
besoin de savoir, au risque de détruire la relation qu’elle entretient avec son
père, mais aussi avec son mari. Dans chaque famille il y a un mouton noir que
l’on protège sans le savoir et qu’un jour on parvient à huer : dans la
fiction comme dans la vraie vie, la parole libère et la vérité découverte rend
les liens plus authentiques. La véritable transmission est à ce prix.
Courez
donc voir ce film émouvant dès qu’il sera projeté près de chez vous – mieux : réclamez-le au gérant de votre salle favorite !
Gratitude lui souhaite d'ores et déjà une belle vie, et prie toutes les grâces de combler la talentueuse Anna Sigalevitch.
Gratitude lui souhaite d'ores et déjà une belle vie, et prie toutes les grâces de combler la talentueuse Anna Sigalevitch.
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* N.B. Avant-première organisée à Nice le 16 mars dernier, à
l’initiative de Michèle Merowka, Présidente de l’AMEJDAM, avec le concours de Jeannine Weiler, Présidente de l'association B’nai B’rith Albert Einstein, et le soutien de Mme Odile Chapel, directrice de la Cinémathèque de Nice.
La recette en sera intégralement versée à des œuvres caritatives.
Vous trouverez davantage d'informations au sujet de la spoliation des biens juifs en lisant ce billet-ci sur le blog de l'AMEJDAM.
La recette en sera intégralement versée à des œuvres caritatives.
Vous trouverez davantage d'informations au sujet de la spoliation des biens juifs en lisant ce billet-ci
Tout à fait d'accord avec toi, Cathie ! Merci de m'avoir permis d'assister à l'avant-première de ce film à la Cinémathèque, et à l'interview de François Margolin et Anna Sigalevitch. Ce thème, rarement traité, m'intéresse beaucoup et j'espère que ce film sera largement projeté partout en France !
RépondreSupprimerMichou