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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

jeudi 17 septembre 2015

YOUTH, le film - un élixir contre la vieillesse.





Prenez deux octogénaires relativement bien conservés (Michael Caine dans le rôle d’un chef d’orchestre retiré de la scène depuis longtemps, et Harvey Keitel, en réalisateur peinant à conclure son  film-testament, Life's Last Day, "Le dernier jour de sa vie"), mettez-les ensemble dans une station thermale haut de gamme en Suisse, rajoutez autour d’eux quelques jeunes gens, quelques belles dames, une ex-star du football, du personnel stylé, un décor  bucolique, et vous aurez une idée de YOUTH, de Paolo Sorrentino.

Une idée, c’est très vague, et un rien superficiel, je vous l’accorde. En réalité, ce film est une superbe fable sur le processus de vieillissement et sur les liens qui nous attachent les uns aux autres, quels que soit nos âges respectifs, et ça, c’est tout ce qu’il y a de plus profond.

Peu importe l’histoire – il n’y en a pas vraiment une, juste des trajectoires qui se croisent, et dont on se demande comment le scénariste a pu les vendre à un producteur – car ce qui touche le spectateur, et même la spectatrice, c’est le message poétique, quasi-subliminal de ce film.
Quelques exemples :

La relation entre les deux personnages principaux est servie par des dialogues truculents, qui en révèlent long, sur l’amitié notamment, et l’intimité cocasse qu’elle implique parfois. Si, si, on évoque volontiers ses soucis de prostate, ou de nénés, entre vrai(e)s ami(e)s !

Les rapports entre un père, Fred Ballinger (Michael Caine) et sa fille Lena (Rachel Weisz) sont aussi compliqués qu’ils pourraient l’être dans la vraie vie, et la manière dont cette dernière réagit face au soudain dé-tricotage de son mariage ne saurait laisser aucune femme indifférente.  

La star vieillissante qui débarque soudain, tel un oiseau de mal augure (une Jane Fonda méconnaissable) est plus vraie que nature, et les dialogues de la scène qui l’oppose à Mick / Harvey Keitel ont une verdeur ébouriffante. Et, génial coup de griffe aux vieux de la vieille, il nous est bien asséné que, désormais, c’est à la télévision que se concocte la meilleure fiction. Culotté !

La relation amoureuse naissante entre la fille de Fred Bollinger (Michael Caine) et un alpiniste fort barbu (qui évoque, je ne sais pourquoi, un personnage de Jules Verne) est illustrée par des plans vertigineux. On peut deviner que ces deux-là vont s’envoyer en l’air pour de bon. Tout comme ce couple au mutisme mystérieux à table, qui retrouve la puissance de ses cordes vocales une fois lâché en pleine nature. Décoiffant !


Harvey Keitel & Michael Caine 
Image prise sur ce site

Sans oublier l’épisode censé vendre le film au public, qui montre les deux vieux amis en train de mariner dans une piscine tiède, lorsqu’arrive, plus dénudée qu’Ursula Andress dans James Bond contre Dr No, une bombe sexuelle qui ne peut que leur faire lever… les yeux – en un accès de frustration lucide. D'autant plus que la belle a oublié d'être bête. 

Mais surtout, surtout, Paolo Sorrentino, l'encore jeune réalisateur de ce film soulève en filigrane (et explicitement) les questions que nous nous posons tous et toutes, arrivés à un certain âge, sur notre capacité à aimer, à avoir aimé, à nous souvenir, et à oublier : la façon dont les deux héros gomment et se remémorent tour à tour certains détails de leur passé amoureux nous atteint droit au cœur. Pour finir, c’est l’épouse de Michael Caine qui se révèle avoir sombré dans le monde de l’oubli total. Il faut à un réalisateur quadragénaire une bonne dose d’intuition pour soulever ces questions-là avec autant d’acuité.

Poétique, ce film l’est aussi, voire surréaliste. La scène montrant Michael Caine dirigeant un concert de cloches de vaches et de chants d’oiseaux est un morceau d’anthologie. Celle où Harvey Keitel (le réalisateur en mal de conclusion de son film) revoit, plantées sur la prairie, les stars qui ont illuminé ses films à succès, tout kitschissime qu’elle soit, est envoûtante.

D’une certaine façon, YOUTH est très graphique dans sa facture, qui rappelle par moments celle d’une bande dessinée – et le voilà, le vrai clin d’œil à la jeunesse !  


Ce mélange-là a dû donner de l’urticaire à certains critiques, qui ont descendu le film au lance-flamme, et au jury de Cannes, qui ne l’a pas récompensé. Gratitude se régale à en dire du bien – même si, une dizaine de minutes en moins ?… 
(Mais qu'aurait pu ôter Paolo Sorrentino, à ce bain de jouvence qui continue de vous habiter, longtemps, longtemps, longtemps, après que le rideau s'est refermé... ?)


YOUTH. Italie (1h58). Avec Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz, Paul Dano, Jane Fonda.
La bande annonce, c'est
Et le petit cadeau bonus / nostalgie pour les copains, c'est


4 commentaires:

  1. Alors j'y vais, c'est sûr.
    Claude

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  2. Merci Cathie pour cette belle critique qui fait chatouiller l'envie de voir ce film . Je sors du cinéma , vu "Marguerite" à ne manquer sous aucun prétexte; Bisou Myriam

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  3. Je suis d'accord avec presque tout ce que tu as écrit, bien que mon intérêt pour ce film n'aille pas jusqu'à l'enthousiasme que tu exprimes. Bises.
    Michèle

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  4. C'est un peu drôle, ce film - italien, mais la troupe parle en anglais et la première était en France (Cannes, mai 2015).

    "Not a lot of people know that" (attribué à Michael Caine par Peter Sellers)!

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