Voilà une injonction qui fait suite à la vague de protestations contre le harcèlement.
Il était bien temps que toutes et
tous (car ce dernier ne blesse pas que des femmes) se révoltent contre une
plaie semblable à celle que subissent certains enfants et adolescents en milieu
scolaire, sans jamais oser en parler. Les raisons sont les mêmes : la loi
du plus fort est toujours la meilleure ; la parole du faible se retournera
contre lui. Et contre elle. Ceci est intolérable.
Moi-même, qui ne suis pas un perdreau de l’année (à savoir – pléonasme – pas une jeune
perdrix), je dis non au harcèlement, et suis la première à applaudir ce « coming out », cette révolte des
victimes – même si, petit bémol, mon expérience m’incite aussi à me méfier
de tout ce qui pourrait ressembler à une chasse aux sorcières.
Pour cette dernière raison, il me semble
raisonnable de réagir, face à la nouvelle vague de protestation contre le
maquillage. Vous avez sans doute vu, sur un écran ou un autre (ICI ?) l’allure
« naturelle » de certaines comédiennes qui revendiquent le droit de
ne pas se farder afin, disent-elles, de ne pas succomber à la pression sociale
que ces gestes impliquent, ni être systématiquement transformées en objets de
désir (forcément lubrique). Mais aussi parce que, disent-elles, ce geste leur
prend trop de temps chaque matin.
Outre le résultat sur leur visage ou
leur tignasse, guère plus agréable à regarder à la télé que dans l'intimité,
cette prise de position fait réfléchir à la place que nous voulons occuper dans la
société, et ce que cela implique pour nous autres, femmes. Nous ne sommes pas
toutes Bérénice, sous le regard amoureux de Néron :
"Belle, sans ornement, dans le simple appareil
D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil."
"Belle, sans ornement, dans le simple appareil
D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil."
Soyons franches : la cinquantaine passée, au saut du lit, le simple appareil peut, parfois, avoir des airs fripés !
Se maquiller a minima pour y remédier ne prend pas tant de temps que cela. Nous n’avons
pas toutes pour objectif d’avoir l’allure d’un mannequin dès potron-minet. Les
gestes du quotidien peuvent être minimalistes, avec un résultat naturel et
confortable pour notre peau. Nous ne les effectuons pas pour plaire aux autres
(hommes ou femmes) mais surtout par respect pour nous-mêmes, et pour nous
sentir mieux. En clamant ainsi qu’il faudrait se passer de ces artifices pour – entre
autres – ne pas attirer le regard concupiscent des hommes, nous tombons dans le schéma
subi par les femmes que l’on force à porter le voile, ou qui n’ont pas le droit
de revêtir la moindre jupe. Dans certains quartiers, mettre son physique en
valeur est considéré comme dégradant, aguicheur, et celles qui le font sont
vite cataloguées, ce n’est pas la peine de préciser ici le terme utilisé pour
les définir.
Par voie de conséquence, et avec le
recul que me donnent les années, il m’apparaît que le refus du maquillage
équivaut à une soumission. Je vous le dis, mes copines : refusons-la. Sans
pour autant être inféodées à l’industrie cosmétique, nous pouvons affirmer
notre désir de rester belles, soignées, et de recourir à quelques artifices
pour cela, si nécessaire. La gamme de produits est assez large pour que nous
choisissions ceux qui conviennent à notre peau, à notre look, et même à nos
convictions : non testés sur les animaux, vegans, naturels et bio, respectueux de l’environnement,
fraîchement produits et à garder au frais, etc. Et si, par hasard, nous
souhaitons ne pas nous maquiller du tout, est-il vraiment nécessaire de le
crier sur les toits ?
Tout de même, cette révolte fait
réfléchir. Dans les années soixante, le naturel primait, pour ne pas dire le
laisser-aller. Il était souvent accompagné d’une hygiène douteuse. Sous les
fleurs, la crasse*. Le balancier est-il reparti dans ce sens ? J’espère que
non, car la nostalgie n’est plus ce qu’elle était**.
Allez, je vais de ce pas me démaquiller
et enfiler mes charentaises. Pas de raison de bouder une mode, juste parce
qu’on n’a plus vingt ans !
**Titre d’un roman de Simone Signoret, qui a su assumer son âge, jusqu’au bout. Quelle belle
âme elle avait !
Avec son accord, je publie ce commentaire de Françoise Livache :
RépondreSupprimer"Je soutiens ces prises de paroles des femmes agressées et harcelées : leur virulence est à la hauteur de leur détresse passée.
De même je partage ton avis contre les diktats contradictoires qui nous contraignent dans nos conduites quotidiennes les plus intimes...
Oui, refusons toute soumission à toute forme d’autorité (commerciale et autres !) même si nous savons mieux, grâce à Françoise Héritier, l’anthropologue récemment disparue, que cette situation de domination/soumission pluri-millénaire a été intériorisée à en devenir 'naturelle'. "