Parce que j'ai toujours été inspirée par les beaux vers de Victor Hugo, extraits de ce poème :
J'aime l'araignée et j'aime l'ortie,
Parce qu'on les hait ;
Et que rien n'exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;
Parce qu'on les hait ;
Et que rien n'exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;
Parce qu'elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu'elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;
Noirs êtres rampants ;
Parce qu'elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;
Parce qu'elles sont prises dans leur œuvre ;
O sort ! fatals nœuds !
Parce que l'ortie est une couleuvre,
L'araignée un gueux ;
O sort ! fatals nœuds !
Parce que l'ortie est une couleuvre,
L'araignée un gueux ;
Parce qu'elles ont l'ombre des abîmes,
Parce qu'on les fuit,
Parce qu'elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit.
Parce qu'on les fuit,
Parce qu'elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit.
Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal ! n'est rien qui n'ait sa mélancolie ;
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal ! n'est rien qui n'ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu'on oublie
De les écraser,
Dans leur fauve horreur, pour peu qu'on oublie
De les écraser,
Pour peu qu'on leur jette un œil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La mauvaise bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !
Tout bas, loin du jour,
La mauvaise bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !
Juillet 1842 (Les Contemplations)
Mais ce n'est pas tout.
Sur ma terrasse, une araignée a élu domicile, et tissé sa toile entre quelques brindilles de dipladénia.
Je l'ai découverte un beau matin, et elle m'a aussi, immédiatement, rappelé cette si mignonne comptine traduite de l'anglais* :
"Marie-Rose, un beau matin,
Assise dans le jardin mangeait sa bouillie sucrée
Quand survint une araignée,
Qui lui fit tellement peur
Qu'elle en changea de couleur."
Bien sûr, nous avons tous peur de ces bestioles (qui ne sont pas des insectes) aux longues pattes, dont on craint (à tort) la piqûre. Or l'araignée de nos contrées est inoffensive. Mieux, elle est utile car elle capture dans sa toile maints petits insectes nuisibles, dont les moustiques et les horribles destructeurs – des cochenilles, je crois – de mes plantes, que je passe beaucoup de temps à détruire à l'aide d'un vaporisateur empli d'eau savonneuse.
Curieusement, cette araignée-ci ne m'a pas inquiétée le moins du monde. Au contraire, intriguée, je l'ai adoptée quand je l'ai vu tenir une boule de soie entre ses pattes, puis construire sa toile, fine, très fine, si fine qu'on ne l'aperçoit qu'à peine, en se tordant le cou.
Puis elle s'est installée en son centre. Et a attendu. De temps à autre, plutôt le soir, elle regagne une feuille morte, marron comme son corps, où l'on peut voir des débris divers, et elle y demeure quelque temps, avant de regagner le cœur de sa toile.
Et, à mon tour, je suis entrée en contemplation.
Vous la distinguez à peine... c'est son refuge secret.
Il m'est alors venu plein d'idées et de références. Je me suis rappelée comment Saint-Exupéry parlait "d'apprivoiser" une rose. Si on peut apprivoiser une fleur, ou un renard, pourquoi pas une araignée ?
Pour mémoire cet extrait de "Le Petit Prince":
"Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde".
Vous me direz, un renard, c'est bien plus sympathique à caresser qu'une araignée, et je vous l'accorderai, car je n'ai aucune envie de toucher Hortense (ah, oui, j'oubliais, elle a aussi été nommée ainsi, par mon époux, contaminé par l'attention que je porte à ce spécimen d'arachnide). Mais, ainsi que nous le dit Saint-Exupéry, apprivoiser signifie créer des liens. Cette araignée ne sait pas que j'en ai créés avec elle, et que je passe beaucoup de temps à observer son mode de vie, à chercher sur internet (la toile ?) des informations sur sa famille, à me soucier de ce que personne ne détruise sa toile en passant trop près d'elle...
Moi, je les admets, ces liens unilatéraux. Si elle se cache en un nouvel endroit, je m'inquiète. Je la recherche, et suis soulagée de la revoir immobile, à guetter sa prochaine proie. Saviez-vous que les araignées ne gobent pas leur nourriture, mais qu'elles la liquéfient avant de l'absorber ? Et qu'en cas de manque, elles se nourrissent aussi de spores ou de grains de pollen ?
(Tout cela peut se découvrir sur wikipedia, bien évidemment, tandis que les superstitions qui entourent cette pauvre bête sont détaillées sur cet autre site.) "Araignée du soir, espoir ?"
C'est sûr, la canicule qui nous garde au logis a dû me taper sur le cerveau pour que je délire ainsi sur cette tisseuse obstinée. Certes, Victor Hugo l'a évoquée, mais elle est aussi présente dans nombre de chansons enfantines, telle celle-ci, qui la décrit en train de se tricoter des bottes, ou celle-là dont la toile solide sert à amuser tout un troupeau d'éléphants. Je connais une petite fille qui l'adore !
Image prise sur ce site
Sans oublier cette légende grecque, que je rappelle volontiers :
Intriguée par la grande réputation d’Arachné, Athéna se déguise en vieille femme pour rendre visite à la jeune tisseuse et observer son magnifique travail. Arachné, n'ayant point reconnu la déesse, prétend devant celle-ci qu'elle est la meilleure tisseuse du monde, meilleure qu'Athéna elle-même. La déesse entre alors dans une grande colère en constatant qu'une simple mortelle peut prétendre être aussi adroite qu'elle. Elle révèle à Arachné sa véritable identité et organise un concours avec la jeune femme. La déesse illustre sur sa toile les divers dieux de l'Olympe tandis qu'Arachné préfère tisser Zeus avec ses nombreuses amantes. Arachné sait qu'elles étaient toutes les deux à égalité mais Athéna est quand même jalouse. Furieuse, elle déchire l'ouvrage d'Arachné et la frappe. Ainsi humiliée, Arachné décide de se pendre. La déesse décida ironiquement d'offrir une seconde vie à Arachné, mais cette fois-ci en araignée suspendue à son fil, pour qu'elle puisse à nouveau tisser sa toile.
Source : wikipedia.
Il est temps à présent de vous montrer ma vedette du jour. La voilà, sereine et en veille.
Combien de temps nous fera-t-elle l'honneur de sa silencieuse compagnie ? Vivra-t-elle chez nous deux ans ? Six mois ? Fuira-t-elle aux premiers frimas ? Sera-t-elle mangée par une guêpe ? Avouez qu'il y a là la trame d'un roman... qui, bien entendu, sortirait de l'imaginaire de celle affublée, cela tombe sous le sens, d'une araignée au plafond !
Intriguée par la grande réputation d’Arachné, Athéna se déguise en vieille femme pour rendre visite à la jeune tisseuse et observer son magnifique travail. Arachné, n'ayant point reconnu la déesse, prétend devant celle-ci qu'elle est la meilleure tisseuse du monde, meilleure qu'Athéna elle-même. La déesse entre alors dans une grande colère en constatant qu'une simple mortelle peut prétendre être aussi adroite qu'elle. Elle révèle à Arachné sa véritable identité et organise un concours avec la jeune femme. La déesse illustre sur sa toile les divers dieux de l'Olympe tandis qu'Arachné préfère tisser Zeus avec ses nombreuses amantes. Arachné sait qu'elles étaient toutes les deux à égalité mais Athéna est quand même jalouse. Furieuse, elle déchire l'ouvrage d'Arachné et la frappe. Ainsi humiliée, Arachné décide de se pendre. La déesse décida ironiquement d'offrir une seconde vie à Arachné, mais cette fois-ci en araignée suspendue à son fil, pour qu'elle puisse à nouveau tisser sa toile.
Source : wikipedia.
Arachné, représentée par Gustave Doré
Il est temps à présent de vous montrer ma vedette du jour. La voilà, sereine et en veille.
Crédits photos ©Jacques Lefebvre-Linetzky
Combien de temps nous fera-t-elle l'honneur de sa silencieuse compagnie ? Vivra-t-elle chez nous deux ans ? Six mois ? Fuira-t-elle aux premiers frimas ? Sera-t-elle mangée par une guêpe ? Avouez qu'il y a là la trame d'un roman... qui, bien entendu, sortirait de l'imaginaire de celle affublée, cela tombe sous le sens, d'une araignée au plafond !
Bel été à vous, gardez-vous au frais, buvez de l'eau et ne croyez pas tout ce que vous lisez !
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*L'original disait ceci :
Les artistes s'étonneront de découvrir que certains de leurs collègues ont peint des tableaux sur des toiles d'araignée, ainsi que le montre ce site, dont le nom me parlerait presque !
Tout comme toi, Cathy, je respecte les araignées qui tissent leurs toiles à travers les plantes grasses sur mes balcons,car elles sont indispensables pour dévorer les nuisibles pucerons,qui alors n'osent pus envahir les belles fleurs voisines. Toutefois, si j'aime voir une toile d'araignée éclairée par le soleil et briller comme une guirlande, je n'éprouve aucune attirance pour le prédateur qui l'a créée.
RépondreSupprimerAprès avoir lu ton article, je me sens coupable d'égoïsme, d'autant plus que mon intérêt pour cette petite bête à pattes crochues s'arrête à mes balcons.
J'ai apprécié tes références à des textes connus mais gardés au fin fond de ma mémoire.
Merci pour ce bel article plein de poésie.
Merci, Cathy, pour cet article inattendu et très très original. Je l'ai lu avec plaisir et intérêt = curiosité.
RépondreSupprimerPlaisir, tout d'abord :
Le ton de ton commentaire, plein de poésie et d'espièglerie, m'a incitée a le parcourir jusqu'au bout, car j'avais un apriori = comment peut-on aimer une araignée ? Tu l'as raconté comme un conte !
Comme toi, j'ai toujours admiré la qualité des toiles tissés par ces petites bêtes, la finesse de leurs "filets" merveilleusement construits, qui brillent au soleil et leur permettent de saisir des proies qui nous sont nuisibles.
Mais j'avoue être de ceux qui en ont un peu peur ... suivant la taille, bien sûr, ... et qui les font fuir ou les écrasent méchamment.
Alors, j'en viens à ma curiosité : Comment Hortense peut-elle susciter chez toi une telle affection ? Comment une créature velue aux pattes agressives, peut-elle être aimée ? Protégée, oui, mais aimée ??? J'ai donc lu ton article pour y trouver la réponse. Tu as su me convaincre : cette "bestiole", comme tu l'appelles, a une vie intéressante si l'on sait l'observer, la décrypter, lui accorder du temps.
Le beau est partout dans la nature si l'on sait s'en approcher, voir toutes les facettes d'un objet ou d'un être vivant. Tu as accordé à Hortense une vie particulière, qui fait d'elle une créature de compagnie. J'aimerais bien savoir si elle le sent, si elle le partage !
Les articles dont tu t'es servie pour développer ou soutenir tes arguments sont choisis avec une efficacité qui influence le lecteur..
Alors, voici ma conclusion : je ne sais pas comment je réagirai devant ma prochaine rencontre avec une araignée ;)
LA TOILE D’ARAIGNEE
RépondreSupprimerDevant une toile d’araignée
A méditer et à l’observer
Je me suis laissé
A elle bien tendue,
Je m’imagine suspendu,
M’en libérer est peine perdue.
Ce que mes yeux voient
Eveille mon émoi
Et me pousse à réfléchir.
Profondément angoissé
Occupé par ma pensée
Comment m’en sortir ?
Une mouche vient tournoyer
Autour de la toile, tout près
De l’araignée aux aguets.
Fatiguée, elle s’y est posée
Aussitôt elle est happée
En une minute sucée
Que de mouches ont ainsi péris
Et moi je réfléchi
Au pourquoi de ceci.
Enfin je comprends
Que l’araignée les attend
Pour en vivre s’entend
Arrive un grand taon
Tout en bourdonnant
Fort et bien portant
La toile est secouée
D’un seul coup transpercée
L’hyménoptère est passé
La toile n’est que silhouette
Elle ne gêne ni n’inquiète
Il le fait de belle lurette
C’est pour cela qu’il s’en passe
Car le plus fort passe
Et le plus faible trépasse
Ainsi sont les lois
Telles des toiles je les vois
Le faible s’y débat
C’est un perdu combat
Le plus fort ne s’y fait pas
Il n’en fait pas cas
A une toile d’araignée
Je compare les lois
Elle prend la mouche facilement
Mais pas le bourdon
Par sa force, il la perfore
A ce propos nous sommes d’accord
Les lois profitent tout le temps
A ceux qui sont nantis
Ceux qui les subissent souvent
Sont les plus démunis
Médite ! Toi le sage, toi le savant
Pour qui sont-elles tissées ?
ahcene mariche