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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

samedi 22 septembre 2018

LUMIÈRES D'ÉTÉ : UN ÉBLOUISSEMENT.

C'est le film LUMIÈRES D’ÉTÉ, de Jean-Gabriel Périot, que je souhaite aujourd'hui mettre en lumière... 


La carrière de certains films est plus que mystérieuse. Il y en a qui décollent dès le premier jour, tant la publicité qui les a précédés a été convaincante, et pourtant ils vous laissent un arrière-goût de banalité. D’autres, plus achevés, prennent leur place petit à petit, grâce au bouche-à-oreille. Et d’autres encore, pourtant loués par la presse lors de leur sortie, demeurent peu connus du grand public ! À peine sortis, déjà disparus de l’affiche, et des salles obscures. 

Il me semble que c’est, hélas, ce dernier sort qu’a subi un véritable bijou cinématographique, découvert un peu par hasard lors de l’ouverture de la Cinémathèque de Nice ce mois-ci. Il s’agit de LUMIÈRES D’ÉTÉ, un long métrage de Jean-Gabriel Périot, qui était venu l'y présenter. 

Quelle découverte magique que ce film qui a pour thème la mémoire d’Hiroshima. Hiroshima, ville martyre, qui mit tant d’années à se relever des conséquences de la bombe atomique qui la dévasta le 6 août 1945, tuant ou mutilant plus de 200 000 personnes, et pulvérisant toutes leurs demeures. 

En Europe et ailleurs, les survivants de la Shoah ont mis des décennies avant de témoigner publiquement des horreurs qu’ils avaient subies, et vues. 

De même, au Japon, il a fallu des années avant que la honte de cette tragédie ne permette son récit par les hibakusha, les victimes "atomisées" survivantes. 

Au début, tout témoignage avait été interdit par les autorités américaines d’occupation, qui souhaitaient dissimuler au grand public les effets de la bombe. Par la suite, les victimes craignirent que leur irradiation n’ait des effets héréditaires : le secret était de mise dans les familles atteintes. L’ignorance régnait quant aux conséquences à long terme, y compris dans les milieux médicaux. Le silence prévalut donc, très longtemps, avant que ne débute un long combat contre l’oubli. 

Le travail du réalisateur français Jean-Gabriel Périot, lui-même tombé amoureux d’Hiroshima au point de considérer le lieu comme sa seconde patrie, est ancré dans cette histoire douloureuse. 

Le film Lumières d’été débute par une longue séquence mettant en scène Madame Tadeka, une survivante d’Hiroshima – en fait, Mamako Yoneyama,  une actrice pétrie de l’art du mime – à qui un réalisateur de documentaires (Akihiro, interprété par Hiroto Ogi) demande de raconter par le menu la journée où la bombe a éclaté sur sa ville. 

Le Japonais Akihiro est venu de France où il vit et travaille. Il est donc un peu l’étranger qui redécouvre son pays d’origine. Il filme son témoin, et l’observe, ce que nous observons à notre tour, puisque la caméra de Jean-Gabriel Périot nous le montre très tôt. Le jeu et la structure du film sont ainsi mis en place. Face à la caméra, la vieille dame décrit ce qu’elle a vécu à l’âge de 14 ans tout au long de la journée où la bombe est tombée sur sa ville. 

Elle évoque aussi le souvenir de Michiko, sa sœur infirmière, âgée de 20 ans à l’époque, qui mourut des suites de l’irradiation, comme tant d’autres victimes dont les lésions n'étaient pourtant pas visibles. Les détails que Madame Tadeka fournit sur les effets de la bombe ont été récoltés par Jean-Gabriel Périot auprès de véritables survivants :  jamais il n’aurait pu les imaginer, tant ils sont horribles. 

Cette première et longue séquence est déchirante, comme peut l’être une fiction réussie, à laquelle on adhère. Et ce jeu de miroirs, qui annonce la suite, ne l’est pas moins. 

Le jeune réalisateur, dont on comprend alors qu’il devient le héros du film, rencontre ensuite dans un parc de la ville une très jolie jeune fille, revêtue du costume japonais traditionnel. Il fait beau, la lumière est magnifique. Elle l’aborde avec spontanéité et l’entraîne visiter la ville, puis s’en échapper, pour aller (en train) au bord de la mer que, dit-elle, elle n’a jamais vue de près. La ville d'Hiroshima est pourtant située près de la mer. Ce détail n'en est pas un, on le comprendra vite.   Entre-temps, elle a troqué son kimono pour une tenue plus contemporaine. Son prénom est Michiko... 

 Image du film prise sur ce site
Avec Akane Tatuskawa dans le rôle de Michiko

Autre image, prise sur ce site

La suite est un doux rêve, une allégorie, une leçon de vie et d’Histoire, qui tend à réconcilier les êtres avec leur passé individuel et collectif. L’héroïne est touchante, changeante, désarmante – y compris pour le héros, tellement ligoté, au début, par ses propres conventions et obligations. On le voit apprendre lentement à apprécier le moment présent, la beauté de sa simplicité, à saisir le plaisir des rencontres inattendues… et à sourire !

Le spectateur, parfois dérouté, mais peu à peu envoûté, sortira de la salle comme apaisé. 

On aimerait connaître le japonais, pour saisir toutes les nuances de ces dialogues, identifier d'emblée l’accent régional de Michiko (ce que fait Akihiro), ou reconnaître dès la première note l’air traditionnel qu’elle chante d’une voix angélique, accompagnée par la guitare d’un honnête homme, avant de s’évanouir de l’écran. 

Ce n’est pas votre cas non plus ? Qu'importe. La magie du cinéma fonctionne : ce film-là, bel hommage au cinéma japonais qui a nourri son auteur, vous emporte et vous habite. Disparu des grands écrans, mais à présent disponible en DVD ou Blu-ray, il fera un cadeau parfait, original (et abordable) à offrir ou à s’offrir, afin que la mémoire vive, mais que les cicatrices douloureuses s’en effacent.  


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Comme d'habitude, vous pourrez trouver ICI la bande annonce de ce beau film. 

Lumières d’été de Jean-Gabriel Périot (Fr. Jap. 2017, 1 h 23), était précédé en salle de 200 000 fantômes (Fr. 2007, 10 minutes). 

DVD & BLU-RAY disponibles ICI (et ailleurs aussi !)

Et, bien entendu, vous aurez envie de revoir HIROSHIMA MON AMOUR, d'Alain Resnais, dont le producteur, Anatole Dauman, avait courageusement produit NUIT ET BROUILLARD... À lire, cet article, en cliquant aussi sur les liens qu'il contient, car les pistes en sont passionnantes. 














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