En vol

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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

lundi 8 juillet 2019

BERLIN : à découvrir sous l’angle de la mémoire.

Bien sûr, on connaît tous l’histoire de Berlin et des Juifs. Bien sûr, on a (presque) tout lu sur la question. Et bien sûr on arrive avec des idées préconçues, que la visite de cette ville va légèrement bousculer, ou confirmer.  Une telle profusion de lieux de mémoire y est surprenante. À commencer par celui-ci, découvert au fil d'une première promenade à pied, superbement guidée.* 


 
Chacun peut déposer ici, 
comme dans un cimetière,
 un petit caillou, en mémoire des
55 000 Juifs berlinois déportés et assassinés
à Auschwitz et Theresienstadt
5000 autres se sont suicidés
Crédit photo ©Cathie Fidler**




Crédit photos ©Cathie Fidler

Il y a – natürlisch – des lieux de cette ville à ne pas manquer, des plaques à lire, des statues à découvrir, et un lieu tel que Le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe


Crédit photos ©Cathie Fidler

À l’extérieur, se trouve un labyrinthe de dalles de béton, à traverser avant de pénétrer dans le Centre d’information, situé en sous-sol. 

On peut lire sur son site les détails suivants : 

L’architecte américain Peter Eisenmann a conçu le projet lauréat, constitué de 2711 blocs de béton rectangulaires et assemblés en damier, rappelant des stèles mortuaires. Le Mémorial est ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et chacun peut déambuler entre les blocs de béton à son rythme. Les visiteurs ne sont pas autorisés à les escalader, ce qui est pourtant particulièrement tentant pour les enfants. L’effet produit par ce labyrinthe de stèles est celui de l'inquiétude et de la tristesse. Le sol est volontairement inégal et les blocs ont tous des hauteurs et des tailles différentes.

J’ajouterai : de l’angoisse, face à l’inconnu, et au sentiment que l’on a d’y perdre ses repères. Le sol inégal en béton, en pente, vous y déstabilise. Ici, comme ailleurs dans Berlin, un architecte a su créer un malaise physique évocateur de celui qu’éprouvèrent les victimes assassinées, avant leurs derniers instants. 

Le travail architectural du lieu est donc fascinant, et prédispose à la visite du sous-sol, où se trouvent des biographies, des photographies, et des documents divers, placés sur le sol et aux murs. Dans l'une des salles, une voix égrène les noms des victimes, dont on sait qu’il faudrait plus de six ans en lecture continue pour tous les lire…

Ceux et celles d’entre nous qui ont visité de tels lieux à travers le monde ne seront pas surpris des données qui se trouvent en ce site. Ce qui frappe, en revanche, c’est la variété du public qui y défile, en silence, avec respect et émotion. Des familles, des jeunes, des moins jeunes, venus du monde entier : avant d'y pénétrer, on y entend parler toutes les langues… 


Un autre endroit que j'ai eu à cœur de visiter, c'est, bien entendu, le Musée juif de Berlin



Crédit photo © Jacques Lefebvre-Linetzky


Dans ce musée, on suit trois « axes » souterrains qui relient le nouveau bâtiment au plus ancien (où se situe l’entrée sur la rue) :  Axes de la Continuité, de l’Exil, et de l’Holocauste – ce dernier menant à une tour vide, sombre, dénuée de fenêtres. Une faille tout en haut laisse passer un rai de lumière. On y vit une expérience physique unique, dans un silence de mort. 



Crédit photo © Jacques Lefebvre-Linetzky

Ce qui frappe autant que les images évocatrices de destruction placées aux murs, c’est l’Axe de l’Exil, qui démontre une fois de plus l’arrachement que constitua le départ, pour des familles qui se considéraient allemandes depuis la nuit des temps – une décision difficile à prendre, voire impossible,   très bien évoquée par Franz-Olivier Giesbert dans son dernier roman « Le Schmock ». 

Ce lieu est intéressant, non seulement en raison des informations que l'on y trouve sur la vie et l'histoire des Juifs en Allemagne – dont on sait à quel point elle a été riche et influente – mais parce que, là encore, son architecte américain, Daniel Libeskind, démontre que l'architecture d'un lieu a des conséquences immédiates sur ceux et celles qui le parcourent. Sentiment de malaise physique ; impression de tanguer, d'avoir le mal de mer, ou le vertige ; sensation d'étouffement, d'enfermement... tout cela est créé délibérément par l'agencement du lieu, et en particulier dans cette partie du musée, évocatrice de l'exil : 

 

Les pavés irréguliers du "Jardin de l'Exil" 
donnent encore davantage une impression 
de déséquilibre, celui que l'on ressent lorsque 
l'on s'arrache à son pays natal

Crédit photos ©Cathie Fidler

Une fois la visite achevée, il ne faut pas manquer de se promener dans le jardin qui entoure ce bâtiment exceptionnel, dont on peut observer la façade métallique, zébrée de failles (d’où son nom allemand le « Blitz »).



La juxtaposition des bâtiments 
est intéressante à observer


Crédit photos ©Cathie Fidler


Le jardin lui-même est étonnant de verdure maîtrisée. Curieusement, l’on n’y voit pas la moindre fleur… 




Cette frondaison est un don du ciel 
et des jardiniers de l'endroit qui 
savent mettre en valeur la beauté des arbres



Crédit photos ©Cathie Fidler


Plus centrale, la « Nouvelle Synagogue » de Berlin, (Neue Synagogue) qui fut la plus grande d’Allemagne, est également à explorer. Pas seulement en raison de son histoire douloureuse, très bien expliquée ici, mais parce que l’on y trouve un lieu de mémoire, Le Centrum Judaicum, qui comprend des documents et témoignages vidéo exceptionnels (en allemand,  et en anglais, mais pas en français) de témoins et de survivants de la Shoah. Il faut vraiment prendre le temps de s’installer pour les écouter, ou les regarder. Du reste, le calme ambiant vous y invite... 


Crédit photo ©Cathie Fidler

Si vous avez le courage, montez aussi les marches escarpées qui mènent sous sa coupole dorée… Le point de vue y est moins intéressant que celui que l’on voit depuis celle du Reichstag, mais on y est nettement moins nombreux ! À ce propos, je ne résiste pas à la tentation de partager cette photo "arty" (comprendre : un peu chiqué !) prise dans le reflet des vitres de ce fameux monument :


Crédit photos ©Cathie Fidler


Pour clore cette visite virtuelle de Berlin (très incomplète, et partiale, je le reconnais), regardez ces statues de Frank Meisler, situées près de la gare de Friedrichstrasse. Intitulées « Trains vers la vie et trains vers la mort ». Elles illustrent, d’une part le sort des milliers d’enfants assassinés...




Crédit photos ©Cathie Fidler

... et, d'autre part celui de ceux, moins nombreux, qui ont pu être sauvés grâce au « Kindertransport » (déjà mentionné sur ce blog – et dans mon dernier roman, Creuse la terre, creuse le temps). 

Crédit photos ©Cathie Fidler

Ainsi, en se promenant à pied dans Berlin, peut-on découvrir que son histoire tragique n’y est nulle part occultée. 
Sans oublier celle des Tziganes… 


Crédit photos ©Cathie Fidler


La vie est verte à Berlin, grâce à ses nombreux jardins et parcs, parfois peuplés d'animaux inattendus, ou intrépides ! 



Quel plaisir que de voir tant de moineaux,
si peu farouches : ils viennent sans crainte 
finir nos petits restes !
Crédit photos ©Cathie Fidler

Ville vivante, ville de mémoire et d’avenir, elle surprend. Le rythme y semble paisible. Il y a des enfants et des jeunes partout ; les terrasses des cafés et restaurants sont ravissantes ; on a envie de s’installer sur chacune d’elle pour boire une bière, grignoter un bretzel, un morceau de strudel, ou l’un de ces plats du monde entier que l’on trouve à chaque coin de rue. Cosmopolite et multi-culturelle, Berlin ? Certes. Il y en a qui doivent se retourner dans leur tombe – et c’est tant mieux !

Pour clore ce billet, un regard sur la culture, et sur "L'île aux musées"... 





Crédit photos ©Cathie Fidler

Sur cette île, comme partout dans la ville, il y a des enfants... Il n'est jamais trop tôt pour les emmener dans un musée, où leur attention et leur intérêt font plaisir à voir. Autant que les merveilles recélées par, notamment, l'Alte Nationalgalerie


Max Lieberman
Berlin (1847-1935)
"Petits enfants à l'école maternelle", 
Amsterdam 1880




Après la visite guidée, au cours de laquelle
ils ont été amplement sollicités, ces enfants 
dessinent et peignent...
Crédit photos ©Cathie Fidler


Fin du voyage. Il fut à peine plus long que ce billet. Il faudra sûrement y retourner, et s'y plonger davantage encore ! 



Crédit photo ©Cathie Fidler

~ ~ ~ ~ ~ ~ ~


* Merci à Sophia, de VOYAGEURS DU MONDE, qui a si bien préparé en amont cette courte semaine à Berlin, et à Manuel Roy, de BERLIN SERIOUS TOURS, qui a su, en 3 heures de temps et de balade à pied, nous révéler de nombreux aspects de l'histoire de cette ville. 



**NB : Sauf indiqué autrement, les photos sont celles que j'ai prises. Je me sens obligée de le signaler pour qu'on ne pense pas qu'elles ont été volées sur un site quelconque. Les plus belles sont naturellement dues à J.L+L !






1 commentaire:

  1. Visite virtuelle très intéressante ! Elle donne envie d'aller à Berlin, envie que nous avions déjà, d'ailleurs.
    Nous le ferons dès que notre lycéenne aura passé son bac !
    Merci, Cathy !
    Bises
    Michou

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