En vol

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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

jeudi 18 juillet 2019

LUNE DE MIEL, UN FILM AIGRE-DOUX


Ce film a obtenu entre une seule (Le Monde et Les Cahiers du Cinéma) et quatre étoiles (Le Nouvel Obs’, Télérama, l’Express...), selon les journalistes spécialisés qui l’ont vu. 

Réalisé par Elise Otzenberger, qui en a également écrit les dialogues, on comprend en lisant ces articles que ce film a divisé l’opinion de ses spectateurs. Ci-dessous, je vais me mêler de le défendre, bien sûr. 

Lune de Miel est sorti récemment (en juin dernier) et pourtant à Nice il a fallu tomber dessus par hasard, dans une salle qui reprogramme des films qui ont terminé leur carrière dans les salles les plus en vue. Les avis de mes amis semblaient aussi partagés que ceux des critiques spécialisés. J’y suis donc allée à reculons, en me demandant si c’était une tellement bonne idée... Et voilà que je ne regrette rien, car dès les premières minutes je pleurais de rire (en silence, pour ne pas gêner les trois autres personnes qui étaient dans la salle, tout de même).

Le propos, tel qu’annoncé par son synopsis : 

« Anna et Adam, jeune couple de Parisiens aux origines juives polonaises, partent pour la première fois de leur vie en Pologne. Ils ont été invités à la commémoration du soixante-quinzième anniversaire de la destruction de la communauté du village de naissance du grand-père d’Adam.
Si Adam n'est pas très emballé par ce voyage, Anna est surexcitée à l'idée de découvrir la terre qui est aussi celle de sa grand-mère. Enfin… d’après le peu qu’elle en connaît.
Les voilà partis à la recherche de leurs origines dans un voyage plein de surprises, durant lequel ils ne trouveront pas exactement ce qu’ils sont venus chercher… »

Il n’y a là, apparemment, pas de quoi rire. Laisser son bébé à une grand-mère moitié-cinglée et à un grand-père dont on se demande s'il saura assurer... Se rendre en Pologne en plein hiver, sur les traces de ses ancêtres assassinés, non loin d’Auschwitz… Évoquer la Shoah… Tout cela n’a, a priori, rien de comique. Et pourtant, les dialogues, le jeu des acteurs, les situations rocambolesques, la vision donnée de l’immersion de ce couple dans un univers à la fois familier et tellement étranger, tout cela vous arrache des sanglots de rire, très vite suivis par une émotion qui vous étrangle. 

Bien entendu au fil de cette plongée polonaise, on voit surgir sur l’écran tout ce que l’on sait (ou pense savoir) de l’industrie touristique qui entoure le passé juif du pays. Ne nous sont épargnés ni les figurines représentant des Juifs pieux, caricaturés ; ni les petits trains qui trimballent les touristes ; ni les plats prétendument traditionnels (juifs) mais si peu conformes à leur goût d'origine ; ni l'exploitation touristique de la musique kletzmer ;  ni les regards hostiles de certains Polonais ; ni les graffiti antisémites gravés sur les murs. 

En parallèle cependant, il y a la complicité délirante créée entre Anna (Judith Chemla)  et une jeune commerçante polonaise ; les efforts  linguistiques permanents (hilarants) des deux héros, et l’évocation d’un passé dont les traces culturelles ne cessent d'affleurer chez Anna – alors même que son mari, Adam, pourtant à l’origine de ce voyage, paraît bien moins bouleversé que sa jeune épouse. 


Judith Chemla (Anna)
et ci-dessous
Arthur Igual ( Adam)
Images empruntées sur ce site



Sont aussi émouvants dans ce film les moments (pourtant quasi-didactiques) qui expliquent aux moins initiés ce qui a eu lieu dans ce pays et ce qui s’y produit encore. Comme, par exemple, le vol de pierres tombales, dont on apprend qu'elles soutiennent à présent les terrasses des maisons voisines. 

Ces passages alternent avec des séquences qui révèlent ce que ce voyage provoque chez le couple qui l’a entrepris. Une scène, capitale,   montre avec force les tensions qu’un couple peut vivre dans le lieu clos d'une voiture lors d’un tel voyage mémoriel. 

Une scène finale, en particulier, aborde, non seulement la question de la transmission familiale, mais aussi son absence. Elle est magnifiquement filmée, et fait comprendre aux spectateurs la raison du silence de la mère de l’héroïne sur les origines. Le summum étant atteint lorsque cette dernière se remet à parler la langue maternelle qu’elle pensait avoir oubliée…  

Ces passages vous prennent à la gorge.  Les dialogues en sont hurlants de vérité. Quant au jeu des acteurs, considéré par certains critiques comme exagéré, il m’a paru, au contraire, d’une sincérité absolue. J'en ai rencontré plein, des comme ça, et pas qu'au cinéma ! 

Tiens, c’est vrai… Anna fait parfois penser au personnage d’Annie Hall, de Woody Allen, mais est-ce là vraiment un défaut ? La talentueuse Elise Otzenberger ne le penserait sûrement pas !

Douce et aigre, culottée et absurde, cette comédie douloureuse fait souvent penser à nos plats emblématiques, quelle que soit notre culture. On les aime parce qu’on les connaît, qu’on les reconnaît, mais franchement, parfois on se demande : qui d’autre va les aimer ? 


◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ 


Et ici, vous verrez sa bande-annonce, bien sûr. 
Les critiques du film sont à lire , avec discernement !









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