En vol

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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

samedi 8 janvier 2022

2022 : GARDONS LE BON, RIEN QUE LE BON

Nous y voilà, entrés dans cette nouvelle année, aux jolis chiffres, bien équilibrés, avec ce petit zéro au milieu qui nous rappelle que le néant est bien proche tout de même, toujours. 

Alors je veux me souvenir, en ces premiers jours de janvier, de quelqu'un qui nous a quittés juste avant Noël, la veille de mon anniversaire, en fait. Quel goujat !

C'était, en réalité, "a gentleman from sole to crown"*, un collègue, un angliciste hors pair, un mélomane amoureux des mots et des mets, un fin linguiste et un chef en cuisine aussi, tout comme dans sa salle de classe. 

À une époque où les professeurs savaient se vêtir correctement, voire avec élégance, pour arriver au lycée, il avait un goût immodéré pour les cravates. Il en arborait une différente chaque jour, qui était toujours parfaitement assortie au reste de sa tenue... en plus ..., en moins..., discrète  ! Cet appendice coloré ne manquait pas de le faire remarquer, pourtant il n'avait pas besoin de cet artifice  pour que l'on s'intéressât à lui. Ses reparties désopilantes de pince-sans-rire éclairaient la journée la plus sombre, et les conseils de classe les plus lugubres. 



Je vous laisse découvrir 

celui qui avait la plus belle cravate, 

et la plus belle des moustaches !

(mais ne me cherchez pas trop)


Il était parfois soupe-au-lait, surtout envers ceux et celles qui manquaient d'humour, ou de conscience professionnelle (lui en était pétri) ; il rembarrait parfois les emmerdeurs (il en existait, croyez-moi), ce qui réjouissait ceux et celles qui n'osaient le faire, mais surtout il était toujours là pour aider un ou une collègue en difficulté. Son implication syndicale n'était pas motivée par un désir d'auto-promotion, ni par un engagement politique virulent. Non, il était syndicaliste pour aider ses collègues à résoudre leurs problèmes, et il s'acquittait de cette tâche avec un dévouement remarquable. 

Dans la vie, il manifestait le même souci d'entr'aide. Que l'on aie besoin d'un conseil concernant l'immobilier, le bâtiment, une fourniture, une bonne adresse, une recette de cuisine (ah, ça, c'était vraiment son domaine de prédilection) il suffisait de lui poser la question, et paf, on était sûr d'avoir la meilleure piste du marché. Nous échangions volontiers des trucs de chef (lui en était un, moi, plutôt une apprentie sous-cheffe !), et ses pistes étaient toujours parfaites. Mais, surtout, il ne vous faisait jamais sentir que vous abusiez de son temps avec vos questions à la noix, du genre "Alors, la basse température du four, elle commence à combien ? À 150°C ?", ou bien : "Les artichauts à la juive, je leur laisse leur foin ou pas ?" 

Non, il ne se moquait pas : il était l'ami sur lequel on peut compter en cas de besoin. Discret, généreux, avec une attention aux autres qu'il dissimulait parfois, par pudeur, derrière une façade revêche. Fallait pas non plus lui marcher sur les orteils, au père Michel ! 

Et voilà. Son petit coeur tourmenté depuis des années l'a soudain lâché, sans que je puisse lui dire adieu. Notre dernier rendez-vous amical se passa devant un long, très long, café, qui nous permit de nous raconter par le menu tous nos petits secrets... et d'admirer les photos de nos petits-enfants respectifs, et adorés ! 

Je le pleure sans honte, avec un vrai chagrin. Il me laisse un souvenir marquant. Pas juste celui de la superbe automobile décapotable, dans laquelle il me raccompagnait, grand seigneur, même si je n'habitais qu'à quelques centaines de mètres du lycée, et que cela le détournait de son itinéraire... (Soyons fous !) 

Non, il me laisse surtout le souvenir d'une époque où enseigner l'anglais fut pour nous un très grand plaisir, exigeant, mais gratifiant. Je sais que des élèves qui l'ont eu comme professeur à ses débuts sont toujours restés en contact avec lui, et je me doute que, comme moi, ils sont très chagrinés de n'avoir pu lui dire au-revoir. 

Je le fais ici. Je te dis au-revoir, cher Michel, en te renvoyant un de ces clins d'oeil malicieux qui te caractérisaient. Puisse ton  souvenir demeurer à jamais – pour tes proches, si affligés, comme pour les moins proches – source de générosité, et de bienveillance. 

Et puisque j'en reviens toujours à cette notion de gratitude, je clos ce billet en vous souhaitant, amies et amis de ce blog, le meilleur pour 2022 – et de savoir, comme moi, apprécier la qualité des soins et de l'attention dont nous bénéficions dans notre pays. La critique est aisée, c'est une évidence, mais en ces temps de pandémie, je suis heureuse que mes ancêtres aient eu le bon goût de s'installer en France, au lieu de rester dans des contrées où la vie humaine ne compte toujours guère plus qu'un demi-litre de vodka. J'en boirai quand même à votre santé, dès que j'aurai complètement éliminé les tentacules vicieuses de ce sacré virus !

Alors, je le répète : "À LA VIE !",  et à vos amours !


* * * * *


* Expression tirée du poème "Richard Cory" de Edwin Arlington Robinson. Elle signifie "des pieds à la tête".  



2 commentaires:

  1. Bonjour Cathie,
    Quelle triste nouvelle en ce début d'année mais aussi quel bel hommage à Michel que bien sûr je n'ai pu que reconnaitre !
    J'ai souvent demandé de ses nouvelles car j'avais dû mal noter ses coordonnées mais malheureusement les personnes à qui je demandais n'en avaient pas.
    La vie est décidément bien courte et je profite de ce message pour te souhaiter de nouveau une belle et heureuse année.
    Patricia

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  2. Bel éloge Cathie. Tous ces gens avec qui nous n'avons pas échangé..
    A LA VIE !

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