En attendant que les publications prestigieuses de France et d’ailleurs
fassent leur une sur cette artiste incomparable, j’ai eu la chance
exceptionnelle de l’entendre répondre à une ou deux de mes questions. Voici la transcription
de cet entretien.
- Je remarque depuis quelque temps que votre palette linguistique s’est
enrichie… et note la présence du français, au milieu des textes en yiddish. Il y
a-t-il une raison pour cela ?
- Il y avait déjà un mélange de yiddish et d’hébreu dans certains de mes
albums, mais depuis le précédent CD* je me suis ouverte au français, parce que
depuis deux ou trois ans je me donne le droit, si je puis dire ainsi,
d’exprimer certaines choses dans cette langue. Je ne l’ai peut-être pas fait
avant faute de rencontres avec des auteurs – sauf celle d’Aznavour et Jacques
Plante, auteurs de la chanson Sarah que j’ai reprise, et qui commence
par « dans la boutique du tailleur… - et puis j’ai retrouvé
Jean Rouaud, directeur de collection chez Naïve où j’ai publié "Notre langue d'intérieur". Il a écrit deux chansons pour cet album, sur une musique de Teddy Lasry.
- Il s’agit donc de Le temps des bonheurs, et de La vieille dame de
la rue de Siam.
- Oui. Je me retourne vers un passé familial pour raconter une histoire, et
le résultat, c’est ces deux chansons en français. Dans La vieille dame de la
rue de Siam, il est question de la Barbara de Prévert, celle de
‘Rappelle-toi, Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest’ - Brest détruite, en
ruines, à cause des bombardements de la guerre… « Quelle connerie la
guerre ! » - plutôt que de la chanteuse, mais la seconde a éclipsé
l’autre !
- Je l’avais reconnue** !
- Et donc, cette Barbara-là est l’expression de mon histoire française.
- Je me demande… C’est anecdotique, mais j’ai moi-même, comme vous, commencé
à m’exprimer, à écrire, dans une autre langue, l’anglais. Pour vous, ça a été
le yiddish, avant le français. Comment l’expliquez-vous ?
- Eh bien, je pense que nous faisons le chemin inverse des autres !
Beaucoup de gens en vieillissant (sourire, ce n’est pas notre cas !)
se retournent vers leur passé, passent de « l’extérieur vers
l’intérieur ». Ce n’a pas été mon cas. Mon origine s’est exprimée
toujours, grâce à un mouvement de jeunesse qui nous a appris à ne pas avoir
peur de revendiquer notre culture. Partis de notre origine, on peut ensuite
s’ouvrir vers l’autre. À présent je peux chanter en français, même si le
yiddish fait partie de moi, de mon expression artistique. J’ai aussi tenté
l’anglo-américain…
- Oui, pour illustrer la culture musicale dont traite le documentaire de Fabienne
Rousso-Lenoir, dans lequel vous chantez…
- Oui, et grâce à Fabienne, j’ai découvert des textes tels que Rose of the
Volga, une chanson (en anglais) sur la difficulté de s’adapter, la dure vie
des immigrants qui ont laissé leurs amours dans leur pays.
- Merci beaucoup Talila, de ces jolies confidences. Je vous souhaite le
meilleur pour ce concert à venir et je vous dis Mazel Tov !
* Mon Yiddish Blues
** J’ai grandi avec elle !
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