Nous connaissons tous des
gens qui se refusent à prendre un ascenseur, et même à l’emprunter ! Ils ont
l’appareil en horreur.
Ce n’est pas le cas des
héros de séries télévisées, et encore moins de leurs réalisateurs, qui ont
compris les vertus de l’engin. Certes, ils ont eu de beaux exemples en la
matière, avec des films tels que Ascenseur pour l’échafaud, et tous ceux qui dans un genre plus aventurier, nous ont
montré des héros intrépides prêts à toutes les acrobaties pour sortir d’un
enfermement devenu périlleux. Une fois le surhomme suspendu dans le vide de la
cage, ou en équilibre instable sur le toit de la cabine elle-même chancelante,
il ne reste plus aux spectateurs terrorisés qu’à se jurer de ne plus jamais
monter que par les escaliers. Je ne les énumère pas, vous les avez tous vus.
Mais voilà que les séries
s’y sont mises, aux scènes d’ascenseur, avec une efficacité redoutable.
Je les avais déjà
remarquées dans Mad Men. Elles y sont
récurrentes, montrant en plan frontal, fixe, des personnages figés – côte à
côte, impassibles. Leur conversation est, soit arrêtée de manière abrupte quand
ils entrent dans la cabine, soit cryptée, afin que leurs compagnons provisoires
ne les captent pas. Les portes se referment d'un coup, tel un rideau cinématographique, nous laissant parfois pantelants sur le palier, ou face à nos personnages, tandis qu'ils regardent la porte fermée, et la caméra. Bel artifice.
D'autres fois, serrés dans son
enceinte, les héros y voient leur désir exacerbé - surtout si la pulpeuse
Joannie se tient à leur flanc. La haine, l’envie, l’hostilité y sont également tangibles,
en silence.
Mais cette proxémique est
multiforme. Dans une saison de Mad Men,
le liftier noir joue un rôle
intéressant. Sa proximité quotidienne avec les puissants n’est que factice, et
superficielle. Quand ces derniers tentent de le mettre dans leur poche, pour
des raisons fort vénales, tout l’arrière-plan social de la période saute au
visage du spectateur. L’ascenseur est une bombe à retardement.
Une nouvelle série anglaise
est arrivée sur ARTE la semaine dernière : THE HOUR. Et je ne suis pas la seule
à avoir vu un brin de parenté entre celle-ci et Mad Men, même si certains la nient.
Se déroulant dans les
années cinquante, en pleine guerre froide, elle relate les débuts d’une
émission d’investigation, à la BBC : The Hour, justement. Son héroïne, Bel Rowley, (Romola Garai) en est la
productrice, mais, comme dans Mad Men, le vrai héros est le
contexte de l’époque. Décors soignés, détails fignolés, costumes plus vrais que
vrais, bureaux d’époque - et ascenseur incontournable. Sauf que les scènes y
sont variées et épicées de plans montrant les personnages de dos. Cela fait un
peu penser à ces publicités pour des micro-ondes, où l’on voit le visage de la
ménagère en train d’enfourner son plat : où sommes-nous donc pour la voir
sous cet angle ? Si nous voyons le derrière des personnages en train de
sortir de l’ascenseur, nous sommes tout puissants, et nous aurons accès à
toutes les informations qu’eux-mêmes recherchent. Quel tour de force, et
de passe-passe !
Le suspense de cette série
ne fait que commencer. Chouette. Je vais guetter les scènes d’ascenseur, et je
parie que vous en ferez autant.
Dans la vraie vie, je prends
l’ascenseur, et je bénis son existence, mais je regrette que le néon blafard
qui surmonte un miroir impitoyable n’y soit pas remplacé par une douce lueur
rose. Le matin, en me regardant descendre, je supporterais mieux l’absence de Jon
Hamm (Don Draper), et même celle du jeune et
séduisant Ben Wishaw (Q dans Skyfall !)
On peut toujours rêver, ça
ne mange pas de pain.
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