Décidément, la saison au TNN est bien partie !
Après Michel Boujenah le mois dernier, voilà que Bernard Pivot s’y est mis pour
nous réjouir le cœur et les oreilles.
Comme si cela ne me suffisait pas d’avoir, gravées
dans ma mémoire, les émissions d’Apostrophes,
de Bouillon de culture, et sa
présence stimulante de chaque vendredi – il a fallu, en plus, que je lise ses
écrits. Même pas contrainte et forcée, je les ai achetés. Et je m’en suis régalée.
Donc, en préparant en juin ma commande de
spectacles, j’ai sélectionné Souvenirs d’un gratteur de tête.
Bien m’en a pris. Ce spectacle est un bonheur pour
la tête grattée, les oreilles chatouillées, et même, j'en suis sûre, pour l'âme ainsi titillée !
Pas de rideau, dans cette petite salle Michel
Simon, si conviviale. Bernard Pivot entre en scène, presque en catimini (un mot
qui m’est cher), et c’est comme si nous nous connaissions depuis toujours. Pour
nous, spectateurs conquis d’avance, c’est le cas, mais l’homme nous donne
l’impression que la réciproque est vraie, tant sa présence discrète est criante
de naturel.
Et puis, il se met à lire - d’un lutrin à un fauteuil, entre deux
lieux, entre deux textes, ou trois – évoquant des mémoires, des souvenirs, des
images, des sensations. On ne peut que les ressentir en sympathie, mais surtout
en jouissant de son plaisir à jouer avec les mots. (1)
Quelle belle langue il
nous fait entendre ! Quel frisson nous saisit, à l'ouïr manier avec
autant de simplicité un imparfait du subjonctif ! Quelle extase à
reconnaître un mot rare, comme le beaujolais « caquillon » - dont l’étymologie n’a pas de secret pour moi,
puisqu’il vient de « caque » qui signifie tonneau. (Histoire à suivre,
chers lecteurs).
Quelle envie pressante nous saisit, de vérifier le sens d’un
terme moins connu, tiré d’une dictée aussi fantôme (2) que le train de son adolescence : ers. Ça vous
parle ?
Non ? Regardez ici, alors !
À l’entendre, comme à le lire, on devine qu’à force
de côtoyer les plus grands des écrivains, il a affuté sa propre plume. Nul doute
qu’à fréquenter son optimisme, on l’attrapera, comme une belle maladie d’amour
– le temps d’une soirée, voire plus, si affinités.
Bernard Pivot termine cette représentation sur une
ribambelle de mercis (4) – là, je me
suis dit que, même si l’accord des participes passés des verbes pronominaux me
reste très indigeste, son évocation de la chose a divinement
illustré le choix du nom de ce petit blog. (5)
Totale GRATITUDE, Monsieur
Pivot !
Quelques citations tirées de : LES MOTS DE MA
VIE (Albin Michel - 2011)
1. « J’ai
découvert très tôt que, sur la langue ou sous la plume, les mots n’arrivent pas
à la même vitesse. Certains bondissent comme des lutins, des diables, d’autres
se traînent comme des clampins. Il y en a qui sont toujours volontaires pour
sortir de la bouche, du stylo ou du dictionnaire, il en est d’autres qui se
cachent à l’arrière du palais, dans la réserve d’encre ou entre deux
substantifs courants ou familiers du dico. »
2. "Étant devenu un fidèle usager du train fantôme, j'avais remarqué la présence, debout sur une plateforme située à l'arrière du chariot, déguisé en gorille, d'un homme dont la tâche consistait à gratter la tête de ses occupants, surtout de l'élément féminin. En même temps qu'il passait ses mains dans la tendre chevelure, il poussait des hurlements à vous glacer les sangs. La jeune fille n'en était que plus terrorisée, ce qui augmentait s'il était possible, le contact de nos corps."
4. « De tous les mots en cinq lettres qui
expriment du sentiment : cœur, amour, aimer, bonté, pitié, etc., merci est le plus fréquemment employé.
On dit merci pour un oui. Et même
pour un non : non merci. »
5. Si Dieu existe,
qu’aimeriez-vous, après votre mort, l’entendre vous dire ? « Ah
Pivot ! Expliquez-moi comment on accorde les participes passés des verbes
pronominaux, car Moi, tout Dieu que je suis, je n’y ai jamais rien
compris. »
Incroyable qu'il ait pu porter un tel nom, lui qui fut le pivot des lettres pendant au moins deux décennies. Et cette nostalgie ne nous a pas quittés. Pour cela, quand je peux, je me repasse le concerto de Rachmaninof et laisse défiler les images et les apostrophes... A.B.
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