Le travail de l’AMEJDAM à Antibes.
Avant même qu’un billet officiel ne soit publié sur
le blog de l’AMEJDAM, que nombre des lecteurs de ce blog connaissent aussi,
j’éprouve l’impérieuse nécessité de publier ici quelques bribes de l’émotion provoquée par la dernière pose de plaque au collège Fersen, à Antibes ce jeudi 21 mai.
Chaque fois qu’une plaque à la mémoire d’enfants
déportés est dévoilée dans un établissement scolaire, c’est l’aboutissement
d’un long travail de recherches et de vérifications.
Chaque nom doit être
juste, et à sa place.
Chaque mémoire doit être honorée, il ne faut en oublier
aucune.
Et, à chaque fois, l'AMEJDAM s’efforce
d’associer les jeunes élèves de l’établissement à la cérémonie de dévoilement.
Au collège Fersen, à Antibes, cela a été encore
plus loin, puisque plusieurs élèves ont pris part cette année scolaire à l'un des voyages de la mémoire vers Auschwitz qui sont organisés par le Conseil Général.
À leur retour, ils ont écrit des textes, des
poèmes, et appris des chants. Ils ont réalisé des panneaux avec les photos qu’ils
y ont prises. Ils ont travaillé avec leurs professeurs, et le résultat en a été
bouleversant.
En vrac, quelques clichés de ce moment si
particulier.
À notre arrivée, nous sommes accueillis par des
collégiens qui ont tous pris soin de revêtir un T-shirt blanc sur leur jean bleu. Ils constituent une sorte de haie d’honneur.
Certains nous dirigent ensuite vers des sièges,
avec le professionnalisme des ouvreuses de cinéma d’antan. En plus
mignons !
Leur sérieux contraste avec les regards complices qu’ils
se lancent parfois.
Installez-vous, nous disent-ils, en accompagnant
les mots d’amples gestes hospitaliers. Nous les saluons, et les remercions tour
à tour.
Mais voilà qu’il faut ressortir du collège, pour dévoiler en premier lieu une plaque apposée à l’extérieur de l’établissement.
Je ne ferai pas ici la liste des officiels invités. Elle figurera dans le billet annoncé plus haut. Toujours est-il que l’un d’entre eux était préposé au dévoilement
qui, je le précise pour les non-initiés, consiste à tirer le drapeau
bleu-blanc-rouge qui dissimule la plaque jusqu’à ce moment solennel.
Bien sûr, ce serait trop simple si ce morceau de
tissu capitulait sans se rebeller face à l’ordre donné. La ficelle se rompt. Le
drapeau ne bouge pas. Et là, bien sûr, on ne peut que rire tous ensemble, et
encore plus quand le grand monsieur préposé au geste officiel monte sur la
pointe des pieds, et tire bien fort sur le drapeau, qui cède enfin à son
autorité bienveillante (c’est comme ça qu’on dit).
Les rires s’étouffent.
Le texte est dévoilé.
Chaque phrase en est lue par une voix enfantine.
Les sanglots se coincent dans les gorges.
Puis nous rentrons dans l’enceinte du collège, pour
rejoindre nos sièges, dans la cour, devant la seconde plaque, celle qui porte
les noms des 4 petites filles qui ont été déportées, parties de leur école,
disparues d’Antibes, sans que quiconque sût alors ce qui leur était arrivé.
Le scénario n°1 se répète. Le drapeau français a
décidément du mal à s'effacer devant ce que l’on veut mettre en lumière.
Rires.
Le même grand monsieur sautille un peu cette fois,
pour décrocher le drapeau coincé. Gloussements.
Mais à nouveau il y parvient : ouf, l’honneur de la
République et de l’École est sauf.
À nouveau les gorges se serrent, la gravité succède
aux rires. La plaque est dévoilée.
Une émotion semblable nous prendra ensuite lors des discours parfaits – je vais malgré tout citer deux noms – de notre Présidente, Michèle Merowka, et de M.
Léonetti, le député-maire d’Antibes.
L'un comme l'autre a su parler avec son cœur, et
surtout s’adresser aux jeunes présents, sans les ennuyer, ni les sermonner. Les
regards étaient droits. On était là dans le vrai, dans le ressenti, dans
l’authentique célébration, très loin de la récupération politique, dont la tentation peut être grande.
« La barbarie est moderne » nous dit tout de même M.
Léonetti. On en frissonne.
Et puis il y a aussi eu :
* La lecture de chaque nom par une petite fille du
même âge, ou presque, que la victime.
* Le poème écrit et lu par Margherita. Il rend muettes
les plus bavardes de l’assistance.
* Le chant déchirant d’une jeune soprano, Chrysta, entonnant : « Nuit et brouillard », de Jean
Ferrat, un choix parfait, et rare. Il tire des larmes aux hommes, j'en témoigne.
* La prise de parole de Michelle Froissard, la fille d'une camarade de classe des sœurs Hirtz, dont le témoignage familial précieux a pu confirmer la présence dans cet établissement, qui était alors une école primaire.
* La prise de parole de Michelle Froissard, la fille d'une camarade de classe des sœurs Hirtz, dont le témoignage familial précieux a pu confirmer la présence dans cet établissement, qui était alors une école primaire.
* L’intervention spontanée, surprenante, d’une dame dont les parents
ont jadis tenté de protéger trois de ces fillettes (les sœurs Hirtz) sans succès, puisque, nous
confirme-t-elle, celles-ci ont été arrêtées à Saint-Martin Vésubie, où on les pensait en sécurité dans une maison d'enfants. Elles en ont été arrachées, comme quelques autres enfants, avant même l'exode biblique que j'ai rapporté ici. On le voit, pour les Juifs assignés à résidence, ce village n'a pas été qu'un "lieu de villégiature" paisible...
Cette photo le prouve, son récit laisse l’assistance médusée, tant il est précis et
pertinent. Il répond sobrement aux questions restées si longtemps sans
réponses. On l'applaudit.
* Le reportage des collégiens. Debout devant devant leurs panneaux, ils nous les commentent avec dignité et compétence.
Le récit de Christos
(cliquez sur les photos pour les agrandir
et mieux lire le texte)
(cliquez sur les photos pour les agrandir
et mieux lire le texte)
* À l'issue de la cérémonie, la vue d’une déportée survivante, Denise Holstein,
assise sur une chaise, entourée d’un cercle spontané de collégiens qui boivent
ses paroles. Elle qui n’avait jamais voulu parler, elle leur raconte. Posée,
calme, disponible. Elle répond à leurs questions.
Les visages
sont sérieux, et je me rappelle ce que disait toujours notre ami Herman Idelovici :
« Un jour nous ne serons plus là, mais vous pourrez dire que vous nous
avez vu et entendu raconter. C’est vous qui serez alors nos témoins. »
Nous observons tout cela, et partons heureux
d’avoir, en ce bel après-midi, et dans la cour si colorée de ce collège exemplaire, ainsi contribué à honorer
la mémoire de ces petites filles au destin tragique.
Crédits photographiques JL+L
Que ceux que j'ai omis de mentionner me pardonnent. Je suis encore trop émue pour être rigoureuse dans la rédaction de ce reportage. Il reste subjectif.
Merci à J.L+L qui a su assurer la couverture photographique de cet événement.
Le 8 JUIN : Lire ICI le billet de l'AMEJDAM.
Je voudrais féliciter l’AMEDJAM pour la realisation de ce projet digne de mention.
RépondreSupprimerLa chanson de Jean Ferrat constitue un bon choix.
On n'oubliera jamais
Merci,
Joseph