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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

dimanche 24 mai 2015

POSE DE PLAQUE AU COLLÈGE FERSEN


Le travail de l’AMEJDAM à Antibes. 


Avant même qu’un billet officiel ne soit publié sur le blog de l’AMEJDAM, que nombre des lecteurs de ce blog connaissent aussi, j’éprouve l’impérieuse nécessité de publier ici quelques bribes de l’émotion provoquée par la dernière pose de plaque au collège Fersen, à Antibes ce jeudi 21 mai.

Chaque fois qu’une plaque à la mémoire d’enfants déportés est dévoilée dans un établissement scolaire, c’est l’aboutissement d’un long travail de recherches et de vérifications. 
Chaque nom doit être juste, et à sa place. 
Chaque mémoire doit être honorée, il ne faut en oublier aucune.
Et, à chaque fois, l'AMEJDAM s’efforce d’associer les jeunes élèves de l’établissement à la cérémonie de dévoilement.

Au collège Fersen, à Antibes, cela a été encore plus loin, puisque plusieurs élèves ont pris part cette année scolaire à l'un des voyages de la mémoire vers Auschwitz qui sont organisés par le Conseil Général.
À leur retour, ils ont écrit des textes, des poèmes, et appris des chants. Ils ont réalisé des panneaux avec les photos qu’ils y ont prises. Ils ont travaillé avec leurs professeurs, et le résultat en a été bouleversant.
En vrac, quelques clichés de ce moment si particulier.

À notre arrivée, nous sommes accueillis par des collégiens qui ont tous pris soin de revêtir un T-shirt blanc sur leur jean bleu. Ils constituent une sorte de haie d’honneur.
Certains nous dirigent ensuite vers des sièges, avec le professionnalisme des ouvreuses de cinéma d’antan. En plus mignons !
Leur sérieux contraste avec les regards complices qu’ils se lancent parfois.
Installez-vous, nous disent-ils, en accompagnant les mots d’amples gestes hospitaliers. Nous les saluons, et les remercions tour à tour.

Le principal du collège fait preuve de la même gentillesse. Il souhaite la bienvenue à chacun d’entre nous.
Dans la cour, nos regards sont happés par la photo des jeunes victimes. Elle rappelle que les noms ont eu un visage... Hélas, le quatrième minois, celui d'Hélène Stern, nous manque...



Mais voilà qu’il faut ressortir du collège, pour dévoiler en premier lieu une plaque apposée à l’extérieur de l’établissement.

Michèle Merowka et Denise Holstein, 
en belle compagnie.

Je ne ferai pas ici la liste des officiels invités. Elle figurera dans le billet annoncé plus haut. Toujours est-il que l’un d’entre eux était préposé au dévoilement qui, je le précise pour les non-initiés, consiste à tirer le drapeau bleu-blanc-rouge qui dissimule la plaque jusqu’à ce moment solennel. 

Bien sûr, ce serait trop simple si ce morceau de tissu capitulait sans se rebeller face à l’ordre donné. La ficelle se rompt. Le drapeau ne bouge pas. Et là, bien sûr, on ne peut que rire tous ensemble, et encore plus quand le grand monsieur préposé au geste officiel monte sur la pointe des pieds, et tire bien fort sur le drapeau, qui cède enfin à son autorité bienveillante (c’est comme ça qu’on dit).
Les rires s’étouffent.
Le texte est dévoilé.
Chaque phrase en est lue par une voix enfantine.
Les sanglots se coincent dans les gorges.


Puis nous rentrons dans l’enceinte du collège, pour rejoindre nos sièges, dans la cour, devant la seconde plaque, celle qui porte les noms des 4 petites filles qui ont été déportées, parties de leur école, disparues d’Antibes, sans que quiconque sût alors ce qui leur était arrivé.

Le scénario n°1 se répète. Le drapeau français a décidément du mal à s'effacer devant ce que l’on veut mettre en lumière.
Rires.
Le même grand monsieur sautille un peu cette fois, pour décrocher le drapeau coincé. Gloussements.
Mais à nouveau il y parvient : ouf, l’honneur de la République et de l’École est sauf.
À nouveau les gorges se serrent, la gravité succède aux rires. La plaque est dévoilée. 



Une émotion semblable nous prendra ensuite lors des discours parfaits – je vais malgré tout citer deux noms – de notre Présidente, Michèle Merowka, et de M. Léonetti, le député-maire d’Antibes. 

L'un comme l'autre a su parler avec son cœur, et surtout s’adresser aux jeunes présents, sans les ennuyer, ni les sermonner. Les regards étaient droits. On était là dans le vrai, dans le ressenti, dans l’authentique célébration, très loin de la récupération politique, dont la tentation peut être grande. 
« La barbarie est moderne » nous dit tout de même M. Léonetti. On en frissonne.

Et puis il y a aussi eu :

* La lecture de chaque nom par une petite fille du même âge, ou presque, que la victime.

* Le poème écrit et lu par Margherita. Il rend muettes les plus bavardes de l’assistance.



* Le chant déchirant d’une jeune soprano, Chrysta, entonnant : « Nuit et brouillard », de Jean Ferrat, un choix parfait, et rare. Il tire des larmes aux hommes, j'en témoigne.

* La prise de parole de Michelle Froissard, la fille d'une camarade de classe des sœurs Hirtz, dont le témoignage familial précieux a pu confirmer la présence dans cet établissement, qui était alors une école primaire. 

* L’intervention spontanée, surprenante, d’une dame dont les parents ont jadis tenté de protéger trois de ces fillettes (les sœurs Hirtz) sans succès, puisque, nous confirme-t-elle, celles-ci ont été arrêtées à Saint-Martin Vésubie, où on les pensait en sécurité dans une maison d'enfants. Elles en ont été arrachées, comme quelques autres enfants, avant même l'exode biblique que j'ai rapporté ici.  On le voit, pour les Juifs assignés à résidence, ce village n'a pas été qu'un "lieu de villégiature" paisible...


Cette photo le prouve, son récit laisse l’assistance médusée, tant il est précis et pertinent. Il répond sobrement aux questions restées si longtemps sans réponses. On l'applaudit. 

* Le reportage des collégiens. Debout devant devant leurs panneaux, ils nous les commentent avec dignité et compétence.




Le récit de Christos
(cliquez sur les photos pour les agrandir
et mieux lire le texte)


* À l'issue de la cérémonie, la vue d’une déportée survivante, Denise Holstein, assise sur une chaise, entourée d’un cercle spontané de collégiens qui boivent ses paroles. Elle qui n’avait jamais voulu parler, elle leur raconte. Posée, calme, disponible. Elle répond à leurs questions.
Les visages sont sérieux, et je me rappelle ce que disait toujours notre ami Herman Idelovici : « Un jour nous ne serons plus là, mais vous pourrez dire que vous nous avez vu et entendu raconter. C’est vous qui serez alors nos témoins. »



Nous observons tout cela, et partons heureux d’avoir, en ce bel après-midi, et dans la cour si colorée de ce collège exemplaire, ainsi contribué à honorer la mémoire de ces petites filles au destin tragique.






Crédits photographiques JL+L  


Que ceux que j'ai omis de mentionner me pardonnent. Je suis encore trop émue pour être rigoureuse dans la rédaction de ce reportage. Il reste subjectif.   
Merci à J.L+L qui a su assurer la couverture photographique de cet événement. 


PS : AJOUT DE CET ARTICLE DÉTAILLÉ PARU DANS NICE MATIN DU 28 MAI 2015. 


                                                 
Le 8 JUIN : Lire ICI le billet de l'AMEJDAM. 

1 commentaire:

  1. Je voudrais féliciter l’AMEDJAM pour la realisation de ce projet digne de mention.

    La chanson de Jean Ferrat constitue un bon choix.

    On n'oubliera jamais

    Merci,
    Joseph

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