« Proviseur dynamique cherche professeur de mathématiques, bien sous tous rapports, pour enseigner d’urgence à des Terminales S motivées. Appelez Pôle Emploi pour un RV. Emploi sûr, mais vacances non payées. »
C’est à peine fantaisiste, et je ne sais pas si je dois en rire ou en sangloter. Vu et entendu à la télé, presque en ces termes.
Il y a été question de ces chefs d’établissement qui, désespérés devant l’incapacité de leur Rectorat d’affecter un ou une remplaçante à leur lycée quand un professeur est en congé, font appel à Pôle Emploi, pour ensuite procéder à un entretien d’embauche, et décider du meilleur candidat eux-mêmes.
J’ai cru tomber à la renverse en entendant dire :
1) Par un proviseur que finalement, ce n’est pas la réussite aux concours de recrutement qui garantit la qualité pédagogique d’un enseignant, en sous-entendant que lui, il est à même de juger de qui il a besoin.
2) Par une élève que finalement c’est bien de pouvoir tester un prof sur le terrain, de le mettre au pas en quelque sorte, avant de décider si, oui ou non, on souhaite le garder.
3) Par une autre élève que oui, untel (le nouveau prof) a les connaissances et le bagage nécessaires, (sic) mais qu’au plan de l’organisation, il faudrait qu’il s’améliore.
4) Par le même proviseur que certes, il avait commis « des erreurs de casting » mais que globalement, c’était satisfaisant de pouvoir choisir parmi plusieurs candidats….
Je ne dis pas que ce soit insensé, mais on marche quand même sur la tête !
Les concours de recrutement, en effet, ne tiennent guère compte d’autre chose que des connaissances des candidats ; oui, les élèves ont un jugement qui est dur parfois, mais souvent pertinent, et les abus de pouvoir, ça a toujours existé, à tous les niveaux.
Ce qui ne me fera pas dire, inversement, que les connaissances théoriques sont inutiles, ni que les élèves devraient siéger dans les concours de recrutement des professeurs, ni que les proviseurs et principaux sont tous des petits chefs.
Mais je pose les questions suivantes :
Pourquoi ne pas dire toute la vérité à la télé, ne pas expliquer que depuis des années, « on » supprime sans le moindre discernement des postes dans l’éducation, pour y faire de prétendues économies. Pourquoi ne pas préciser que, depuis peu, « on » a supprimé toute formation pédagogique des professeurs, ce qui aboutit à les jeter dans la fosse aux lions sans aucune préparation, et que les conséquences en sont tragiques – comme elles risquent de l’être avec ces recrutés Pôle Emploi.
Pourquoi ne pas révéler aussi, tant qu’on y est, que les salaires de misère versés aux débutants dans l’Éducation Nationale dissuadent les scientifiques, en particulier, d’y faire carrière, et que ceux qui persistent, toutes matières confondues, ont bien du mérite à faire ce métier ?
Et pour finir, à quoi ça sert que certains se décarcassent à passer des concours très difficiles, après des années d’études, s’il suffit de répondre à une petite annonce, et de se présenter à une entrevue pour enseigner en Terminale, dans un lycée bien tranquille ? Quand ceux qui ont réussi lesdits concours font durement leurs armes dans les banlieues les plus « sensibles » ?
Ayant observé des systèmes éducatifs étrangers, je me demande aussi pourquoi nous en prenons le moins bon, au lieu de choisir ce qui y fonctionne ?
Par exemple : le travail en petits groupes, des horaires souples, un choix individualisé, plus restreint, des matières étudiées, et un mobilier adapté*.
Certes, les chefs d’établissements, anglais et américains en particulier, recrutent eux-mêmes leur personnel, mais ils ne le font pas seuls, et, en cas d’erreur, ils doivent répondre de leur choix devant toute la communauté scolaire, avec de sérieuses conséquences pour leur propre emploi. Les élèves, et les parents ont leur mot à dire en matière de pédagogie, mais ils payent souvent pour cela, et cher !
Le problème, c’est que chez nous, on voudrait avoir le beurre et l’argent du beurre, ou comme on le dit en anglais, conserver son gâteau tout en l’ayant mangé. À savoir, recruter de moins en moins de fonctionnaires (eh oui, les professeurs en sont, tout comme les policiers et les infirmières), ne pas former les nouvelles recrues, tout en ayant un professeur compétent devant chaque classe, et ce dans toutes les matières, et sur tout le territoire, pour que tous les élèves aillent à la fac’ .... Où les problèmes ne sont pas moindres, mais je ne m’y attaquerai pas, en tout cas, pas tout de suite.
Vous savez quoi ? Finalement, je suis vraiment ravie que l’on montre ce genre de trucs à la télé. Cela va peut-être en faire réfléchir certains sur la sauce à laquelle on va accommoder leurs gamins dans les années à venir. À mon avis, elle sera assez insipide. Ou plutôt, à vomir. Ce qui serait normal, au vu de toutes les couleuvres qu’on a avalées à l’école pendant des décennies. J’en bave encore. Once a teacher, always a teacher?
Et on n'a pas fini d'en entendre causer dans le poste !
*En passant, j’ai vu un autre reportage, sur des chaises à roulettes ultra -légères qui permettent aux élèves de travailler en groupes à dimension variable, sans procéder à tout un déménagement. Personnellement, j’ai mis environ 30 ans à obtenir des tables à une place dans ma classe, plus faciles à déplacer que les longs bureaux pour deux élèves qui étaient la norme.
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