En vol

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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

mercredi 31 octobre 2012

ROTH & BOND : Cherchez l’intrus.



Il n’y a en effet rien de commun entre ces deux noms, et où serait l’intrus, s’il n’y a que deux protagonistes ? Ça commence mal !
Pourtant, si, il y a un rapport.

J’avais commencé un billet sur le thème d’un roman de Philip Roth - pas son tout dernier, Nemesis, mais  un court roman publié en 2010, The Humbling, en français Le rabaissement. Merveilleuse traduction de ce titre si nuancé.






Et j’avais donc écrit ce qui suit, pour manifester mon sentiment à son sujet, juste après l’avoir terminé, hier :

« Une fois encore, j’ai pris le train en marche, et le livre dans sa version brochée, et m’étonne de ne pas avoir été plus réactive, plus tôt. En plus, ce n’est même pas moi qui l’ai commandé, mais mon époux, plus perspicace – et légèrement surpris que je le lui souffle sous le nez à peine déballé de son petit carton.
Oui, tout a déjà été écrit, et je vous renvoie donc à ce blog pour en savoir davantage sur le sujet du roman, et son déroulement.

En revanche, je me conserve le droit de manifester mon adhésion à l’écriture de Philip Roth, qui, une fois encore, mène son lecteur – et sa lectrice – par le bout de son clavier, avec la maîtrise achevée des grands chefs. Tout y est. Le travail sur les cinq sens, la construction, la justesse des dialogues, le fil de l’intrigue, le choix des mots, de la ponctuation. Oui, en lisant cela, outre le plaisir de la découverte, et la surprise provoquée par les scènes de sexe, pourtant si typiques de Roth – je me suis trouvée, une fois de plus, éclaboussée par le sang de sa veine littéraire. Comme tachée. »


Facile, l’allusion à La tache*, je vous le concède. Mais ainsi que vous vous allez le voir, tout ce sang, il s’est manifesté presque en vrai, le soir même, sur un écran de cinéma, lorsque (toujours grâce à ma moitié), je me suis retrouvée spectatrice du dernier et 23ème James Bond, SKYFALL, réalisé par Sam Mendes.



Pareil. Depuis bien avant sa sortie, tout a été écrit, ou presque. ICI, et ICI par exemple.
Je n’ai même pas envie de tout lire, et vous ?

Mais ce qui m’a frappée, c'est cette intrusion soudaine, dans ma vie de consommatrice culturelle, d’un thème commun à ces deux œuvres en apparence si éloignées l’une de l’autre.

Dans LE RABAISSEMENT, il est question d’un comédien vieillissant qui a perdu toute son énergie, toute sa puissance artistique. En pleine déprime, il se croit revivre quand une jeune femme entre dans sa vie, mais ce ne sera qu’un leurre. Roth prend ce thème du vieillissement à bras le corps, le rend palpable et renversant de véracité (je ne connais que la Canadienne Margaret Atwood qui le fasse aussi bien, version féminine, et en français Romain Gary) – et, ainsi que je le disais plus haut, il nous éclabousse de cette tache.

Alors, quel rapport avec Bond, James Bond ?
Eh bien, derrière les cascades exceptionnelles d’un mâle indestructible et les flots d’électronique magique que nous montre SKYFALL, derrière ces jeux de toute beauté, se  profile également le spectre de la vieillesse. Le film, fait de clins d’œil à ceux et celles qui, comme moi, ont suivi ce héros depuis ses débuts – cesse d’être une illustration parmi tant d’autres du genre « film d’espionnage» : il parle vrai. Ce héros invulnérable, à la musculature parfaite, est dans la réalité (enfin, celle du scénario !) un homme fragile, avec ses failles et ses faiblesses. Toujours sexy, mais capable de tendresse, voire de gentillesse. Le film attire les jeunes, dont la salle était pleine à craquer. Nul doute qu'ils s'identifient volontiers au geek à peine pubère qui a remplacé le vénérable Q. Mais il y avait aussi… les autres. Les moins jeunes, on va dire, qui voient disparaître, exsangue, M, la merveilleuse Judi Dench avec une émotion particulière  !

Dame Judi Dench, if you please.

Curieuse coïncidence, donc, que cette rencontre d’hier entre littérature et cinéma, dans des registres si différents. Mais si elle m’a tant remuée, c’est parce que la vie est ainsi faite : lorsque l’on attend un bébé, on ne voit que les autres femmes enceintes, ou les jeunes mamans à poussettes – lorsque l’on cherche un appartement, on ne voit que les panneaux d’agences immobilières, etc.  Pas besoin d’épiloguer, n’est-ce pas ?

Je termine tout de même en signalant que dans les deux cas, ce qui touche au cœur, marque l’âme, quel que soit l’âge du capitaine (sic) c’est la qualité, voire la perfection, du travail de ceux et celles qui, seuls ou en équipe, ont achevé une œuvre artistique unique et essentiellement polysémique, et ça, c’est le top !





* titre original : The Human Stain

5 commentaires:

  1. Tu en parles si bien, que moi, qui n'aime pas les James Bond (et j'en ai vu pas mal pourtant avec mes petits -fils...pour leur faire plaisir)je serais presque tentée d'aller voir le film et par la même occasion d'acheter le roman de Roth
    Merci pour tes impressions
    Bises
    Georgette

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  2. Chère Cathie,
    J'avais fait un beau commentaire, mais j'ai été incapable de reproduire les lettres cryptées, et tout s'est envolé. Bravo, continue à nous séduire par tes chroniques. J'aime beaucoup Philip Roth, et aussi Sean Connery qui a bien vieilli, hélas! (l'un et l'autre d'ailleurs)
    Bises d'albert

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  3. Regarde, rien ne s'est envolé, presque tout est là, y compris l'hommage au beau Sean - remplacé par le non moins superbe Daniel Graig... Mais remets-nous donc une louche de commentaire, si le sujet t'inspire encore !

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  4. Dear Cathie,
    La nuit a passé et James Bond a rebondi sur de nouveaux défis (je l'aimais bien dans Zardoz, qui m'a tant fait rêver). On parle de Sean Connery, pas vrai, tout en parlant de Philip Roth, autre grand garçon dans la vieillesse. Déborah dit qu'elle est fatiguée de l'entendre parler de sa prostate - elle parle de notre vieux Portnoy, certes. Moi qui l'ai surpris sous la table, glosant la prouesse d'Onan avec sa tranche de foie - il y a bien longtemps - je n'ai cessé de le lire et d'admirer ses prouesses d'écriture et ses états d'âme. J'aimais beaucoup "la tache" qui, pour moi, faisait écho à la "mancha" espagnole - celle de Don Quijote de la Mancha - cette tache sur son habit identitaire. Je vais tenter de lire ce "Rabaissement" dont tu parles si bien. Et aussi voir le dernier Bond en avant de notre héros pérenne au visage infidèle. Mille bises matutinales - et une grande embrassade à Jacques pour qu'il sache que je vous aime tous les deux.
    Albert
    (A.Bensoussan)

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