J'ai donc retenu le nom de la "voix française" de cet auteur américain : EDITH OCHS. La vie est bien faite, puisque la voilà aujourd'hui face à nous !
Alors, pour commencer ce troisième entretien autour de la traduction, je lui laisse le soin de se présenter :
Traductrice littéraire, écrivain, journaliste, chroniqueuse (Causeur) et bloggeuse (Le Huffington Post). Écouter avec la 3ème oreille de Theodore Reik m'a donné le virus de la traduction. Mais la traduction est un maître redoutable. Pour entretenir la passion, il y a eu Theodor Roszak, Ian Rankin, Arthur Phillips, Shane Stevens, Erik Larson, Austin Ratner...
Journaliste, je traduis aussi pour la presse (Libération).
J'ai écrit de nombreux articles, notamment sur les minorités, la culture et l'histoire, et co-signé deux livres avec Bernard Nantet : À la découverte des Falashas, la tribu retrouvée (éd. Payot) et Les Fils de la sagesse, les ismaéliens et l'Aga Khan (éd. Lattès).
Bienvenue sur Gratitude, Edith !
Edith, vos
travaux de traduction de l’anglais sont extrêmement variés, et touchent à de
nombreux genres littéraires. Vers lesquels vont vos préférences ?
Bonjour, Cathie. En effet, je n’ai pas traduit que
du roman. J’ai traduit aussi des essais de psychanalyse et d’histoire, mais
aussi sur l’art et sur le féminisme. Je n’ai jamais pu traduire un livre quel
qu’il soit sans m’investir, sans le porter en moi – une cohabitation pas
toujours facile. Ma préférence va vers le roman car, pour faire bref, la
traduction se fait en plusieurs étapes, et l’ultime étape pour le roman tient
du jeu intellectuel – et j’adore ça, c’est relever sans arrêt un défi et
je me pique au jeu ! La traduction est d’abord un exercice cérébral rigoureux.
Quand on traduit un essai, ce qui prime c’est la fidélité, la précision au
fond. Ensuite vient l’habillage : le style, qui doit refléter, retrouver
celui de l’auteur. Dans un roman, ce n’est pas un habillage, c’est cette part
du roman vous portez en vous que vous essayez de transmettre à vos lecteurs par
tous les moyens que vous offre l’écriture.
Vous êtes
aussi journaliste, chroniqueuse et « blogueuse ». Est-ce que vous
considérez la traduction comme étant une activité mineure, ou majeure par
rapport à l’écriture personnelle, créative ?
Ce sont deux écritures différentes. Quand j’écris
en mon nom, je suis totalement plongée en moi. Sans doute cela répond-il à ce
que je disais plus haut : quand je travaille ma traduction, je
« porte en moi » le livre que je traduis.
Pouvez-vous
nous dire ce qui a déclenché, ou motivé, votre premier travail de traduction
littéraire ?
Il s’appelait Georges Lévitte. Je lui ai rendu
hommage dans un petit texte publié dans la nouvelle édition de ma traduction
des extraits du Zohar, le Livre de la Splendeur, choisis et présentés par
Gershom Scholem. C’était un homme de grande culture et d’une grande bonté. Il
m’a poussée là-dedans, plutôt contre mon gré. Vanité de la traductrice :
le Seuil a décidé de ressortir cette traduction il y a 2 ans. Je l’ai complétée par une biographie de l'auteur, un lexique et un dictionnaire historique pour aider
la lecture des novices.
J'ai parlé de Georges Lévitte, mais je dois dire un mot aussi de Écouter avec la 3ème oreille, de Théodore Reik, psychanalyste et non médecin, élève et encouragé par Freud. Cet essai est le premier "grand texte" - magnifique - que j'ai traduit et j'ai tellement aimé ce livre que c'est là que je suis tombée dans la marmite.
Avez-vous eu des coups de cœur particuliers, en plus de ce titre-là ?
Oui, il y a deux autres titres que j'ai adoré traduire des textes difficiles - très difficiles - mais des chefs-d'oeuvre : La Conspiration des ténèbres, de Theodor Roszak, et Une simple mélodie, d'Arthur Phillips - les deux publiés au Cherche-Midi.
Je vous
poserai la question que j’ai déjà posée plusieurs fois à vos collègues traducteurs,
à propos de cette phrase de Pierre Leyris, le traducteur
de Melville : « Traduire, c’est avoir l’honnêteté de s’en tenir à
une imperfection allusive » Quelle
est votre définition à vous d’une traduction satisfaisante ?
Pierre Leyris a raison. Mais on ne parle pas ici
du sens, on parle de perception : transmettre le ressenti. Chaque langue a
sa logique et sa musique. On est donc obligé de se livrer à toutes sortes de substitutions,
subterfuges, compromis, tout un jeu qui se répond pour arriver à communiquer à
l’autre ce qu’on sent. C'est très intense car on est sans cesse confronté à des choix.
Quel est le moment le plus difficile, pour un traducteur ? Le
plus passionnant ?
Pour moi, c’est ce travail sur ma traduction –
ce peut être un vrai grand plaisir, et plus c’est dur, plus grand est le
plaisir ! Je peaufine, je redonne un coup de lime ici, j’affûte mes
couteaux là, je redresse, j’affine… C’est une danse sur le fil du rasoir –
c’est ça, l’écriture.
Cette passion vous permet-elle de vivre ? Autrement dit, est-elle aussi une vraie source de revenus ?
Cela est et a été ma profession : nous avons élevé nos deux fils avec nos droits d'auteur et en vivant de nos droits d'auteur exclusivement. Sans entrer dans les détails, nous sommes très peu nombreux en France dans ce cas - et c'est pour moi un élément de fierté. Cela implique, en effet, de savoir qu'on joue sa réputation à chaque pas. Dans les premières années, j'avais l'impression de repasser le bac plusieurs fois par an.
Cette passion vous permet-elle de vivre ? Autrement dit, est-elle aussi une vraie source de revenus ?
Cela est et a été ma profession : nous avons élevé nos deux fils avec nos droits d'auteur et en vivant de nos droits d'auteur exclusivement. Sans entrer dans les détails, nous sommes très peu nombreux en France dans ce cas - et c'est pour moi un élément de fierté. Cela implique, en effet, de savoir qu'on joue sa réputation à chaque pas. Dans les premières années, j'avais l'impression de repasser le bac plusieurs fois par an.
Pouvez-vous nous révéler ce que vous avez en chantier en ce moment ?
Je préfère vous annoncer la sortie d’un roman
que j’ai adoré traduire, un de mes grands moments professionnels : AS-TU JAMAIS RÊVÉ QUE TU VOLAIS ? d’Austin Ratner, chez Calmann Lévy. Un jeune
auteur de grand talent qui raconte un épisode oublié de la vie de Philippe
Halsman, un grand photographe des stars connu dans les années 70 comme
« le photographe des stars ». (Deux expositions en ce moment à Paris, dont une à la Maison de la Photographie).
Passionnant comme un thriller, une histoire vraie tragique mais aussi l’histoire "secrète" d’un homme qui devint un des grands artistes du XXe siècle.
Passionnant comme un thriller, une histoire vraie tragique mais aussi l’histoire "secrète" d’un homme qui devint un des grands artistes du XXe siècle.
Merci Edith, d’avoir donné de votre temps aux
lecteurs de GRATITUDE !
Et merci aussi à Michèle Kahn, qui nous a gentiment mises en rapport.
Merci à vous, Cathie.
Pour en savoir plus sur les travaux d'Edith Ochs, jetez donc un coup d'oeil sur la page d'amazon.fr qui en propose un bon nombre. Cela avant de contacter votre libraire préféré, naturellement !
J'aime cette interview beaucoup!
RépondreSupprimerSouvent, la traduction peut être très difficile, surtout pour transmettre le vrai sens de l'écrivain. Le style de l'écrivain d'origine doit également être pris en considération.
C'est vraiment du bon travail par Edith et vous aussi, Catherine.
Joseph