En vol

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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

vendredi 11 octobre 2013

AUTRE QUE !



(Nouvelle chronique de ma navette)

Dans le petit bus qui me sert de café du commerce, il y a  "autre que" des perles, comme on le dit à Nice (expression intraduisible en anglais, "other than" n’a jamais fonctionné, je le signale à Jean-Loup Chiflet, auteur de "Sky my husband" et autres merveilles du genre - voir plus bas). À Paris, il me semble que l’on énonce "j'vous dis pas", pour en dire davantage. Mais on ne leur en veut pas de parler pointu. 

Dans la navette, donc, il y a aussi des dames très bien mises, qui en porteraient volontiers, des perles, si elles n’avaient pas peur de tous ces vilains jeunes susceptibles de les leur arracher. Et, de leur bouche, se déversent, non pas les pierres précieuses qui coulaient de celle des gentilles héroïnes de nos contes de fées, ainsi récompensées des services rendus à une vieille sorcière, pas si méchante que ça, au fond -, mais des âneries (euphémisme) qui ressemblent fort à des crapauds.

Le plus souvent, ces dames, d'un âge certain, se gaussent des jeunes, qui sont « collés à  leur portable ». 

Ça donne, en vrac :

« Pff, on se demande ce qu’ils feraient sans leur téléphone. Ils ont l’air malin avec ces trucs dans les oreilles. Ils seront sourds avant nous, ça c’est sûr. Sont même plus capables de se concentrer sur quoi que ce soit de sérieux. Et ce facebook, quelle horreur ! Raconter comme ça sa vie à tout le monde, quel intérêt ? C’est ridicule. Ils ne se rendent pas compte des risques, en plus. Ah, c’est sûr qu’on a de la chance d’avoir de vrais amis, et pas ces contacts virtuels ! Et puis, vous savez, ça peut être dangereux de tout dire en public… »

Je n’en rajoute pas, car vous connaissez sûrement la ritournelle.
Mais ce matin, j’ai cru m’étouffer à force de m’empêcher de rire.

Les deux vieilles biques (si, si) décrites plus haut échangeaient des nouvelles. À tue-tête et sans se soucier de savoir :
1) si elles me gênaient dans la consultation des mes mails ;), ni
2) si leur babil (!) dérangeait les autres passagers, ou les rendait sourds.
Leur dialogue ressemblait à ce qui suit :

-       Alors, comme ça, vous avez fait des travaux chez vous ?

-  Oui, j’ai trouvé un petit artisan que je paye au noir, et il travaille très bien.

-       Vous avez refait quelle pièce ?

-       Eh bien, vous savez, j’ai des petites chambres en dessous de chez moi, que je loue… Mais les locataires, c’est vraiment un problème, ils payent, ou ils payent pas… Mais je ne peux rien dire, je ne les déclare pas…

-     Ah, c’est sûr… Et votre voisin, là, à qui vous aviez vendu votre villa, comment ça se fait que ses volets soient toujours fermés ?

-       Je ne sais pas. Il est là pourtant. Ah, il a fait de gros travaux, lui, un salon d’apparat, avec de très beaux meubles anciens… Il a les moyens, il est avocat, il a défendu des truands, Maître Machin … , alors vous pensez bien que cela doit être très beau. Mais comment ils font pour vivre dans le noir comme ça, je ne sais pas. Moi dès que je me lève j’ouvre tout. Faut dire que je suis née en Algérie alors le soleil, je ne le crains pas. Et je nage tous les jours.

-       On a de la chance avec le temps ici. Mais vous ne craignez pas de vous baigner si tard dans la saison, à votre âge ?

-      Oh, non j’ai l’habitude. Je vais à la mer, vous savez, elle est moins froide que votre piscine.

-      Moi, je ne crains pas le froid. Ça me maintient jeune, vous voyez !

Etc...

 (Le "etc"… étant nettement moins croustillant, bien que très révélateur de la nature des amitiés si sincères de la vraie vie, je vous l'épargnerai.)

OK, je vous l’accorde, que celui ou celle qui n'a jamais frisé   les moustaches de la loi leur jette la première pierre, mais on avouera que la paille est bien légère comparée à la poutre de cette pimbêche là. Le seul avantage de cet échange  : tout du long je m’amusais in petto à l'idée de ce que j’allais faire de leur conversation.
Voilà, maintenant vous le savez. Attention, les bus ont des oreilles, autre que le grand méchant facebook 

...Mais rappelez-vous aussi que mon imagination est parfois incontrôlable. Ce délire, c'est autre que la réalité, et inversement !



PS. Merci à tous les visiteurs qui sont venus me rencontrer le week-end dernier. MOUANS-SARTOUX fut un vrai festival. J’ai certes entendu quelques perles ici et là, en provenance du café littéraire, mais je ne les ai pas notées, car trop occupée. J’ai juste eu le temps d’aller me faire dédicacer un livre par Jean-Loup Chiflet. Un petit bijou, que je vous recommande vivement, ainsi que ses petits et grands frères. Admirez le travail, parce que ça n'a pas dû être "un morceau de gâteau"* que de  l'écrire !





* It is not a piece of cake = c'est pas de la tarte !

4 commentaires:

  1. Pas mal ton "morceau de gâteau" à toi aussi ! Mais alors, si l'on en croit ton récit et les conversations dans les transports publics, il faut se méfier de tous ses amis, les vrais et les virtuels ?
    Michou

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  2. Non, non, je ne dis pas ça ! Je dénonce juste (un peu) une forme d'hypocrisie et de rejet de l'autre, de celui qui est différent, ici le jeune, ailleurs le Rom, ou une autre minorité visible (!)... et aussi le rejet de facebook et de la technologie par ceux et celles qui ne l'utilisent pas. Mon petit dada à moi, comme tu le sais ! Et mes amis, je leur fais une confiance... aveugle, mais pas sourde.

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  3. Comme en italien Catherine : « Altro chè » !
    Amitiés,
    Maurice

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  4. Cette navette pourrait être l'endroit pour rechercher le prochain livre?

    Avec mes voeux affectueux

    Joseph :)

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