To see a
World in a grain of sand
And a
Heaven in a wild flower,
Hold
Infinity in the palm of your hand
And
Eternity in an hour.
William Blake
[Auguries of innocence - extrait, 1803]
Voir le
monde en un grain de sable,
Un ciel
en une fleur des champs,
Retenir
l’infini dans la paume des mains
Et
l’éternité dans une heure.
[trad. Pierre Boutang]
Éternité ? Il a écrit éternité ?
Quel rapport avec le Théâtre National de Nice ?
Mais si, il y en a un. Vous allez comprendre.
Après le départ de Daniel Benoin, cette prestigieuse maison a été reprise par Irina Brook.
La saison 2014-2015 s’est ouverte avec « son » Peer
Gynt, et sachant que ce spectacle ne dure qu’un petit mois, il est grand temps
que je vous en parle ici.
À vrai dire, en sortant, mon enthousiasme a été tel
que je n’ai même pas pu mettre des mots dessus.
Je vais tenter d’être brève, maintenant que
quelques jours ont passé depuis la première, à laquelle j’ai pu assister grâce
à une réservation très précoce, en juillet.
L’histoire de Peer Gynt (du Norvégien Henrik Ibsen, sur une musique de Grieg) est assez simple : le
héros est un jeune homme superficiel, mais très imaginatif, qui ne sait pas
très bien faire la différence entre ses rêves et la réalité. Prétentieux,
vantard et aventurier, il quitte son village et sa mère adorée pour parcourir
le monde en un véritable voyage initiatique qui le ramènera, à la fin, vers une
dure réalité, mais aussi vers une bénéfique prise de conscience. Avant cela, il aura non seulement vendu son âme au diable (ici au roi des trolls)
mais aussi fort malmené le cœur de Solveig (la fabuleuse Shantala Shivalingappa) qui, fidèle, l’attendra jusqu’au
bout.
L’adaptation musicale et théâtrale qu’en fait Irina
Brooks est, je pèse mes mots, un véritable chef d’œuvre.
Pourquoi ?
Parce
qu’elle donne toute sa dimension shakespearienne à un texte d’une beauté renversante ;
parce qu’elle a mis en scène un spectacle total, qui touche à tous les
sens ; parce qu’elle a su trouver l’acteur (ou l’actrice) polyvalent(e)
parfait(e) pour chacun des rôles ; parce que la grâce de la danse rivalise
avec la couleur de la musique ; parce que la musique, les costumes et les
décors ne sont pas là rien que pour « faire beau », mais sont
porteurs de sens ; parce que le message fondamental de cette histoire renvoie à la question essentielle que nous nous posons tous à un moment ou à un
autre de notre existence, tel Hamlet, « Qui suis-je, et pourquoi suis-je
là ? »
Mais aussi : « Comment laisser une trace sur le
monde qui m’entoure ? »
Question essentielle pour un artiste, à laquelle on
pourrait rajouter : « Et, ce faisant, où commence et où doit
s’arrêter l’expression de son ego ? » Voilà qui interpelle un certain nombre d'entre nous !
Peer (interprété par le fabuleux acteur islandais Ingvar
Sigurdsson) cherche, il cherche bien mais, en définitive, sa seule réponse consiste à peler un
oignon fait de ficelle, qu’il déroule couche après couche – et c’est nous qui
pleurons, d’émotion devant tant de beauté.
Les poèmes de Sam Shepard, et les morceaux composés
par Iggy Pop ne sont pas, non plus, les moindres atouts de ce spectacle musical enlevé qui
a enthousiasmé le public – et fait oublier pendant plus de deux heures
l’inconfort notoire des sièges de la salle Pierre Brasseur.
Un peu d'anglais non sous-titré, contrairement au spectacle :
You're an onion, Peter,
Strip off the skin
Cry for mercy
Nothing helps
No juice left
Stinking of lies
Layer after layer
Imposter
Wise
Mask upon mask
Veil after veil
Honest man weeps
Though stinging eyes
Made out of layers
Paper thin
Peel away
Onion skin
Peel away
Page after page
Until no one stands
Between you and you
Peel away
Peel away
Nothing helps
Nothing left
Peel away
(Sam Sheppard)
Voilà, je n’en dirai pas davantage. Il vous reste quelques jours, amis niçois, pour vous y précipiter. Entre le 8 et le 11 octobre vous, et tous les autres, pourrez aussi aller voir le spectacle au Barbican de Londres. Why not?
En attendant, et pour plus d’information en français, cliquez ici, et téléchargez le dossier de presse.
(Si toute la saison est à la mesure de cette
ouverture, eh bien, personne ne parlera plus jamais des fauteuils du TNN. On y restera pour l'éternité et une nuit. Merci de tout "corps" à Irina Brook, de nous avoir donné cette merveille, et montré ce que peut transmettre une troupe de talent lorsqu'elle dirigée à la perfection.)
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