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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

dimanche 3 novembre 2019

LE PORT DE NICE, EXPLORÉ AVEC "VU PAS VU"


On pense connaître sa ville... et il reste toujours quelque chose à y découvrir. Heureusement pour les curieux, dont je suis !

La promenade à pied organisée par l'association VU PAS VU, guidée par l'érudite conférencière Maëva Pegliasco a permis au petit groupe qui l'a suivie d'en savoir davantage. Vous en trouverez ci-dessous quelques souvenirs, et surtout, quelques beaux clichés de ces lieux spectaculaires qui entourent le Port Lympia.

Notre circuit a débuté Place Île-de-Beauté, où deux bâtiments identiques, de style néo-classique mâtinés de baroque turinois entourent une église construite en 1840. Presque achevée en 1845... elle s'est effondrée d'un coup, et a dû être reconstruite. Il y a été rajouté ensuite un portique gréco-romain. À noter : les bâtiments qui l'entourent ont été construits légèrement en retrait, afin que que l'église Notre-Dame-du-Port soit la première chose vue par les navires qui entraient dans le port. Elle est également connue sous le nom de "Notre-Dame-de-l'Immaculée-Conception". 


Images prises sur wikipedia

Voilà maintenant le plan des bassins, tels qu'ils se présentent aujourd'hui :



Le port de Nice n'a pas toujours existé. Les Grecs se sont tout d'abord servi de l'anse des Ponchettes (plus à l'est) de l'autre côté de la colline du Château, puis de la rade de Villefranche, dont on sait qu'elle est bien plus profonde. 

La construction du nouveau port de Nice ne commença qu'en 1750, lorsque celui de Villefranche devint trop petit face à l'augmentation des échanges par la mer. 

Il faut se rappeler qu'il n'y avait là que des plaines marécageuses, traversées par le fleuve Lympia (qui signifie "propre")... 



Plan cadastral du Port de Nice vers 1754
Archives départementales

Image prise ICI

1750 : Nice dépend du bon vouloir du roi Charles-Emmanuel III, suite à l'occupation du comté de Nice par les troupes franco-espagnoles, en raison de la guerre de succession d'Autriche. C'est ce roi-là qui ordonne le creusement d'un port, et la construction de digues, à l'aide de pierres prises à la colline du Château. Ces digues fermeront le bassin, ainsi qu'on le voit sur le plan ci-dessus. 

Le port ainsi aménagé est mis en service le 22 novembre 1752. Il permet le développement du commerce et contribue à la prospérité générale. 

À partir de 1750, on voit se construire le Chemin de Rauba Capeu, qui contourne la colline. 



Et ce chemin ressemblait encore à cela en 1900 !

La première véritable rue du quartier est, en revanche, la rue Ségurane. 

En 1792, changement notable : Nice est annexée par la France, et cela conduit à une interruption de l'activité du port jusqu'en 1815... 



Plan cadastral de la commune de Nice en 1812
Archives départementales
Image prise ici.

À partir de 1840, on assiste à un développement urbain conséquent, avec la construction et l'aménagement de la rue Cassini, où se trouvent de nombreux négociants en huile d'olive. Cela sous l'égide du Consiglio d'Ornato, qui vise à organiser le développement urbain selon des règles très précises. 

Pour info : le port de Nice exportait alors du ciment, de l'huile d'olive, des agrumes (citrons), et importait du vin, des céréales, des tissus, du charbon (très important) et du bois. 
Le ciment provenait des carrières de l'arrière-pays niçois, et notamment de celles de Contes et de la Grave de Peille. 



Voilà à quoi ressemblait le port de Nice, 
dit Port Lympia, en 1864...
Image prise sur ce site

L'année 1851 voit la suppression des franchises douanières du port de Nice, qui impliquaient la dispense de tout droit de douane. Je sais, c'est logique, mais personnellement j'ai dû en vérifier le sens.  Et, comme moi, vous pourrez lire plus de détails sur l'historique de ces décisions, ICI

(Et sur ce site vous découvrirez aussi l'importance de la contrebande de l'époque, qui explique la création de "sentiers des douaniers" tel celui que nous avons suivi lors d'une précédente balade à Cap d'Ail.)


"De plus en plus de voix s’élèvent contre le maintien de la franchise. Celle-ci est finalement supprimée en 1851, provoquant un grand émoi parmi les Niçois. C’est à cette occasion que des manifestants caillassent la statue de Charles-Félix érigée au port de Nice. On rappelait que c’était lui qui quelques années auparavant avait solennellement renouvelé la franchise."

Cette statue de Charles Félix se trouve côté est du bassin
On voit, derrière, les rochers de la colline du Château
Photo ©Jacques Lefebvre-Linetzky

Voilà ce que l'on peut lire au sujet du Roi Charles-Félix

"Dernier représentant de la branche ainée de la maison de Savoie, Charles-Félix accéda au trône après la répression du mouvement révolutionnaire de 1821, réalisée sous la houlette d’un Niçois, le lieutenant général du royaume Ignace Thaon de Revel. Souverain aux idées réactionnaires, il ne jouissait pas d’une image très favorable auprès des libéraux, mais à Nice les habitants l’accueillirent avec enthousiasme à l’automne 1826 et pendant la saison d’hiver 1829-1830. Il est vrai qu’ils lui devaient plusieurs réalisations, destinées à moderniser et à embellir la ville. En effet il accéda au vœu de la municipalité qui souhaitait disposer de la colline du château afin de la reboiser et d’aménager un lieu d’agrément supplémentaire pour les touristes. Il favorisa la construction du théâtre royal et du pont neuf sur le Paillon, dénommé Saint-Charles, orné d’un obélisque et de quatre sphinx, offerts par l’Université des Israélites et en 1825 entérina la création de la Chambre royale d’agriculture, suggérée par l’intendant général Crotti. Afin de perpétuer le souvenir de ce souverain, la ville de Nice lui fit ériger une statue, placée sur le port. Le bon roi des Niçois disparut en 1831, après dix ans de règne."


Intéressant, non ? 

Revenons à notre balade. 
Halte devant l'ancien bagne, Quai Entrecasteaux. 


Le pavillon de l'horloge est un ajout qui date de 1826
On y note l'horloge à une seule aiguille
Photo © Jacques Lefebvre-Linetzky


C'est là le plus vieux bâtiment du port. Les bagnards qui y furent enfermés participèrent à la construction du grand bassin en 1850. En 1880, les bagnes furent fermés et interdits en France métropolitaine. Ne restèrent que des bagnes militaires pour ceux qui ont trahi ou déserté. Entre 1870 et 1890 on vit aussi s'ouvrir des "maisons de correction" de triste mémoire. 
Je vous facilite la tâche en recopiant ce que nous dit ce site-là  sur cet édifice. 

"L’édifice comprend deux parties : une longue galerie en pierres de taille, voûtée et percée d’arcades, baptisée Lou barri lonc par les Niçois, et un élégant pavillon de style néoclassique coiffé d’un clocheton à horloges.  

Son histoire commence en 1750, avec le creusement du port. Un môle fermant l’entrée du port est alors construit, abritant des magasins qui servent à entreposer l’outillage utilisé pour les travaux. 

Vers 1802, pendant la période française, le bâtiment devient un bagne militaire pour les soldats et une cour est aménagée pour la promenade. 


En 1814, les autorités sardes lui conservent cet usage. Ce sera jusqu’en 1850 un bagne maritime, annexé à celui de Villefranche. 


À partir de 1826, la monarchie sarde y réalise d’importantes améliorations comprenant notamment, pour les gardiens, la construction de deux pavillons à chaque extrémité du bâtiment : au nord le pavillon de l’horloge (1826), au sud le pavillon du bagne (1836, démoli en 1938). 

Le rez-de-chaussée voûté est transformé en 1835 pour empêcher les évasions: portes avec serrures extérieures et gonds inversés, grilles à barreaux contrariés, bat-flancs maçonnés sur lesquels les forçats dorment enchaînés. 


À l’extrémité nord, sous le pavillon de l’Horloge, une chapelle et des cellules individuelles viennent compléter cet aménagement.  

Les installations étaient prévues pour « accueillir » une centaine de forçats et une dizaine de gardes-chiourmes mais ce chiffre n’a vraisemblablement jamais été atteint. 


Après l’annexion (NB. celle de Nice par la France) de 1860, le bagne sert de prison de 1862 à 1887, pour les détenus condamnés à des peines de courte durée, avec une annexe pour les femmes logées dans les étages supérieurs du pavillon de l’Horloge. 

Il connaîtra ensuite différents occupants, dont l’armée."  

Aujourd'hui, et depuis 2017, le lieu est devenu un centre culturel régional – La Galerie Lympia – où se déroulent de nombreuses manifestations artistiques.  

Ce n'est pas un scoop que d'écrire que Nice est proche de la Corse. En 1860, donc, suite à une volonté de développement économique des deux régions, une première liaison maritime régulière entre Nice et l'île de Beauté est instaurée, ce qui entraîne le creusement du deuxième bassin, à partir de 1898...



Aujourd'hui ces gros navires font la navette 
entre Nice et la Corse

Mais heureusement, il y a aussi, et encore, cela :



Petite halte devant les 80 pointus
du Quai des Deux Emmanuels 


Ce bateau si emblématique de la Méditerranée
était l'outil de travail des pêcheurs locaux. 
Il n'ont pas de cabine, juste une petite cale,
mais sont parfois équipés 
d'une voile latine rudimentaire
et un moteur qui fait "teuf-teuf" !
Maëva avait dégoté le propriétaire de
l'un d'entre eux qui a éclairé les
néophytes non-locaux sur les
spécificités de cette "barcasse"
qui m'est très familière
Photos © Jacques Lefebvre-Linetzky

En contournant le bassin Lympia, on passe en ce moment devant les pharaoniques travaux de creusement de la ligne 2 du tramway niçois, qui reliera en une petite demi-heure le port et l'aéroport, pour une somme plus que modique. 


 
Photo © Jacques Lefebvre-Linetzky

Et en retournant vers l'est, on s'arrête, 4, Quai Lunel, pour contempler le bâtiment de la Douane...


 

D'un style "néo-classique turinois",
avec une façade jaune et vert 
et des porches et portiques du plus bel effet
Photo © Jacques Lefebvre-Linetzky

... et celui de "L'Inscription Maritime", l'ex-Capitainerie du Port : l'un des plus vieux immeubles du quartier. Construit en 1781 par l'architecte Nicolis de Robilante, ce bâtiment officiel abritait les bureaux du Gouverneur et la garde du port de Nice, ainsi que la loge du Capitaine.  


Palais de la Marine, 22, Quai Lunel
Photo © Jacques Lefebvre-Linetzky

Depuis les digues, on peut également admirer la grue (classée monument historique) qui servait à décharger les tonnes de charbon qui arrivait dans le port à une époque où ce combustible était précieux pour chauffer les immeubles. C'est là le dernier témoin de l'outillage du port. 


153 places sont disponibles à Nice pour les visiteurs
Les bateaux de croisière de moins de 180m, 
tel ce "Berlin", peuvent y faire escale ;
les très gros doivent utiliser la rade de Villefranche
Le problème de la pollution qu'ils causent 
est au cœur de l'actualité


"Grue Applevage n°14"
Grue électrique de levage construite en 1937
Quai Amiral Infernet
Photos © Jacques Lefebvre-Linetzky

Notre balade s'est achevée après un arrêt au Monument aux Morts, dont vous pourrez relire l'histoire en cliquant (une dernière fois !) sur un précédent billet de ce blog, ICI. Je rajoute à sa photo celle de l'hommage aux soldats du Génie, un corps équivalent à celui de "L'Auxiliary Military Pioneer Corps" dont il est tant question dans mon dernier roman. 


Photo © Jacques Lefebvre-Linetzky


La pioche à l'épaule, bien sûr...

Notez au passage le soin apporté à l'Histoire
par les jardiniers de la Ville de Nice :
les fleurs qu'ils plantent évoquent toujours 
une saison ou un événement.
Le prochain célébré en ce lieu sera le 11 novembre
Photo © Cathie Fidler

Et que diriez vous, pour conclure, d'une halte gourmande à la Confiserie Florian ?  


Cette confiserie familiale transforme 
en douceurs cristallisées
les fleurs de notre région.
(Mais pas que !)
Photo © Jacques Lefebvre-Linetzky


~ ~ ~ ~ ~ ~ ~

Merci encore à Maëva Pegliasco dont les explications m'ont donné envie d'explorer encore davantage un lieu  que je connaissais mal, et son histoire. 

Je rajoute ci-dessous les chiffres qu'elle m'a gentiment confiés, concernant l'activité portuaire du bassin Lympia. (Inutile de dire que je n'en avais rien retenu lors de notre promenade sous sa houlette !)



Superficie : 23 hectares dont 15 ha de plan d’eau 
2000 m linéaires de quais dont : 900 m de quais commerciaux et 800 m de pontons 
Longueur : 717 m 
Tonnage : 0.2 M (2011) (capacité de transport d'un navire de commerce)
Tirant d’eau : 8.50 m (quantité, volume d'eau que déplace, « tire » un navire)

Bassin Lympia : le plus ancien et le plus vaste, 38 000 m² superficie, 6 m de profondeur 

Bassin des Amiraux (ancien bassin de Carénage) : un peu plus récent (fin XVIII° s.), 
34 000 m², 5/6 m profondeur 

Bassin du Commerce : le plus extérieur et le plus récent, 35 000 m², profondeur 6.5 m 
Il comprend 13 grues, dont 12 montées sur rail, ayant une puissance totale de levage de 80 tonnes. Huit d'entre elles sont utilisables pour les marchandises en vrac (grues à benne), quatre sont à crochet

Avant-port : 40 000 m², ouvert directement sur le large, pas aménagé pour l’accostage des navires. 


Le port aujourd’hui 

Depuis, ses principaux axes d’activités st : 

-          La plaisance / tourisme (bateaux de croisière) 
Ports Nice-Villefranche 360 000 croisiéristes par an 
-          Trafic vers la Corse 
2017 : 900 000 voyageurs/passagers embarquant et débarquant vers la Corse
Compagnies : Corsica Ferries et Moby Line 

-          Commerce (exportations de ciment des usines Vicat et Lafarge)* 
> 200 000/300 000 tonnes de ciment exportées par an

Chiffres d’affaires du port pr la CCI : 12 M (2016) 


(*D'actualité : cette info-là)





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