Depuis 1953 une institution israélienne basée à
Jérusalem, Yad Vashem, honore ceux et celles
que l’on appelle « LES JUSTES PARMI LES NATIONS ». Ceux et celles
qui, au péril de leur vie, et pire, de la vie de leurs enfants, ont sauvé des
Juifs au moment où ceux-ci étaient poursuivis comme du gibier.
Pour être reconnu comme Juste (pour une définition précise
cliquer ici) il faut que des témoins vivants, ou leurs descendants
établissent un dossier qui prouve sans l’ombre d’un doute que sans l’action de
cette personne, il y aurait eu, littéralement, sinon mort d’homme immédiate, un
grand danger de déportation vers les camps d’extermination.
François et Eléonore Giribone : J’ai toujours entendu
prononcer le nom du couple qui a été ainsi honoré jeudi 5 avril 2012 à Nice, car ils ont sauvé une famille qui m’est
chère.
Quelques éléments de cette histoire, dont, je dois l’avouer, je ne connaissais pas tous les détails :
En 1943, M. Daniel Mayer et son épouse vivaient à Nice, où M.
Mayer tenait, rue Châteauneuf, une petite entreprise de peinture et de
fournitures pour peintres en bâtiment. Ils étaient les parents d’une petite
fille de trois ans, Suzanne.
Lorsque les nazis remplacèrent les Italiens, en septembre
1943, ils mirent leur enfant à l’abri -comme tant d’autres, dans une
institution tenue par des religieuses, qui, en l’occurrence s’occupaient
d’enfants sourds, muets et aveugles -, et, tout désemparés ne surent plus que
faire, ni où aller, ni ce qui allait leur arriver.
Comme M. et Mme Mayer s’en retournaient, emplis de la
détresse qu’on imagine, vers le quartier St Philippe où ils habitaient, ils rencontrèrent
un homme que Daniel Mayer connaissait - un peu - car c’était un de ses clients.
Celui-ci, François Giribone, engagea la conversation, et en comprenant la
situation, offrit sur le champ l’abri de son entrepôt à M. Mayer et à sa femme
Renée, ainsi qu’à sa belle-sœur Marthe, et à ses beaux-parents.
C’est tout.
Il abrita « juste » cinq personnes pendant quelques
mois, partageant les tickets d’alimentation de sa famille avec
« ses » clandestins, sans que personne alentour ne moufte. Dans le
quartier, il y en a bien qui devaient se douter de ce qui se passait, mais nul
n’a rien dit.
C’est tout.
Eléonore Giribone attendait un bébé. Ce fut Marthe qui l’aida
à le mettre au monde tandis que François courait partout pour trouver une
sage-femme ou un médecin.
Et puis la famille Mayer parvint à se sauver en direction de
la Suisse. Tous survécurent.
C’est tout.
La guerre s’acheva, enfin. Les Mayer revinrent à Nice, et s’y
réinstallèrent. Ils eurent une seconde fille, Béatrice, qui devint mon amie,
parce que Marthe connaissait bien ma famille.
Marthe va avoir 99 ans, et elle n’a rien oublié.
La famille Mayer resta toujours en contact avec les Giribone
et avec leurs enfants. C’est une belle amitié qui les unit tous. Alors, un jour,
Suzanne voulut enfin honorer la mémoire de ceux grâce à qui tous avaient pu rester
en vie. Le long processus se mit en branle, et, sous l’égide efficace du
Président du Comité pour Yad Vashem Nice Côte d’Azur, M. Daniel Wancier, il
aboutit à la cérémonie qui eut lieu jeudi dernier à la Villa Masséna, à Nice.
Cette remise de médaille à titre posthume fut
particulièrement émouvante, car, en plus des discours pertinents et bien
documentés des divers représentants de la République, des officiels, et du
Consul d’Israël en France, en plus des remerciements si sincères des récipiendaires
- Claude et Sylvain Giribone -, en plus de l’hommage sobre et fort de Suzanne,
en plus de la présence attentive de Marthe, il y eut la voix de
l’arrière-petite-fille du couple honoré. Âgée de seize ans, franco-allemande,
Sarah (oui, elle s’appelle Sarah) a su trouver plus que des mots pour dire à
quel point l’héritage de François et Éléonore avait déjà marqué sa jeune vie.
Elle a expliqué d’une voix à peine tremblante d’émotion comment ces faits,
découverts alors qu’elle avait douze ans, allaient donner un sens à sa vie, à
celle de sa fratrie et à celle de ses cousins. Elle a exprimé toute la
gratitude qu’elle éprouvait à être la descendante de ce couple-là, et ses mots
furent à l’image de cette famille : justes.
Alors, en ces temps si troublés que nous traversons à
nouveau, je ne peux que souhaiter que des Justes semblables se lèvent et
agissent avec autant de courage à chaque fois qu’un enfant « en situation
irrégulière » est pointé du doigt, à chaque fois que des parents sont
menacés d’expulsion, à chaque fois que l’injustice frappe. Je le souhaite, mais
remercie à mon tour, au nom de tous les
enfants de survivants de cette époque passée - dont je fais partie – cet homme
et cette femme de Nice qui, en toute discrétion, ont « juste » fait
leur devoir d’êtres humains.
Pour des informations plus officielles sur cette cérémonie,
voir ICI.
Sur la photo, de gauche à droite : Marthe, Suzanne, Claude, Sylvain.
Crédits photographiques : Michèle Merowka et Jacques Lefebvre-Linetzky
Crédits photographiques : Michèle Merowka et Jacques Lefebvre-Linetzky
C'est une histoire très émouvante et intéressante. Une telle histoire de l'humanité et de sacrifice!
RépondreSupprimerJ'ai eu l'occasion de visiter Yad Vashem à Jérusalem. Au même temps qu'il s'agissait d'une éducation et très émouvant. On n'oubliera.
Joseph
Merci pour ces détails. je connaissais déjà l'histoire des Giribone, des gens admirables. Je suis contente que l'on puisse parler de "beauté" de coeur dans notre monde individualiste.
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