Ceux d’entre vous qui
connaissent la grande Maison Éducation ne trouveront rien de nouveau à ce petit
message, mais les autres découvriront peut-être un aspect moins connu de cette
institution.
Prenez une jeune fille toute mignonne qui
n’a pas beaucoup vécu ailleurs que dans des villes de province. Si, si, il en
existe encore. Elle se destine au beau métier de l’enseignement. C’est, comme
qui dirait, une vocation. Après quelques années d’études exigeantes, tout en travaillant
à côté pour gagner sa pitance, elle réussit un concours si difficile que ses
copines, aussi douées qu’elle, y sont parfois recalées, et même deux fois. Elle
fait donc la fête pour célébrer la chose, avec son petit copain.
La fête ne durera pas longtemps.
Elle va vite apprendre qu’elle doit faire son stage de formation (enfin, si on
veut – la chose n’a plus guère de sens à présent puisque la jeune recrue sera
jetée dans le grand bain sans bouée dès la prochaine rentrée, nage ou crève), elle
effectuera son « stage », donc, dans une ville distante de 400kms au
bas mot. Par exemple, si elle vit à Clermont-Ferrand, Bordeaux ou Toulouse
paraissent des affectations logiques. Elle déménage, donc, avec tout ce que
cela implique de frais divers. Elle s’installe, un peu. Aime son lycée, son
nouveau métier. Se voit appréciée de ses élèves, et même de son proviseur. Découvre
les lieux. Pense peut-être à rester dans cette nouvelle région, qu’elle s’est
mise à apprécier.
STOP le rêve. Quelques mois
plus tard, on l’informe que c’est dans l’académie de Créteil qu’elle devra
rejoindre son poste suivant. Pas forcément en tant que titulaire, notez, souvent
comme TZR (Titulaire sur Zone de Remplacement). À chaque rentrée, à elle les
joies renouvelées du déménagement ; les galères pour trouver à se loger au
plus près du poste dont on lui donnera les coordonnées au mieux 48 heures avant
la rentrée ; les frais divers (qui commencent à chiffrer, vous le devinez)
- et le copain ? Pas sûr de le relocaliser aussi facilement à chaque fois…
Qu’à cela ne tienne, le célibat sierra forcément à notre novice, puisque cette
voie est une vocation, on est bien d’accord, non ?
Ah, mais, au moins, en
étant fonctionnaire, elle ne sera pas au chômage, me direz-vous. Certes. Elle
aura un boulot, et même un métier gratifiant, dont les avantages cachés sont
économiques avant tout. Mais pas forcément pour notre jeune recrue. Pensons
avec gratitude au cadeau que fait l’Éducation Nationale à tout un tas d’autres
corps de métiers, comme : les agents immobiliers, les entreprises de
transport, les déménageurs, les loueurs de camionnettes, la SNCF, les marchands
de meubles, les artisans en tous genres… C’est sûr, on ne pense pas à la
bienveillance dissimulée de cet employeur modèle qui, sans l’aide d’aucun DRH, sait
si bien prendre en compte tous les paramètres avant d’affecter une jeune fille
de province dans un collège de la banlieue parisienne, où, nul doute elle saura
faire honneur à son employeur et à son pays.
On ne râle pas, hein ?
Parce que, quand même, voyager ainsi tous les ans, ce n’est pas donné à tout le
monde. Avec l’Éducation Nationale, c’est possible !
Servir l’État, sur tous les
fronts, pour guère plus que le SMIC, quoi de plus beau ? Certains ont même
transformé en films leur dure expérience du terrain. Ici & Ici.
Et puis, cette ZEP (Zone d’Éducation Prioritaire) de banlieue, c’est à deux pas de la ville lumière que le monde entier nous envie.
Dans ces conditions de rêve offertes par la nation reconnaissante, on comprend mieux que tant de postes soient supprimés partout, mais pourquoi le ministre de l'Éducation ne l'explique-t-il pas à la télé ?
On se demande bien pourquoi certains sont si négatifs. Pas moi, c’est sûr. Allez, les filles (et vous aussi les mecs), faites-donc un peu de promo pour le Club Ed, tout en commençant vos cartons !
un récit acide et malheureusement vrai
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