« Peu de cadeaux font vraiment
plaisir, pas vrai? On remercie trop souvent pour la forme, en attendant de
reléguer l’objet non désiré au fond d’un tiroir, voire pour les moins
scrupuleux, de le vendre sur e-bay à défaut de faire venir les encombrants!
C’est que trop de cadeaux sont eux aussi formels, choisis pour une date
anniversaire ou convenue, achetés sans penser vraiment au récipiendaire,
parfois pour se faire plaisir à soi, en fonction d’un prix, ou d’une mode. Peu
d’entre nous prêtent vraiment attention aux goûts et intérêts du destinataire
et, de fait, quand on n’aime pas vraiment, mais vraiment, quelqu’un, la quête
du présent est une corvée. Au contraire, les êtres aimés, on voudrait les
couvrir de dons, on pense à eux devant chaque objet en se disant « tiens, ceci
lui ferait plaisir », la recherche n’en est même pas une ; tout, au pays des
merveilles du commerce, se jette sur notre chemin en nous criant « achetez-moi,
achetez-moi ! »
Ce passage tiré des Recettes à la vie, à l’amour*, je vais aujourd’hui lui ajouter une nuance végétale.
C’est vrai, combien d’entre
nous ont un jour acheté une plante fleurie à apporter à des hôtes d’un soir,
sans se soucier de savoir s’ils ont la main verte, ou de la place sur le rebord de leur fenêtre, ou même s’ils sont allergiques à tout entretien de type
agricole ? On s’est juste dit : « Qu’est-ce qu’on apporte chez
les Trucmuches tout à l’heure ? J’ai complètement oublié de m’en
occuper !»
Alors, à huit heures moins
le quart, on entre chez le fleuriste à toute vitesse ; on regarde les
prix, la taille du pot, et on embarque la chose bien emballée et décorée de
grigris kitschissimes, avant de filer à ce dîner en ville, sans très bien
savoir qui l’on y rencontrera, ni quel genre de végétal les autres invités
auront choisi - le même peut-être, au vu de la saison ?
Une fois délivrés de cet
encombrant et impersonnel cadeau, on se congratule, on se restaure, et, passé
neuf heures du soir, on ne pensera plus jamais à cette plante qui vivra sa vie
chez ses nouveaux propriétaires.
Et vous qui avez reçu en
cadeau cette même plante, après vous être extasié(e) sur sa couleur, ses feuilles si luisantes, sa taille, son pedigree, vous l’avez posée dans un coin du balcon,
et puis vous l’avez arrosée du mieux que vous pouvez. Elle reste radieuse le
temps de sa floraison un brin artificielle.
Vous pensez, en passant
devant, à ceux qui vous l’ont offerte et que vous n’avez guère revus depuis ce
soir-là. Mais vous prononcez leur nom, tout de même : « Tu as vu tous
ces bourgeons ? Elle est magnifique la plante des Dupont-Dupond ! » Et, plus
tard : « Elle n’a pas très bonne mine, la plante des Dupont-Dupond,
tu ne trouves pas ? »
Si vous êtes fan d’Alain
Baraton, au moindre courant d’air vous aurez appelé France Inter pour savoir
comment la soigner en cas de bronchite (quand les plantes toussent, leurs
feuilles tombent, vous ne le saviez pas ?) ; sinon, en cas de
refroidissement sérieux, vu qu’il n’y a pas de vaccin contre le gel autre que
le voile de mariée que vous oubliez chaque année d’acheter, vous vous dites
« Bof, tant pis, je la remplacerai au printemps ». Et de fait, vous
l’oubliez, elle et ses branches séchées, son look fatigué, et son pot un peu
moisi. Tout juste si de temps en temps vous lui filez un coup d’eau de lavage
de la salade. Par compassion. Au cas où ?
Le temps passe. Le
printemps revient. Elle a toujours l’air d’une moribonde. Prise d’un remords
tardif, vous la rempotez.
Et puis, miracle. Un matin,
elle vous accueille avec une grâce exceptionnelle. Une fleur.
Alors là, c’est comme si
les invités qui vous l’ont offerte l’an dernier étaient soudain là, devant
vous, avec un grand sourire sur leur visage amical, et vous avez envie de leur crier : « Regardez votre plante comme elle est belle ! Merci de
ce joli cadeau qui a survécu à toutes ces épreuves ! Je vais la
chouchouter, pour qu’elle vive aussi longtemps que notre relation, et
s’épanouisse de même. »
Car tout ce temps, sans le
savoir, on a gardé avec soi la marque de cette soirée anodine, et soudain le
plaisir d’un cadeau banal a explosé, tout comme ce bourgeon, en une promesse de
vie.
(J’en rajoute un peu… le sujet me mettrait-il en mode guimauve ?)
(J’en rajoute un peu… le sujet me mettrait-il en mode guimauve ?)
Pour finir, en voilà une
autre, reçue il y a peu. Une belle, très belle plante, aussi belle et généreuse que celle
qui l’a envoyée. Longue, longue et belle vie à elles deux. Et à vous aussi :
que vous soyez citadins ou campagnards, il y a sûrement une plante de l’amitié qui
vous attend quelque part.
* extrait du chapitre intitulé Les petits gâteaux de joie" p. 70.
Did you know that we still have the "umbrella plant" that you gave us when we moved to our first flat... and it is flourishing here! xoxo KSF
RépondreSupprimerUnbelievable! But what on earth is an "umbrella plant" I cannot remember - goes to show... the giver forgets faster than the recipient, it seems! xoxo 2 U 2 ;)
RépondreSupprimerEt comme dit Ophélie, je crois,
RépondreSupprimerThere's rosemary, that's for remembrance...(..) .
and pansies, that's for thoughts.
Claude
Une plante fleurie, on s'y attache en fonction de la personne qui l'a offerte. Si on l'aime, on ne l'oublie pas, on la soigne, on lui cherche le meilleur emplacement, et on essaie, je dis bien 'essaie', de la garder le plus longtemps possible. Elle est plus vivante qu'un objet choisi au hasard à la dernière minute et que l'on ne sait où placer. Il y a, par contre, toujours un coin pour la plante.
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