d'Eugène Delacroix, 1830.
Une vieillerie ?
Pourquoi cet éloge aujourd’hui ? Mes réponses personnelles sont
très simples.
J’ai vécu une période de rêve, au cours de laquelle :
...Se sont mises en place des
libertés exceptionnelles pour les femmes, comme celle d’avoir « un enfant
si je veux, quand je veux » et de ne pas en avoir si le cœur et le corps
ne m’en disaient pas.
...J’ai vu disparaître de notre code
civil la peine de mort, qui dégrade ceux qui l’appliquent, et ne sert à rien
d’autre qu’à assouvir un esprit de vengeance, lequel ne doit pas être le fait
d’un état humaniste.
...Nombreux se sont battus avec
succès pour l’égalité entre hommes et femmes. Même si la route est inachevée, notre Europe voit des femmes accéder au plus haut niveau des responsabilités – où elles ne sont ni meilleures ni pires que les hommes.
...Nos enfants, quelle que soit leur
origine, ont pu aller en classe ensemble, sans peur, et se faire des camarades dans
l’école de la République, obligatoire et gratuite.
...Précisément, j’ai pu rêver que
les vieux diables étaient morts et que, plus jamais, on ne fermerait la porte
d’un pays en paix à ceux qui fuient la guerre et la terreur d’être massacrés.
...On pouvait ne pas appartenir à un
parti politique, ni à aucune église, et avoir des amis de tous bords.
. ...La culture était respectée, respectable,
désirable. Ceux qui n’en avaient pas (encore) acquis s’en excusaient presque,
ils ne revendiquaient pas leur inculture avec morgue, au contraire : ils
faisaient de leur mieux pour améliorer leurs connaissances, par la lecture, le
cinéma, et la fréquentation des arts, soutenus en cela par des deniers publics.
Oui, j’ai vécu et apprécié tout cela, ce qui fait de moi une
« vieillerie ».
C'est le terme de vieillerie – et non celui de vieille, ou de vieillesse – qui me vient, parce que la vieillesse implique un phénomène naturel, auquel nul n’échappe, sauf à mourir jeune ! La
vieillerie, elle, évoque en plus (selon le Petit Robert) un objet « vieux,
démodé, usé ».
« C’est rien qu’une vieillerie ! », disons-nous, avant
de le jeter à la corbeille.
Eh bien non.
Certes, ce qui est neuf, créatif, vivant, original, est
intéressant, stimulant, encourageant – mais
pas ce qui ressemble à du neuf, tout
en n’étant qu’une pitoyable réédition du passé. En politique (par exemple ?) ce
que l’on voit émerger ces temps-ci n’est pas une vieillerie, mais la copie presque conforme d’un
mouvement détestable que l’on aurait dû jeter pour toujours aux poubelles de
l’Histoire, au regard des catastrophes humaines qu’il a engendrées.
Aujourd’hui, s’il me reste les merveilleux souvenirs et acquis
mentionnés ci-dessus, l’avenir proposé par certains jeunes (et moins jeunes) de ce pays me paraît
relever davantage du cauchemar que du rêve.
Voilà pourquoi, face à un prétendu « ordre nouveau », il me plaît de faire l’éloge de la vieillerie,
et de tous ces acquis vieillots du siècle passé que l’on doit à des êtres audacieux
qui n’ont pas brandi l’étendard de la haine pour tenter de résoudre les problèmes
de leur temps. S’ils ont – si nous
avons – eu le tort d’y croire, eh bien ! tant mieux ! Pour ma part, n'ayant pas de regrets, je passerai à la poubelle sans remords. Pour ce qui est
de la gratitude… on va y réfléchir, mais elle va d’ores et déjà à ceux qui s’engagent avec courage à défendre les mêmes vieilleries que moi.
...pas tout de suite, quand même.